S'il subit de plein fouet les mutations de l'industrie pharmaceutique, le marché du conseil en communication santé accompagne aussi cette dernière sur de nouveaux territoires.

La mutation à laquelle doivent faire face les laboratoires pharmaceutiques n'épargne évidemment pas leurs prestataires, à commencer par les agences de communication santé. Ces dernières sont en effet confrontées à une double contrainte: la baisse des budgets alloués par leurs clients et un cadre réglementaire toujours plus restrictif.

Sur le premier point, les responsables des agences sont unanimes, le gâteau ne cesse de diminuer. «En un an, les marques ont réduit de 20% en moyenne les sommes investies en promotion», constate Alain Sivan, coprésident de l'agence TBWA Adelphi et vice-président de l'AACC Santé (Association des agences-conseils en communication) qui compte 18 agences membres représentant 80% du marché. Sans compter que les fusions à répétition des laboratoires réduisent de fait le marché.

«Contrairement aux idées reçues, le secteur n'engage pas de moyens démesurés: un plan de communication classique en "OTC" [over the counter, soit les médicaments sans ordonnance] est en moyenne d'un million d'euros et une opération "éthique" [médicaments sous prescription] ne dépasse guère les 500 000 euros, hors communication médecins», estime Frédéric Maillard, président de l'agence F Mad.

«C'est dans ce contexte difficile que les disparitions et rachats d'agences (Scorpion Communication par Colorado, Terre neuve par Inventiv Health...) se sont succédé. Mais depuis un an ou deux, le marché s'est stabilisé», assure Eric Phélippeau, président de la FNIM (Fédération nationale de l'information médicale) et de By Agency, dont les budgets moyens oscillent entre 50 000 et 200 000 euros.

Autre contrainte pour les agences, et non des moindres: l'impact de la loi Bertrand sur la sécurité des produits de santé. Ce «Sunshine Act à la française», adopté en décembre 2011 à la suite de l'affaire du Mediator, vise à rendre plus transparentes les relations entre les laboratoires et les médecins et à revenir à un contrôle a priori des campagnes de communication liées à des produits de santé.

«L'obligation, qui concerne également les agences santé, de déclarer et rendre publique toute collaboration avec un professionnel de santé pose des problèmes de confidentialité par rapport à la concurrence», se plaint Odile Finck, présidente de l'AACC Santé et de l'agence Action d'éclat, qui préférerait que ces informations restent réservées aux autorités publiques.

 

Développer des activités parallèles

«Quant au visa a priori des campagnes éthiques instauré l'an dernier et limité à ce jour à seulement quatre périodes de dépôt par an, il pose des problèmes aux agences en termes de gestion de leur activité, avec des périodes creuses qui suivent des périodes très chargées», regrette Eric Phélippeau, qui espère que l'AACC, l'Union des annonceurs (UDA) et la FNIM, qui planchent sur le sujet, obtiendront finalement six périodes de dépôt par an.

Dans ce contexte difficile, les agences appartenant à des réseaux internationaux (DDB, Havas, McCann, Ogilvy, Publicis, Saatchi & Saatchi, TBWA...) peuvent toujours trouver des relais de croissance à l'étranger, notamment via les marchés émergents. Les autres doivent plus que jamais s'adapter.

«Face à la baisse des investissements promotionnels des laboratoires, les agences ont l'obligation de développer des activités parallèles en "medical education" (formations, symposiums...), en digital (visites à distance, applications, prévention de crise...) et en communication auprès des patients, conseille Alain Sivan. L'agence de communication santé d'il y a cinq ou dix ans, dirigée par des médecins et essentiellement orientée vers une communication promotionnelle et produit, c'est fini.» 

L'activité des agences s'étend d'ailleurs bien au-delà de ces nouveaux champs d'expression, et touche même aujourd'hui l'accompagnement réglementaire de leurs clients.«Nous nous retrouvons à coacher et former les équipes marketing des laboratoires de plus en plus composées de jeunes, certes surdiplômés mais inexpérimentés», constate Odile Finck. By Agency s'est ainsi dotée début 2012 d'une nouvelle offre, By Agency Lab, un service de planning stratégique.

Ce type de prestations a l'avantage de créer des liens avec les clients. «Après une période de désunion avec les annonceurs voilà cinq ou six ans sur des questions de rémunération, aujourd'hui, une relation de partenariat s'est instaurée avec les laboratoires avec lesquels nous sommes solidaires face aux pouvoirs publics et à un cadre réglementaire de plus en plus contraignant», ajoute la présidente de l'AACC Santé.

 

Investir sur la communication digitale

Des changements en profondeur auxquels sont également confrontées les agences de relations presse et publics spécialisées dans la santé. «Les budgets de RP sont passés d'une moyenne de 100 000 à 50 000 euros. La communication produit et les opérations ponctuelles ont repris le dessus sur les sujets corporate et ce, à contre-courant de l'attente des patients qui sont en quête de réassurance dans un contexte de crises sanitaires à répétition», regrette Stéphanie Chevrel, présidente de l'agence de relations publics Capital Image.

«Il y a quelques années, nos interlocuteurs au sein des laboratoires appartenaient aux services marketing. Puis nous avons collaboré avec les directions de la communication. Depuis un ou deux ans, nous revoilà face aux gens du marketing», constate-t-elle.

Sur ce marché des RP où dominent les agences historiques, pour l'essentiel indépendantes comme Capital Image, LJ Communication ou Presse-papiers (qui vient de se rebaptiser PrPa), et des filiales de grands réseaux anglo-saxons (Burson-Marsteller I&E, Fleishman-Hillard...), deux attentes - extrêmes sur le spectre des prestations du secteur - ont le vent en poupe: la communication produit donc, mais aussi les dossiers d'affaires publiques et d'influence.

Un grand écart qui a cependant permis aux agences de RP de davantage travailler en collaboration directe avec les agences publicitaires et de se retrouver ainsi autour de la table chez l'annonceur.

Des agences publicitaires qui ne sont d'ailleurs pas toutes spécialisées. De plus en plus d'agences grand public s'intéressent en effet à ce marché, notamment ceux des médicaments sans ordonnance ou de la communication d'intérêt général (elles trustent ainsi l'essentiel des budgets de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé). «Des laboratoires commencent à rechercher des idées nouvelles», juge Frédéric Maillard, de F Mad.

Il existe tout de même un revers à la médaille: les conditions des appels d'offres ne cessent de se détériorer avec, par exemple, le recours à des enchères inversées, l'organisation de consultations pour des budgets de 25 000 euros ou la tendance des grands laboratoires internationaux à remettre en jeu leur budget tous les ans.«C'est beaucoup de temps perdu sur des sujets souvent très techniques, où la première année on apprivoise le sujet et où l'on ne commence à exceller que les deuxième et troisième années», avance Stéphanie Chevrel, de Capital Image. 

Quoi qu'il en soit, agences publicitaires ou agences de RP, toutes doivent, à l'image de leurs clients, investir sur la communication digitale. «Nous devons réinventer notre métier en nous orientant davantage vers un travail d'accompagnement en matière de "cross canal" afin de toucher de façon optimale les différentes cibles et profils de médecin, tout en orchestrant cela avec les visiteurs médicaux», explique Carole Wassermann, directrice générale de Publicis Life Brands qui voit se multiplier sur le secteur les profils d'experts en études, digital et contenu.

C'est dans cette optique que Laurence Leguay, à la tête de l'agence-conseil en santé et nutrition Par ailleurs, et Grégory Pascal, cofondateur de l'agence digitale Extrême Sensio (groupe Extrême), ont lancé une offre commune Digi Care. Les lignes bougent...

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