Grâce aux nouvelles technologies et la data, les afficheurs développent de nouveaux de services en ville en liaison avec les marques: affichage digital, mobilier urbain interactifs, services de connectivité ou liés aux transports.

Le 23 mars, tout sourire, la maire de Paris, Anne Hidalgo, inaugurait, place de la Bastille, le premier Abribus «intelligent». A ses côtés, Jean-Charles Decaux, président du directoire du leader mondial de la communication extérieure, JC Decaux. Cet Abribus du futur est doté d’un écran interactif tactile de 32 pouces, affiche un plan de la ville avec des informations pratiques sur le quartier, comme les points d’intérêt (musées, parcs et jardins, stations Vélib) et propose des services via les onze applications retenues suite à un concours, testées pendant un an, comme I-transports, pour calculer son itinéraire en transports en commun. Ce dispositif sera déployé, à terme, sur une centaine d’Abribus.

L'initiative s'incrit dans le cadre de la titanesque opération de renouvellement des 2 000 Abribus parisiens, après la reconduction en 2013 de JC Decaux pour quinze ans sur ce contrat, via sa filiale Sopact. Conçus par le cabinet de design Marc & Aurel, les nouveaux Abribus comporteront d’autres innovations: des prises USB pour charger son mobile et des panneaux photovoltaïques sur le toit pour alimenter les écrans d'horaires. Ambition du groupe français: insuffler une dose d’innovation environnementale dans l'un de ses plus emblématiques services à la ville, créé en 1964.

Toucher des urbains plus nomades

JCDecaux continue de miser sur ce qui fait son identité, fournir de services ou des produits financés par la publicité. Tous les afficheurs adoptent aujourd'hui ce modèle et rivalisent d’inventivité pour imaginer de nouveaux services toujours plus intégrés aux habitudes urbaines. Il s'agit d'inventer de nouvelles formes de communication extérieure, au-delà du traditionnel affichage grand format, qui a moins la cote, et alors que tous les opérateurs ont réduit leur patrimoine. La décision de la mairie de Grenoble de retirer son affichage, fin 2014, a aussi remis en cause ce modèle auprès de certaines municipalités. «Le modèle où l'on apporte un service à la ville contre une concession à la publicité cédée par la ville va perdurer. Mais il n’y aura plus de publicité unique et sauvage: tous les supports de service à la ville permettront d’avoir de nouveaux supports de communication extérieure», confirme Matthieu Habra, directeur général de l'agence Havas 360.

Une réflexion est en cours visant à assurer un apport de services jumelé à de l'affichage numérique. «Il y a des discussions entre l’Union de la publicité extérieure et l’Association des maires de France quant à la possibilité d’envoi de visuels instantanés sur les panneaux digitaux, par exemple en cas d’alerte enlèvement, pour la météo, etc.», précise Stéphane Dottelonde, président de l’UPE. Il est vrai que, depuis quelques années, les grandes métropoles ont multiplié rues piétonnes, tramways, pistes cyclables, voitures et vélos en partage. Les urbains ont commencé à délaisser leur automobile au quotidien au profit de ces modes de transports alternatifs. Autant d’opportunités de développer de nouveaux médias en ville pour toucher ces consommateurs nomades.

C’est dans cette logique que JC Decaux a créé en 2005 le Vélib, ce vélo en libre-service (VLS) au succès mondial. «Avec le Vélib, nous étions dans la continuité de ces services financés par la publicité», souligne Albert Asseraf, directeur général stratégie, études et marketing France de JC Decaux. Depuis, une soixantaine de villes dans le monde l’ont adopté. Si JC Decaux a frappé fort avec le Vélib, ce modèle avait été lancé dès 1998 par Clear Channel à Rennes, avec son Vélo à la carte. Ont notamment suivi le Vélov à Lyon, les IDE cycles à Pau (Keolis), le Libélo à Valence (Smoove), les vélos en libre-service à Dijon, Perpignan et Caen (Clear Channel).

Pour les opérateurs de mobilier urbain et les municipalités, la rentabilité de ces VLS reste à trouver. Le concessionnaire, tel Cyclocity, filiale de JC Decaux, s’occupe des réparations et de l’entretien du matériel qu’il fournit et dispose en contrepartie dans la ville de panneaux publicitaires dont il encaisse les recettes. Mais ce service coûte cher aux collectivités. «Le coût par vélo et par an atteint 2 250 euros à Orléans, 2 413 euros à Rennes et 3 267 euros à Marseille», précisait récemment au Monde Benoît Beroud, fondateur de la société de conseil en mobilité durable Mobiped.

Personnaliser la relation et interagir

Autre nouvelle piste pour les afficheurs, la connectivité. Puisqu’il faut fournir des services aux urbains/voyageurs durant leurs temps d’attente, et qu’ils sont de plus en plus connectés à leurs mobiles, tous développent des services de connexion internet sponsorisés. JC Decaux a ainsi créé un département consacré à la connectivité. A Amsterdam, le groupe a équipé 200 Abribus en micro-relais, avec l’opérateur Vodafone, proposant une connexion très haut débit dans un rayon de 100 mètres. Le 1er juillet 2014, il lançait un service de connexion gratuite en wifi (débit limité à 512 Kbits/s) dans les aéroports parisiens via un accès teinté aux couleurs d'Hello Bank (BNP Paribas).

Pour sa part, Média Transports (Publicis) va déployer, à partir de mi-juillet, une connexion wifi dans une vingtaine de bus faisant la navette entre Paris et les aéroports d’Orly et Roissy. Une connexion gratuite pour le client, sponsorisée par une marque. Cet été, avec Orange Valley et la RATP, l'afficheur va lancer en version bêta, depuis la station de métro parisienne Gare de Lyon, un service de connexion wifi ultra-haut débit permettant de télécharger gratuitement un film en 30 secondes en qualité HD. Nom de code: Fast Content Upload. Un annonceur sera associé au temps de téléchargement. «Nous proposerons des films et des séries, pourquoi pas en vidéo à la demande. Avec ce type de service, le voyageur doit pouvoir enrichir son temps de transport», indique Valérie Decamp, vice-présidente de Média Transports.

Prometteur aussi, le mobilier urbain interactif. Nombre d’afficheurs développent des panneaux publicitaires dotés d’un tag 2D ou NFC qui permet au passant de récupérer sur son mobile des contenus enrichis. Logique, alors que le smartphone devient central dans les stratégies des opérateurs. «L’out of home» (OOH), qui englobe le mobile, permet en effet d’avoir une relation personnalisée en combinant la puissance de la communication extérieure à l'écran du mobinaute. «L’avenir de l’affichage passe par ça», rappelle Matthieu Habra, d'Havas 360. «Toutes les marques réfléchissent à l’interactivité et à la prolongation de leur communication sur le mobile. Comme, en plus, cette interaction est volontaire de la part du mobinaute, cette audience est qualifiée», complète Julien Domingues, directeur du pôle Proximity/Amplifi (Dentsu Aegis Network)..

Le mobile, second écran du mobilier urbain

Clear Channel, de son côté, capitalise sur ses balises Connect, apposées sur 8 000 mobiliers urbains. «Elles nous permettent de donner au passant des informations via des applications mobiles», précise Philippe Baudillon, PDG de Clear Channel France. Grâce aux technologies QR code et NFC qu’elles embarquent, elles font du smartphone un second écran lié au mobilier urbain, proposant aux mobinautes plusieurs types de service, allant du shopping (coupons de réduction) à l’information (géolocalisation, itinéraire) ou à la formation, via le partage de contenus sur des réseaux sociaux. En avril dernier, pendant quinze jours, sur 500 totems digitaux de Clear Channel, les passants pouvaient s’inscrire en direct, en approchant leur smartphone, pour un premier cours gratuit proposé par Albert, une start-up spécialisée dans l'e-learning, partenaire de l’afficheur.

Dans la même veine, Insert mise depuis deux ans sur l’affichage interactif lié au mobile. «Il est entré dans les usages parallèlement au développement du parc de smartphones dotés d’une puce NFC, comme les Iphone 6 et les Samsung Galaxy S», souligne Sébastien Romelot, directeur général de Insert. «En un an, nous avons mené 25 campagnes dans ce format, avec en moyenne deux campagnes par mois.» Assurément, les idées bouillonnent autour de nouveaux types de service à la ville. «Nous serions prêts à investir dans des pollumètres, des totems qui afficheraient un niveau de pollution dans l’air», anticipe Jean-François Curtil, PDG d'Exterion Media. Décidemment, affichage rime de plus en plus avec environnemental.

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