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Client = prospect = contact. Le e-CRM est venu brouiller la frontière entre conquête et animation.

Effet conjugué de la crise et de l'accumulation des datas générées par le digital: les annonceurs expriment très nettement le besoin d'ajouter à leurs dispositifs transactionnels une forte dimension relationnelle. Selon Accenture (étude Global Consumer, 2012), 85% des consommateurs ayant quitté une marque affirment qu'ils y seraient restés fidèles si elle avait agi autrement avec eux.

 

«Il s'agit toujours pour les marques de conquérir de nouveaux clients, mais l'animation du portefeuille de clients en base est devenue une préoccupation centrale», explique Nicolas Gondeau, directeur général associé d'Uniteam. L'agence, qui vient notamment de refondre tout le programme relationnel de l'enseigne de distribution Cora, a conçu avec l'éditeur Selligent une offre destinée à répondre aux besoins des entreprises en matière de CRM. Un programme volontairement souple, déployable indépendamment du système d'information des annonceurs et donc opérationnel en quelques semaines.

 

«Fini l'époque où les marques, mêmes les plus riches, ont les moyens de travailler en chambre durant deux ans pour monter des usines à gaz. Il faut pouvoir mettre en place des solutions out of the box conjuguant expertise logicielle et savoir-faire en matière de parcours client et travailler à partir de l'extraction d'une population test de la base client des annonceurs», développe Nicolas Gondeau.

 

Le digital a orienté les stratégies de fidélisation vers de nouveaux canaux de contact et de nouvelles surfaces d'expression permettant aux marques de consolider dans la durée le dialogue avec leurs clients. Toutes les études montrent qu'il existe un lien de causalité entre attachement à la marque et augmentation du taux de conversion rachat.

 

Il s'avère donc pertinent pour les marques de maintenir le lien, notamment sur les marchés à longs cycles d'achat et à forte valeur ajoutée produit, comme l'automobile. En 2012, Ford a ouvert le site "Parlonsford.fr", plate-forme de proximité entre le constructeur et ses clients. Ceux-ci peuvent y prendre la parole, poser des questions, discuter avec d'autres clients, bénéficier d'informations en avant première, dialogue avec les concessionnaires.

 

Si la digitalisation des canaux offre de nouvelles opportunités à la fidélisation, elle modifie également les équilibres entre prospection et animation des programmes clients. Alors que le CRM "classique" naît mécaniquement avec l'acte d'achat, l'e-CRM se fonde lui sur l'ensemble du cycle de vie digital du consommateur, dès le premier contact avec une marque: sur un moteur de recherche, une publicité sur le mobile ou sur la télévision connectée, une connexion Web via QR code...

 

«Le client, en tant que concept opératoire, va céder le pas devant l'émergence de la figure du contact. On quitte le customer relationship management pour entrer dans le contact relationship management», souligne Yan Claeyssen, coprésident d'ETO. Cette migration du CRM ne va pas sans remettre en cause un certain nombre d'acquis théoriques et pratiques. Avec l'e-CRM, c'est la pertinence même de la dichotomie fonctionnelle et opérationnelle entre les figures du client et du prospect qui est interrogée.

 

Le CRM ne peut plus se penser en dehors du PRM (prospect relationship management). En consacrant sa dernière campagne TV au traitement privilégié dont bénéficient les membres de son club, Nespresso fait un pas intéressant dans ce glissement des marques et de leur posture publicitaire vers la valorisation de la relation client. La fidélisation est devenue un vecteur d'acquisition. Les marques devraient être de plus en plus nombreuses à vanter la qualité de services offerte à leurs clients pour en séduire de nouveaux.

 

Pour autant, ce que le digital semble inventer en refermant une boucle apparemment vertueuse entre e-CRM et e-PRM, pourrait bien conforter les annonceurs dans leur difficulté à valoriser pleinement leurs clients les plus fidèles.

 

«La situation dans la quelle se trouvent aujourd'hui les opérateurs de téléphonie mobile doit beaucoup à un équilibre clients-prospects absurdement construit à l'avantage des seconds et aux dépens des premiers», argumente Stéphane Raoul, directeur général de de Rapp France.

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