Dossier
Face à l’érosion des investissements publicitaires, les changements de formule se succèdent, tandis que les magazines haut de gamme tirent leur épingle du jeu en séduisant de précieux annonceurs hors captif.

«Le marché est surchargé de références», déplore Franck Espiasse-Cabau, éditeur des pôles féminin et art de vivre chez Lagardère Active. Le constat n'est pas nouveau, surtout venant du poids lourd du secteur (Elle Décoration, Art & Décoration, Le Journal de la maison ou encore Maison & Travaux), mais il est conforme à la réalité: si l'OJD recense 21 titres dans la catégorie décoration, les MLP en distribuent une centaine (y compris les magazines de bricolage, design et équipement).

 

Toutefois, selon l'étude d'audience One, les lecteurs sont au rendez-vous, en augmentation de 1,7% entre juillet 2011 et juin 2012. Quatorze titres décoration touchent ainsi plus d'un million de lecteurs, jusqu'à 3,3 millions pour Art & Décoration, qui vient de fêter ses 115 ans. Et même 4,1 millions de lecteurs pour le «consumer mag» Live par Ikea Family, affichant un taux de pénétration record de 8,1%, tandis que son concurrent Du côté de chez vous, le consumer magazine de Leroy Merlin, dépasse Elle Décoration avec 2,5 millions de lecteurs.

 

En termes de diffusion, la majorité des titres reste plutôt stable, à plus ou moins 2,5% d'après l'OJD (2011-2012). Certains s'en sortent même bien, comme Maison & Travaux à +4%, quand d'autres plongent: -9% pour Maison Magazine (groupe Express Roularta), -10,7% pour Prima Maison (Prisma Media).

 

Des pratiques et des haut de gamme

 

Mais c'est dans le domaine publicitaire que le bât blesse. Avec des recettes brutes en recul de 6,2%, une pagination à -8,6% et un nombre d'insertions à -7,2% en 2012 (janvier-novembre) par rapport à 2011, selon Kantar Media, la famille de presse souffre d'une forme de désinvestissement.

 

L'institut de veille publicitaire observe que les magazines de décoration enregistrent une baisse de leur activité publicitaire sur l'ensemble des indicateurs en valeur et en volume. L'an dernier à la même période, ces titres accusaient déjà une perte en pagination et en nombre d'insertions, mais les recettes brutes restaient néanmoins positives à +3,7%.

 

L'heure est critique, donc, mais pas pour tout le monde: Franck Espiasse-Cabau se réjouit d'un «recentrage des annonceurs sur les titres leaders», car malgré une perte de 15,4% des recettes publicitaires d'Art & Décoration entre le premier semestre 2011 et la même période de 2012 (selon Vivaki/Kantar Media), «les parts de marché en pagination publicitaire des titres du groupe Lagardère active sont stables, ou à la hausse pour Elle Décoration».

 

Les résultats publicitaires dépendent en fait beaucoup du positionnement du magazine: pratique ou haut de gamme. La catégorie des titres pratiques est «cannibalisée par le Net et la télévision», souligne-t-on chez Vivaki. Elle voit ses investissements bruts s'effondrer de 29,2% entre les premiers semestres 2011 et 2012 (à 12,2 millions d'euros), quand les hauts de gamme ne connaissent une baisse que de 2,1% (à 51 millions d'euros), avec une pagination en hausse de 3,9%.

 

Ainsi les pratiques Maison créative (Uni-Éditions) et Maison Magazine ont perdu près d'un quart de leurs recettes (respectivement -24% et -21,9%), tandis que le haut de gamme Marie Claire Maison (GMC) en encaissait 13,3% de plus.

 

Le luxe à la rescousse

 

Les annonceurs ne sont pas non plus les mêmes d'une catégorie à l'autre. Dans les magazines pratiques, on trouve surtout les secteurs captifs et en particulier l'ameublement, principal annonceur de la presse décoration (31%) mais qui «contribue à lui seul pour 73% au déficit de ces titres» en termes de recettes en 2012, selon Kantar.

 

Et cette baisse n'est pas compensée par une augmentation du hors captif, contrairement aux magazines premium où «le départ de petits annonceurs captifs italiens très haut de gamme a été amorti par la progression de 50% des investissements du secteur habillement et accessoires textiles de luxe», explique-t-on chez Vivaki.

 

Dans Marie-Claire Maison, la pagination allouée aux annonceurs de ce secteur a augmenté de 200% entre 2011 et 2012. La rédactrice en chef du magazine, Anne Desnos-Bré, souligne d'autre part que «la crise des magazines papier est moins importante pour la presse décoration haut de gamme, car elle n'est pas tributaire de l'actualité et apporte de la relaxation, de la sensualité. Il s'agit toujours d'un "coffee table magazine", joli à regarder et que l'on consulte à l'occasion.»

 

Ces publications «chic», neuf parmi les quinze premières de l'OJD, représenteraient-elles le Graal de la presse décoration? En tout cas, elles inspirent certains titres pratiques, comme Le Journal de la maison (Lagardère Active) et Prima Maison (Prisma Media), dont les nouvelles formules lancées en 2012 se voulaient «plus haut de gamme». Huit des quinze principaux titres ont été remaniés l'an dernier, dont la quasi-totalité du portefeuille décoration du groupe Express Roularta.

 

Chez Maison créative, discret numéro un à l'OJD qui connaît la meilleure progression de 2012 en nombre de lecteurs (+6,5%, selon One), «on a arrêté la frénésie de nouvelles formules», explique Véronique Faujour, directrice générale de la filiale presse du Crédit Agricole, Uni-Éditions.

 

Créé en 2002, le magazine pratique «a débuté en privilégiant les abonnements, et ne fait de la vente au numéro que depuis trois ou quatre ans». Ce dernier canal est donc celui où portent désormais les efforts de l'équipe, entre «travail de l'offre éditoriale» et promotion en lieux de vente. Comme pour tous les titres décoration, l'objectif est clair: «se différencier».

 

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