Les «nudges» sont des stratégies comportementales incitant au passage à l'acte sans culpabiliser ni rien imposer. Elles sont aujourd'hui appliquées à l'écologie.

«Contre la dictature du bio, du tri sélectif et du développement durable»: ce groupe ouvert sur Facebook résume à lui seul tout un courant de pensée né dans la foulée du Grenelle de l'environnement. Le discours des partisans «verts», moralisateur, punitif ou terrifiant, a laissé des traces que certains tentent de gommer par des approches plus positives associant la culture, l'humour ou la vision idéale d'une société désirable (lire l'interview d'Elisabeth Laville, page 36).

S'y ajoute un écart entre les déclarations d'intention et les faits: 80% des Français se déclarent prêts à consommer de façon «responsable». Dans les faits, ils ne sont que 20% de «consom'acteurs».

Dans ce contexte, voici venu le temps des «nudges». Ce concept introduit par Richard Thaler et Cass Sunstein, respectivement économiste et juriste américains, illustre le «coup de pouce» amenant quelqu'un à faire quelque chose, notamment à opter pour des décisions favorables à l'intérêt général.

Utilisés par les politiques de santé publique, les «nudges» recouvrent différentes «stratégies comportementales» ayant l'avantage d'être non culpabilisantes et non imposées, l'individu ayant toujours la possibilité de ne pas les suivre. Elles sont aujourd'hui appliquées à l'écologie, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre, comme l'explique une note sur les «nudges “verts”» publiée en mars 2011 par le Centre d'analyse stratégique (CAS).

Parmi elles se trouve l'option par défaut, ou comment proposer d'emblée au consommateur le choix le plus respectueux de l'environnement. Ainsi, outre-Atlantique, certaines banques, des fournisseurs d'énergie ou des opérateurs de téléphonie adressent par défaut les factures par voie électronique. Si le client souhaite les recevoir par courrier, il doit en faire la demande, ce service lui étant facturé.

Cette méthode repose sur l'inertie au changement et sur la relative paresse de chacun à entreprendre des démarches perçues comme non primordiales. Pour rappel, en France, la majorité des prestataires de services demande aux consommateurs d'entreprendre des démarches pour ne plus recevoir les factures papier. Nettement moins efficace…

Le poids de la norme

Une autre stratégie consiste en l'incitation par comparaison. Cette fois, la méthode repose sur l'adhésion spontanée aux normes sociales. Exemple: l'expérimentation menée par le psychologue social Robert Cialdini dans un hôtel. Elle consistait à indiquer dans les salles de bains le pourcentage de clients ayant réutilisé les serviettes au lieu de les faire changer tous les jours. Ce chiffre,  fixé à 75% de manière arbitraire et volontairement élevé, a poussé 44% des clients à faire de même. Ils n'étaient que 35% sans statistique chiffrée communiquée.

Le poids de la norme joue, tout à la fois, sur la comparaison, l'esprit de compétition et l'effet d'entraînement. Une personne, évoluant dans un environnement urbain avec de nombreux déchets au sol, aura ainsi plus tendance à en jeter elle-même. En nettoyant ses trottoirs, une commune peut donc créer une norme sociale de propreté incitant les passants au civisme écologique. «Cette observation invite à privilégier les campagnes de communication présentant les conséquences positives du comportement qu'elles souhaitent soutenir plutôt que celles illustrant les impacts néfastes de son non-respect», indique la note du CAS.

Le développement des technologies intelligentes offrent des perspectives prometteuses aux «nudges “verts”». Ils sont à l'œuvre dans le programme de Fiat et Microsoft lancé en 2008. Baptisé «Eco: Drive Blue & Me», il permet, grâce à un port USB disponible dans les voitures, d'informer le conducteur sur son parcours, sa consommation et ses rejets de CO2. Libre à lui de recevoir des conseils de conduite écocitoyenne et de se connecter à un site communautaire qui lui permet de se mesurer, via des concours, à d'autres conducteurs.

D'une manière générale, signaler de façon claire les bons comportements permet de les favoriser. En France, l'expérimentation des compteurs Linky va dans ce sens. Ils permettront de communiquer, via des afficheurs placés au cœur des foyers, la consommation électrique en temps réel. Combinés à des systèmes d'alerte consommation par SMS, ils pourront, là encore, engendrer des économies d'énergie. Affaire de «nudges»…

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