Cible: les seniors
Les internautes de plus de cinquante ans sont devenus une cible de choix pour les entreprises et le secteur caritatif. Ils surfent, s'informent, et achètent en ligne.

La Fédération française de cardiologie veut des donateurs en pleine forme

Association loi 1901, la Fédération française de cardiologie (FFC) a trois missions: le financement de la recherche, la prévention et l'accompagnement des malades. Pas étonnant que ses investissements médias privilégient la cible senior: les problèmes cardiaques se déclarent le plus souvent après cinquante ans. Les seniors sont aussi de gros donateurs. Or, 98% des ressources de la FFC provient de la générosité du public. A la télévision et à la radio, la FFC annonce donc dans les médias appréciés par cette cible: France Télévisions, Radio France, Europe 1 et RTL.

L'utilisation d'Internet est plus récente. «Nous avons entamé une réflexion sur le digital il y a trois ans avec l'agence Limite», explique Isabelle Hoareau, directrice de la communication. La FFC a constaté que les «silver surfers», ces seniors de cinquante à soixante-cinq ans grands utilisateurs du Web, sont avides d'information: 71% se rendent sur des sites d'actualité. La santé est par ailleurs une de leurs préoccupations majeures car ils désirent rester en forme le plus longtemps possible.

De ces constats est né le module «j'aime mon cœur» accessible depuis le site de la FFC. Dans cet espace, l'internaute est invité à laisser son adresse mail pour recevoir pendant douze semaines des conseils de santé et lui permettre d'auto-évaluer son état cardiaque. Les abonnés à la newsletter hebdomadaire sont ensuite invités à se faire donateurs. «Après plusieurs mois de test en 2011, cette opération a largement dépassé nos espérances», se félicite Isabelle Hoareau. Après trois vagues en et hors ligne en douze mois, quelque 170 000 personnes se sont connectées au module «j'aime mon cœur», 100 000 ont rempli le questionnaire qui permet de définir son niveau de risque d'accident cardiovasculaire et 35 000 se sont abonnées au programme de coaching par mail. Les visites de la page «dons» ont bondi de 400%, ce qui a permis de récolter 60 000 euros.

Côté réseaux sociaux, la page Facebook de la fédération est monté en puissance, avec 114% de fans supplémentaires en trois mois. «Les seniors sont plus nombreux que les autres sur cette page, dont il se servent pour échanger des tuyaux santé et des expériences», ajoute Isabelle Hoareau. C'est d'ailleurs sur cette page qu'un appel au don, «L'appel des 101 cardiaques», a été mis en avant en décembre dernier. Pour la FFC, télévision et radio restent les deux médias principaux pour toucher la cible des seniors. Mais le digital, moins onéreux et plus souple, est devenu «central, en quelques mois, en matière de communication».

 

Quinquessence, tout pour la sexualité des plus de 50 ans
«Passé soixante ans, nous avons droit à une sexualité sans être regardés de travers»,
estime Caroline Lemoine, gérante du site Quinquessence.fr, lancé en janvier 2013. Ce site cible les «silver surfers» de 50 à 65 ans qui commencent à ressentir les effets de l'âge sur leur sexualité: ménopause pour les femmes, problèmes érectiles côté hommes. Objectif: combattre les préjugés attachés à la sexualité des personnes âgées en proposant une plate-forme de conseils et une boutique en ligne (sex toys, cosmétiques). «Nous sommes convaincus qu'il faut parler de la sexualité sans limite d'âge car il y a encore trop de tabous ou d'idées reçues», précise Caroline Lemoine, qui connaît bien les besoins des seniors pour avoir travaillé dans le secteur médicosocial.

Après avoir constaté qu'aucune offre digitale française n'offrait ce genre de services, elle crée le site avec ses fonds propres, puis s'entoure d'un sexologue, d'une graphiste et de professionnels pour gérer la base de données et la boutique. Avec une exigence de confidentialité, obligatoire pour ce type de produits sensibles. «Nous voulons instaurer une relation de confiance avec nos acheteurs grâce à l'anonymat des envois, des échanges par mails ou téléphone personnalisés et la non-transmission des fichiers clients à des tiers», explique la conceptrice de Quinquessence. Les colis sont sobres, sans indication de leur contenu par souci de discrétion. Les produits de la boutique doivent êtres pensés pour les seniors, en privilégiant si possible les marques de fabrication française.

Le site vient par ailleurs de supprimer la vente de livres via Amazon pour privilégier une collaboration avec des libraires indépendants. «C'est une manière de réfléchir à un autre usage d'Internet: oui à la facilité de l'achat, mais sortons du tout, tout de suite et maintenant, pour créer d'autres liens», résume la fondatrice de Quinquessence. D'autant que les seniors ont du temps…

Caroline Lemoine envisage d'accueillir des bannières publicitaires, non sans avoir sélectionné les produits ou services. Ainsi, elle n'a pas aimé Cinquante Nuances de Grey, le livre érotique à succès écrit par E.L. James. Elle n'en fera donc pas la promotion. En revanche, elle a lancé un feuilleton érotique ouvert aux contributions des lecteurs.

Quinquessence utilise Facebook pour relayer les actualités du site et donner à lire son feuilleton en avant-première. «Facebook et Twitter vont êtres utilisés comme liens avec les personnes qui nous connaissent déjà et comme outil pour en amener d'autres à nous connaître», explique Caroline Lemoine. La newsletter bimensuelle présente les nouveaux articles et produits mis en ligne. Le site vise la rentabilité d'ici deux ans.

 

Daxon cible les «silvers surfeuses»

La marque de textile Daxon, destinée aux femmes de plus de 50 ans, filiale de Redcats Senior Branch, réalise un peu plus de 20% de ses ventes sur Internet, et jusqu'à 60% en période de soldes. «Notre activité passe encore majoritairement par le catalogue papier et le marketing direct, mais le Web enregistre une croissance de 25%», explique Éric Sarrazin, directeur marketing et commercial. Pour lui, sa clientèle se segmente en deux catégories: les personnes nées avant et celles nées après la Seconde Guerre mondiale. Les premières constituent la clientèle historique de la vente à distance (VAD). Elles restent très attachées au papier. Les secondes, baptisées «silver surfeuses», sont nettement plus en affinité avec le digital.

C'est pourquoi la marque a décidé de cibler cette quinquagénaire très proche de la «digital mum», la femme de 25 à 49 ans hyperconnectée. «Notre site est un axe de développement majeur dans la conquête de cette cible», précise Éric Sarrazin, qui se sert depuis dix-huit mois déjà des autres leviers du marketing digital (affiliation, optimisation des mots-clés, comparateurs…).

Daxon a également embauché le cabinet de style Nelly Rodi pour introduire la notion de mode dans les vêtements et accessoires destinés aux morphologies post-ménopause, quand les femmes s'élargissent et prennent du poids. Le cabinet de style est là pour apporter la touche de glamour qui manque souvent à ces vêtements. «Nos gaines et produits amincissants à base de microcapsules correspondent à des besoins, comme modifier son apparence passé un certain âge. Internet se prête bien à la vente de ce genre d'articles», estime Éric Sarrazin.

Le directeur marketing de Daxon pense que «le digital est un excellent moyen de recrutement». C'est pourquoi les campagnes de publicités télévisées sont utilisées pour créer du trafic sur le site Daxon, qui attire quelque 800 000 visiteurs uniques par mois (+15% en un an). Un chiffre encore loin de ceux des géants 3 Suisses et La Redoute, mais qui est significatif pour une marque de niche. Daxon s'essaye actuellement à l'e-CRM, avec l'aide de l'agence Mille mercis. «Nous testons un dispositif de newsletter et d'e-mailing», indique Éric Sarrazin.

Disposant de temps, la «silver surfeuse» est désireuse de partager ses expériences. Elle est à l'origine d'un grand nombre d'avis consommateurs, qui permettent de réaliser des analyses de satisfaction. La page Facebook de Daxon, qui compte 15 000 fans, va être repensée, avec davantage de contenus. Depuis septembre dernier, des applications Iphone et Ipad sont disponibles, mais encore très peu utilisées: elles ne représentent, à ce jour, que 1,5% du l'activité générée par le digital.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.