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Les services de télévision de rattrapage ou «catch-up TV» sont au cœur des stratégies de développement des chaînes. L'occasion pour elles de retrouver une audience perdue et de la monétiser.

Belle-maman, qui a le chic de débarquer à la maison le soir de votre série préférée, n'est plus une menace. Les péripéties de votre héros récurrent, que vous ratez ce soir-là, vous les retrouvez désormais gratuitement sur l'offre de télévision de rattrapage de la chaîne. C'est que la «catch-up TV» s'est définitivement installée dans le paysage audiovisuel français.

Pratiquement toutes les chaînes nationales hertziennes proposent sur Internet une offre gratuite de visionnage de leurs programmes, une proposition valable durant sept jours après la diffusion du programme sur l'antenne. Au-delà, ce dernier passe dans les services de vidéo à la demande («VOD») de la chaîne et devient payant.

Le périmètre de programmes mis à disposition est variable, selon les antennes, mais les services de rattrapage ne manquent généralement pas les contenus qui incarnent l'identité de la chaîne. On y retrouve ainsi les magazines et journaux d'informations, les fictions françaises et les séries étrangères les plus identifiantes.

En revanche, sont généralement absents les films de cinéma, dont il faut gérer des problèmes de droits, ainsi que les rencontres sportives, où le direct est déterminant.

La modification du décret dit Tasca, le 23 octobre 2009, a fixé un cadre législatif à la télévision de rattrapage. «Clairement, l'objectif est d'augmenter notre catalogue disponible en incluant les œuvres et, à terme, de retrouver l'intégralité des grilles de nos chaînes», indique Laurent Souloumiac, directeur des services interactifs de France Télévisions. Le groupe public va d'ailleurs créer une marque propre pour ses services de télévision de rattrapage.

La «catch-up TV» est en effet devenue indispensable pour les chaînes. «Nous sommes convaincus que ce type de service fait partie de l'évolution logique de la télévision, et d'une chaîne comme M6, car cela répond à la consommation de plus en plus importante de services sur Internet et que c'est aussi le principal moyen de lutte contre le piratage», assure Christian Bombrun, directeur général adjoint de M6 Web. «Ce service répond à un usage qui se développe et il n'y a pas d'opposition avec une diffusion classique à la télévision», renchérit Carole Morvan, directrice marketing d'E-TF1. La télévision à la demande fonctionne tel un magnétoscope numérique qui aurait tout enregistré et dans lequel il suffit de puiser pour voir un programme manqué ou dont on a entendu parlé après coup. Sa particularité ? Le téléspectateur s'affranchit des horaires et des grilles.

Une possibilité particulièrement prisée des publics jeunes qui ne supportent plus de se voir imposer une offre de programmes dans sa linéarité et se détournent des comportements habituels de la consommation du média télévision (lire aussi le sous-papier page xx).

Du coup, la «catch-up TV» fait office de rattrapage d'audience. Les chaînes voient dans ce service un moyen de récupérer dans leurs bergeries les brebis égarées, et cela au plus grand bonheur de leurs annonceurs.

La simplification de l'accès

La télévision de rattrapage peut aussi avoir un rôle marketing. «C'est un outil de promotion pour nous, confirme Gérald-Brice Viret, directeur général de NRJ 12. Nous sommes toujours en phase de construction de notoriété et Internet est un formidable outil d'initialisation et de recrutement »

Aujourd'hui, télévision de rattrapage rime avec ordinateur, car c'est encore quasiment le seul moyen d'accéder à ces services. Sur M6 Replay, la majeure partie (entre 70% et 90%) des visionnages de programmes est réalisée sur la plate-forme Web de l'opérateur. Cela a évidemment des conséquences sur l'audience.

Qualitativement, cette dernière est plus proche de celle des internautes : plus jeune, plus masculine et plus urbaine. Les émissions les plus prisées sont de ce fait les programmes de télé-réalité et les séries américaines.

Mais le véritable essor de la «catch-up TV» passera par sa simplicité d'accès. L'intégration des offres aux box TV des opérateurs Internet est un grand pas. La généralisation des téléviseurs «connectables» au Web aussi. Selon l'institut d'études GFK, à la fin 2009, 6% des postes vendus possédaient une fonction d'accès à Internet. En 2010, les constructeurs prévoient un quart des ventes, soit environ 2 millions de téléviseurs.

«Pour ces services, il est indispensable d'être sur le poste TV car il s'agit de vrais programmes regardés dans les conditions de consommation usuelles de la télévision, affirme Philippe Bailly, directeur de NPA Conseil. C'est-à-dire installé dans son canapé, face à son téléviseur et en utilisant sa télécommande.»

Les chaînes de télévision ont commencé à nouer des accords avec les opérateurs Internet et les constructeurs. TF1, avec son portail My TF1, est associée à la Bbox de Bouygues Telecom, avec qui la chaîne partage un actionnaire majoritaire commun, et Samsung. M6 Replay est disponible sur les services TV d'Orange et de la Neufbox, et a signé avec Sony. Orange TV, elle, a fait le choix de s'associer à LG.

Quant à France Télévisions, il est partenaire depuis deux ans sur la box d'Orange. Cet accord exclusif échoit fin avril et le groupe public, à l'image de ses concurrents, prévoit de rendre son offre la plus disponible possible. «Nos objectifs et notre stratégie sont très clairs, confirme Laurent Souloumiac, son directeur des services interactifs. Nous voulons développer la télévision de rattrapage sur différents supports : le PC, bien sûr, le téléviseur, via les opérateurs ou l'appareil connecté, et la téléphonie, grâce aux applications, telles celles de l'Iphone.» De quoi satisfaire les fans de Plus belle la vie, le célèbre feuilleton de France 3.

La capacité de débit en question

Toutefois, le bel avenir tout tracé pour les services de télévision de rattrapage pourrait se heurter à un grand hic : les capacités de débit. Les voies d'Internet n'étant pas extensibles à l'infini, les tuyaux devront grossir avec l'audience pour éviter les incidents techniques.

Aujourd'hui, les professionnels situent autour de 300 000 le nombre maximum de connexions simultanées sur un même programme vidéo. Au-delà, la qualité de lecture est dégradée.

«Les opérateurs ne savent pas gérer des usages IP massifs, affirme Philippe Chéron, président de Yacast. Il existe une limite technique pour les box TV. Sur Internet, la structure des réseaux doit se déployer proportionnellement avec l'audience. Cela engendre évidement un coût. Qui le paiera ?» Au final, certainement le consommateur. Même belle-maman.

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