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Doublement frappés par la crise du disque et la crise de la presse, les magazines musicaux sont contraints à la diversification.

On connaît la chanson: «Aujourd'hui, il est vain de viser un public jeune avec un titre musical papier». La phrase est sans appel, elle provient de Patrice Bardot, rédacteur en chef de Tsugi et du défunt Serge. Le bimestriel, consacré à la chanson française au sens large et créé en septembre 2010, a cessé de paraître en janvier 2012. «Les fans de Julien Clerc ne sont pas forcément ceux d'Orelsan..., soupire Patrice Bardot. Nous nous sommes vendus sur deux aspects, chics et populaires, pas forcément compatibles.»

Le journaliste a des circonstances atténuantes: frappé au cœur par la crise du disque, le paysage est jonché de cadavres: Chorus, malgré le soutien inconditionnel de stars comme Jean-Jacques Goldman, a fini de jouer sa partition en 2009 quelques mois après le mensuel rock Volume et à peu près à l'époque où fusionnaient Jazzman et Jazz Magazine, ou encore Le Monde de la musique et Classica.

Un mensuel semble garder le rythme: Rock & Folk, avec une diffusion néanmoins en baisse, en plein boom des «baby-rockers», groupes de jeunes, Plasticines et autre Shades, dont le mensuel piloté par Philippe Manœuvre était devenu le parrain, en hébergeant ces quasi adolescents au sein du Gibus, pour les Rock n'roll Fridays.

Aujourd'hui, la vogue de ces groupes à peine pubères est – heureusement, soupirent certains – terminée, mais «le titre se porte bien, avec un panel d'annonceurs qui vont d'un univers captif à des annonceurs de l'automobile ou des marques comme Chanel ou Dior», se félicite Philippe Budillon, son éditeur chez Larivière. La prestation de Philippe Manœuvre en tant que grand manitou de la Nouvelle Star, sur M6, n'a pas nui au titre. «Cela nous a aidés à recruter de nouveaux abonnés – qui représentent 30 % de notre lectorat», souligne Philippe Budillon.

«Dans le secteur musical, on est de plus en plus sur une presse affinitaire, remarque Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse de Carat. Il s'agit pour tous ces titres de multiplier les points de contact, sites, applications, concerts...»

Le titre professionnel Musique Info, anciennement Musique Info Hebdo (éditions Larivière), est ainsi passé à un rythme mensuel et se décline depuis 2007 sur Internet avec une newsletter hebdomadaire. «Parallèlement, nous avons élargi le spectre des sujets que nous traitons: au lieu de nous adresser exclusivement aux maisons de disques, nous coiffons toutes les problématiques de la filière et de la production», explique son rédacteur en chef, Romain Berrod.

Tsugi, mensuel «défricheur de musique» dont le rédacteur en chef est également Patrice Bardot, diversifie sa marque à l'envi: en plus de son site Web, le titre a acquis l'exploitation du Trabendo, prestigieuse salle parisienne, en association avec le tourneur Super. «Du coup, l'univers Tsugi attire des annonceurs très divers, de Jack Daniel's à Philips», se félicite Patrice Bardot.

Le mensuel de musique classique Diapason mise, lui, sur les plus produits. «Nous proposons un disque avec chaque numéro: notre prix de vente est passé de 5,90 euros à 7,50 euros, et nous avons augmenté notre diffusion», explique son rédacteur en chef, Emmanuel Dupuy, qui prévoit de lancer des hors-série en octobre.

Ne jouons donc pas tout de suite le requiem: de nouveaux titres voient le jour dans la presse musicale, comme Mojo, mensuel de classic rock inspiré d'un format britannique, né en mars dernier, ou encore le bimestriel Music (Shoot the Freak Editions). «Nous estimions qu'il manquait sur le marché un magazine transversal qui mêle musique et thèmes de société», souligne Benoît Merlin, son fondateur.

Mais alors que son troisième numéro s'apprête à sortir en kiosque, après deux numéros vendus à 8000 exemplaires (source éditeur) ses créateurs envisagent déjà de passer à un rythme trimestriel...

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