Streaming, podcasting, sites Internet, applications mobiles et demain télévision connectée : à chaque station de radio sa stratégie pour investir ces nouveaux canaux et ainsi toucher un auditoire toujours plus large. Avec quelle monétisation ?

Streaming : quand le flux radio gagne le Web

Ecouter la radio sur son ordinateur, de plus en plus de Français en font l'expérience. Pour la saison 2010-2011, 16,3 millions de personnes ont écouté au moins une fois la radio en direct sur Internet, selon Médiamétrie. C'est ce qui s'appelle le «live streaming», particulièrement prisé en journée, durant les heures de bureau, contrairement à la radio traditionnelle, majoritairement écoutée le matin, à la maison ou en voiture.

«Le streaming est le prolongement de l'écoute d'un média qui est meilleur chaud. En volume, c'est le premier mode d'écoute de la radio en numérique», explique Tristan Jurgensen, directeur général de RTL Net. Chaque mois, le flux RTL est écouté 1,8 million de fois, par 37 000 personnes, pour une durée moyenne de 95 minutes par session. C'est 47 minutes de moins que l'audience globale de RTL, touts supports d'écoute confondus. De son côté, Europe 1 revendique 70 000 auditeurs par jour sur Internet, dont 10 000 sur le seul mobile. Avantage de ces nouveaux modes d'écoute : ils permettent de reconquérir un public qui s'était détourné du média radio traditionnel, à commencer par les moins de 30 ans.

 «La radio 2.0 permet également de toucher un public plus CSP+, équipé en biens numériques, et qui écoute déjà la radio traditionnelle», souligne Jean-Pierre Cassaing d'Havas Média. Et si les 35-49 ans sont surreprésentés dans l'écoute des radios FM sur Internet, les plus fidèles sont les 11-15 ans, indique une étude de Group M. Ces derniers privilégient l'écoute de la musique, d'où l'importance accordée à ces nouveaux territoires par les musicales jeunes.

Deux stratégies s'affrontent. D'un côté NRJ, qui mise sur le mircrociblage en multipliant les webradios thématiques (91 aujourd'hui), en parallèle de son flux FM. De l'autre, Fun Radio, qui mise tout sur le «live streaming» de son antenne. «Nous ne voulons pas dissocier les composantes qui font le mix musical exclusif de Fun Radio. L'audience additionnelle que nous apporterait le lancement de webradios serait inférieure à la perte de cohérence de marque que cela causerait», justifie Tristan Jurgensen.

 «Les webradios nous permettent de toucher de nouveaux auditeurs. Cette hyperthématisation offre également une grande affinité, ce qui est très intéressant pour les annonceurs», assure Jean-Paul Baudecroux, président de NRJ Group. La stratégie choisie par NRJ s'avère gagnante : en janvier, le groupe a enregistré plus de 17 millions de sessions «streamées», en incluant l'ensemble des webradios NRJ, Nostalgie, Chérie FM et Rire & chansons, soit presque 200 radios au total. A lui seul, le «live » NRJ a généré 2,8 millions de connexion, quand Fun Radio est écouté chaque mois 1,7 million de fois sur Internet.

 «Le streaming est ce qui se commercialise le plus facilement», renchérit Tristan Jurgensen, du groupe RTL. Reste que les montants générés sont encore faibles : en 2012, le streaming live devrait rapporter au groupe RTL un peu plus de 100 000 euros.


Podcasts : la radio à la carte

L'heure est à la délinéarisation du média radio. En janvier, 17,7 millions de podcasts nt été téléchargés en France, selon Médiamétrie, en hausse de près de 14% sur un an. Sur un jour moyen de semaine, le podcasting (baladodiffusion) et le streaming différé ne rassemblent toutefois que 582 000 individus, soit une audience cumulée de 1,1%. «L'audience du podcast reste limitée mais le profil des auditeurs est assez ciblé et les adeptes sont de gros consommateurs», souligne Julie Terrade, directrice d'études et de clientèle de Médiamétrie. Selon Group M, y sont surreprésentés les 35-49 ans, avec une forte affinité des 50-65 ans dans l'écoute quotidienne de ce type de programmes.

En tête des podcasts les plus téléchargés, les émissions de divertissement, au premier rang desquelles les chroniques humoristiques comme celle de Laurent Gerra sur RTL ou de Nicolas Canteloup sur Europe 1 (voir tableau des 10 programmes les plus téléchargés). Viennent ensuite les programmes culturels, notamment sur l'histoire, et les émissions d'information, comme les éditos et les interviews politiques. «Toute l'antenne de RTL est disponible, c'est dans la promesse faite aux auditeurs, même si certains podcasts font très peu d'audience», souligne Tristan Jurgensen, directeur général de RTL Net.

En un an, la station de la rue Bayard a rattrapé son retard sur ce terrain, avec une augmentation de 54% du nombre de podcasts téléchargés, à 4,4 millions en janvier, juste derrière Europe 1 (4,7 millions). Suivent France Inter (4,3 millions) et France Culture (3,1 millions). De son côté, RMC, qui n'est pas encore client de la mesure catch-up radio de Médiamétrie, revendique plus de 4 millions de téléchargements par mois. Un territoire sur lequel sont logiquement absentes les musicales, droits d'auteur obligent.

«La monétisation des podcasts est compliquée aujourd'hui car nous ne pouvons garantir aux annonceurs que le fichier téléchargé est vraiment écouté», tempère Gilles Nay, directeur des activités numériques de Lagardère Active, propriétaire d'Europe 1. Une seule étude, réalisée par Médiamétrie fin 2011, a pour l'heure étudié la question, avec des résultats encourageants puisqu'elle conclut que sept podcasts téléchargés sur dix sont vraiment écoutés.

Autre difficulté dans la commercialisation de ce type d'écoute, la concentration des téléchargements sur une poignée d'émissions. «Cinq ou six podcasts se vendent vraiment aux annonceurs», estime Tristan Jurgensen, qui chiffre entre 30 000 et 50 000 euros le montant publicitaire qui devrait tomber dans l'escarcelle du groupe RTL en 2012. Même chose à Europe 1, où les podcasts rapportent «quelques dizaines de milliers d'euros par an», estime Gilles Nay.

 

Sites Internet : la radio s'ouvre à la vidéo

La radio se réduit de moins en moins à l'audio. Parce que les internautes sont friands d'images et surtout parce que la publicité sur ce type de formats explose, les réseaux nationaux sont aujourd'hui nombreux à proposer des vidéos sur leur site Internet. La tendance a commencé avec la mise en ligne de séquences tournées dans les studios-mêmes des stations, notamment lors des interviews politiques des matinales. Aujourd'hui, certaines radios vont jusqu'à proposer des émissions exclusivement diffusées sur Internet ainsi que des reportages tournés sur le terrain par les journalistes de l'antenne.

«La vidéo offre une visibilité nouvelle à la station et permet de valoriser des moments d'antenne qui jusque-là n'avaient pas d'existence autonome», explique Laurent Guimier, directeur de l'information numérique de Lagardère Active et donc en charge du site Europe1.fr.

Portée par la vidéo, mais également par la production d'articles publiés en complément des séquences sonores tirées de l'antenne, la fréquentation des sites de radio progresse et permet désormais aux stations de rivaliser avec les sites de presse écrite. C'est le pari qu'a fait Europe 1 en 2008. «Nous avons décidé d'entrer dans cette course des sites d'information pour plusieurs raisons : l'actualité est ancrée dans l'ADN d'Europe 1, c'est un segment sur lequel les sites monétisent bien leurs contenus et enfin parce que cela donne un horizon nouveau à la rédaction», précise Laurent Guimier. Trois ans plus tard, le bilan est positif : en janvier, Europe1.fr a attiré 3,2 millions de visiteurs uniques, selon Médiamétrie Net Ratings, en progression de 20% sur un an.

Un pas que n'a pas souhaité sauter RTL. «Le site RTL.fr prolonge l'expérience RTL à d'autres moments de la journée, sur d'autres populations. C'est à la fois un outil de recrutement d'auditeurs et de valorisation de l'antenne. Mais il n'a pas vocation à prendre son autonomie», assure Tristan Jurgensen. D'autant qu'avec trois millions de visiteurs uniques par mois, le site est loin des six millions d'auditeurs quotidiens de la radio RTL, d'où une certaine modestie en interne. Plus qu'un grand site d'information, RTL a choisi de se développer via une galaxie de sites thématiques, rattachés à ses émissions phares, comme RTL Conso et On joue le match. Pour la présidentielle, il s'est aussi associé à M6 et MSN pour un site ad hoc 2012etvous.fr

Même logique de thématisation à Radio France, où se multiplient les sites et applications mobiles consacrés à un sujet, comme la fiction, la musique et le football. «Les nouveaux médias ne sont pas un marché de masse. C'est une juxtaposition de niches, de communautés, qu'il convient de cibler avec une offre thématisée», analyse Joël Ronez, directeur des nouveaux médias. De son côté, RMC vient de lancer le site RMC Talk, un portail communautaire qui entend prolonger les débats chers à la station d'Alain Weill.

 

Applications mobiles : la radio partout avec moi

Streaming, podcasts, sons, vidéos et articles : comme les sites Internet, les applications mobiles sont au carrefour de ces nouveaux formats de radio. A elle seule, l'écoute en streaming sur téléphone portable concernait l'an dernier 1,7 million de Français quotidiennement, soit 57% de plus qu'en 2010, portée par l'explosion des ventes de smartphones. Pour une station comme NRJ, dont les auditeurs sont particulièrement bien équipés et connectés, le mobile représente même 75% de l'écoute en streaming.

Reste que la diversité du parc mobile, et donc des systèmes d'exploitation, fait exploser les coûts de développement. «Du fait de l'hégémonie d'Apple, tous les éditeurs sont partis sur les applications. Mais avec le développement des systèmes alternatifs, comme Android, cela aura de plus en plus de sens d'aller vers des web-apps», estime Tristan Jurgensen du groupe RTL.

Côté recettes, les revenus générés via les applications restent pour l'heure modestes. Proche de la vente classique de display, la commercialisation des espaces, principalement des intersticiels en ouverture d'application, est confiée par beaucoup d'éditeurs à une régie Internet externe, Hi Média dans le cas du groupe RTL, qui devrait en tirer près de 100 000 euros en 2012.

 

Télévision connectée : les ondes sur grand écran

L'écran, avenir de la radio ? Via les box Internet, de plus en plus de Français écoutent la radio sur leur téléviseur. Europe 1 et Radio France discutent également avec les constructeurs de téléviseurs connectés et, à l'instar de RTL, avec les opérateurs télécoms. «Nous nous devons d'être présents partout afin d'aller toucher des publics qui ne disposent pas de fréquence pour écouter Radio France», explique Joël Ronez. Un débouché qui devrait également permettre aux stations d'associer au flux FM des données et donc des images. Mais comme pour les mobiles, l'absence de norme unique est un frein au développement. «Le modèle économique viendra ensuite. La position de pionnier est systématiquement récompensée», juge Tristan Jurgensen de RTL.

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