Ressources humaines
Si les natifs du numérique ont trouvé place dans l’entreprise, la cohabitation avec leurs aînés n’est pas toujours simple. L’image des jeunes n’est souvent qu’une succession de clichés aux yeux de managers désorientés.

Arrogants, rebelles à l'autorité et bien sûr immatures. Le monde de l'entreprise a souvent une image caricaturale des jeunes. Avec la génération Y (les moins de trente ans), il faut ajouter à ces caractéristiques supposées celles de zappeurs et d'individualistes. «Ils sont vécus comme un péril par la majorité des salariés plus âgés», estime Benjamin Chaminade, un consultant expert en management des talents. Un péril jeune devenu réalité. Selon l'Insee, les moins de trente ans représentent déjà 20% de la population ayant un emploi.

Comment se passe la cohabitation? Du côté des managers quadras et quinquas, beaucoup avouent «ne pas arriver à les comprendre».«Ils sont attachés à leur bande et en même temps individualistes, zappeurs et en demande de proximité, se déversent en émotions sur Facebook et sont repliés sur eux-mêmes dans leurs rapports humains, résume l'un d'eux, manager dans une entreprise du CAC 40. Ils sont déroutants.»

Pour Benjamin Chaminade, ces contradictions sont une marque de fabrique de la génération Y. «L'effet sociologique joue à plein, explique-t-il. Issus en grande partie de familles monoparentales, ces jeunes ont connu une blessure mais aussi pris l'habitude du changement, d'où leur côté zappeur. Ils ont été habitués à être chouchoutés par leurs deux familles et ont reçu beaucoup d'amour. Ils aiment comprendre et n'ont pas peur de demander. En entreprise, cela se traduit par des exigences très précises.» Notamment en termes de mobilité, de salaire, de contenu de poste et de mission. Et de management, bien sûr. «D'un côté, les jeunes affichent leurs désillusions par rapport aux grands groupes, de l'autre un intérêt de plus en plus fort pour les entreprises à taille humaine fondées sur la proximité managériale», souligne Marko Vujasinovic, président de Meteo Job, un site d'emploi en ligne qui vient de publier une étude sur les attentes des candidats à l'embauche (lire l'encadré).

Enthousiasme et créativité

Enquête après enquête, leurs attentes se confirment. «Habitués à évoluer en tribu, ils veulent travailler dans la convivialité», note David Guillocheau, directeur de Talentys, cabinet spécialisé dans la gestion de talents. À leurs yeux, les compétences relationnelles de leurs managers sont aussi fondamentales que leurs compétences techniques. Ils les considèrent comme des coachs destinés à les accompagner dans leur progression de carrière. Ils exigent d'eux proximité, exemplarité et transparence.

Même demande de transparence dans leur rapport à l'information, totalement différent de celui de leurs aînés. «Ils n'attendent pas l'info, précise David Guillocheau. Quand ils n'en sont pas eux-mêmes émetteurs, ils ont l'habitude de la vérifier. La communication interne ne peut plus se permettre de raconter des salades.»

Beaucoup d'exigences donc, mais qu'apportent-ils à l'entreprise, au-delà de l'enthousiasme et de la créativité, autres qualités que l'on prête à ces natifs du numérique ?«Ils sont beaucoup moins séquentiels que leurs aînés et ont l'habitude d'être multitâches, estime David Guillocheau. Et comme ils veulent que tout aille très vite, ils sont le plus souvent très efficaces.» Au vu des caractéristiques et attentes des jeunes, les spécialistes de la gestion de talents estiment que les réponses données par l'entreprise (transparence, proximité managériale, travail en réseau, etc.) pourraient profiter à l'ensemble des salariés. Problème: tous ne l'entendent pas de cette oreille, managers en tête. «Au lieu d'accompagner ces changements, la majorité des managers se rigidifie, accuse Benjamin Chaminade. Consciemment ou pas, ils semblent tout faire pour que ces jeunes en bavent autant qu'ils en ont bavé.»

 

 

Les attentes des candidats à l'embauche

C'est le titre alléchant d'une enquête Meteo Job, publiée le 8 avril et réalisée auprès de plus de 2 500 candidats à l'embauche français. Sans surprise, jeunes et vieux se rejoignent dans la recherche, chez un futur employeur, d'un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Avec, pour les moins de 25 ans, un besoin de reconnaissance beaucoup plus élevé. Sont-ils attirés en priorité par des entreprises réputées? Non, constate l'enquête. «Plus qu'une entreprise, c'est le projet de collaboration et la précision de la formulation de l'offre qui retient leur attention», précise Marko Vujasinovic, président de Meteo Job.

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