Dossier télévision
Le coût des droits TV n’a cessé d’augmenter ces dernières années, atteignant peut-être un sommet. Toutefois, sports et événements ne sont pas tous logés à la même enseigne.

La Ligue nationale de rugby (LNR) s'apprête à lancer un nouvel appel d'offres pour les droits télévisés du Top 14. Ceux de l'Euro 2012 de football sont en discussion. Quant aux images des matchs de la Ligue 1 française, elles devraient être mises sur le marché dans le courant de l'année prochaine par la Ligue de football professionnel (LFP). L'actualité des droits TV sportifs ne s'arrête jamais. Selon une récente étude réalisée par Sporsora, l'association des acteurs du sport business en France, le montant total de ce marché s'élèverait à 1,5 milliard d'euros, soit un bon tiers de l'investissement total des entreprises dans le sport (4,2 milliards d'euros), à savoir incluant aussi le sponsoring, les relations publiques et l'utilisation d'athlètes pour les publicités.

En une décennie, les droits TV de la Ligue 1 ont été multipliés par 2,5, quand l'indice des prix à la consommation pour la période n'a progressé que de 18%. Néanmoins, l'eldorado semble terminé. Avec 668 millions d'euros annuels, les droits du championnat de football français ont peut-être atteint leur pic. Canal+ ne veut pas verser plus que les 465 millions actuels et Orange, qui paie le reste, a annoncé qu'il jetait l'éponge. La marque de France Télécom avait fait de sa chaîne Orange Sports un moteur de recrutement pour des abonnés ADSL. Or, le retour sur investissement est jugé trop lent par Stéphane Richard, le directeur général de l'opérateur. Canal+ perd, du même coup, un concurrent direct susceptible de renchérir sur les droits sportifs.

«Pour les événements sportifs majeurs, les droits TV ont augmenté de manière importante ces dernières années, confirme Nicolas Rotkoff, président de Ma Chaîne Sport (Numericable). Nous sommes maintenant dans une phase de régulation et j'observe une tendance globale à la baisse. Cela ne signifie pas pour autant que ces coûts ne repartiront pas à la hausse prochainement.» Les chaînes font les comptes et hésitent aujourd'hui à casser leur tirelire pour s'offrir les grands événements sportifs. Certes, une Coupe du monde de football est un formidable vecteur d'audience et d'image. Mais Nonce Paolini, le président de TF1, doit aussi justifier à son actionnaire, le groupe Bouygues, le fait que pour 87 millions d'euros de droits dépensés (hors frais techniques), la Une n'a engrangé qu'une cinquantaine de millions nets de publicité sur ses écrans. Même provisionnée, la perte est plutôt conséquente. Du coup, comme dans toute industrie, TF1 serre les boulons. La Une a déjà fait baisser le tarif sur tous ses contrats sportifs: Formule 1, Ligue des champions, équipe de France de football… Même la Coupe du monde, dont l'édition 2010 a finalement coûté moins cher que la précédente.

«Nous sommes dans une économie de marché gérée par la loi de l'offre et la demande, analyse Thierry Cheleman, directeur des sports de Direct 8. Pour la Ligue 1, par exemple, si Canal+ est seul acquéreur déclaré, je ne vois comment ces droits pourraient monter.» Du coup, Frédéric Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel (LFP) explore d'autres voies de recettes, comme une chaîne propre… et payante. Le 15 octobre dernier, la Ligue a déposé auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) un dossier de candidature pour une fréquence sur la TNT.

Une demande accrue

«Les grandes chaînes, c'est-à-dire nous, sommes responsables de l'augmentation des prix des droits, avoue Daniel Bilalian, le directeur des sports de France Télévisions. Nous n'étions pas partageurs, mais l'exclusivité coûte plus cher. Curieusement, avec la crise, on retrouve cet esprit de partage.» La montée en puissance des nouvelles chaînes de la TNT a également participé à la hausse des coûts. Elles se sont précipitées sur les compétitions de deuxième ou troisième rang des disciplines majeures, surtout le football. «Le sport est un bon moyen de recrutement pour ces chaînes, explique Daniel Bilalian. Mais les vendeurs de droits n'ont pas compris qu'ils dévaluaient aussi leur produit en le dispersant ainsi.»

Face à la demande accrue des chaînes, les droits des événements et sports de «seconde zone» ont également subi une hausse des prix. Mais dans un cadre raisonnable. «Il existe beaucoup d'événements et la sélection s'effectue en fonction des positionnements des chaînes», explique Nicolas Rotkoff, de Ma Chaîne Sport. Quant aux télévisions généralistes, elles ne peuvent pas répondre aux besoins de récurrence imposés par un championnat. «Nous avons également des impératifs d'audience», confie Thierry Cheleman, de Direct 8, qui a déjà installé du football, du tennis, du rugby et du cyclisme sur sa chaîne et testé la boxe le 30 octobre dernier.

À l'inverse, les responsables de disciplines, d'événements ou de fédérations sont de plus en plus nombreux à mettre la main au portefeuille pour bénéficier d'une vitrine télévisuelle. C'est le seul moyen d'exister pour donner de la visibilité à leurs épreuves et à leurs partenaires. C'est le cas, par exemple, du Roc d'Azur, la plus grande épreuve mondiale de VTT, qui se tient à Fréjus et dont l'organisateur assure lui-même les 45 000 euros de production TV pour être reprise en direct sur France 3 Côte d'Azur.

Les annonceurs veulent avoir leur mot à dire dans le ménage formé par télévision et organisateurs. Les partenaires d'événements sportifs, qui paient généralement un ticket d'entrée substantiel, souhaitent profiter d'une visibilité optimale pour leurs marques. Si le détenteur de droits préférera les euros d'une chaîne par abonnement, l'annonceur, lui, penchera plus volontiers pour les téléspectateurs et l'audience plus massive d'une chaîne gratuite. Ainsi, à Monte-Carlo, ce serait sous la pression de leur principal sponsor, Rolex, que les organisateurs du tournoi de tennis monégasque ont préféré rester en contrat avec Canal+ et France Télévisions plutôt que de succomber à la tentation du duo Orange Sports-Paris Première (M6), deux chaînes payantes. Dans cette situation concernant les droits TV, l'annonceur pourrait jouer le rôle de régulateur du marché, à l'image d'un arbitre dans une compétition.

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