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Le jeu vidéo est partout, de plus en plus plébiscité par les consommateurs et les marques qui s'en emparent pour «gamifier» leur communication.

L'avènement de l'homo-ludens est en marche. Nous étions passés de l'homme qui marche à l'homme qui fabrique, voici venir l'homme qui joue. Une évolution sociétale décrite dès 1938 par Johan Huizinga dans Homo Ludens, essai sur la fonction sociale du jeu.
L'idée ne semble pas exagérée à l'aune de la révolution en cours. Jamais nous n'avons tant joué. Selon une étude du Syndicat national du jeu vidéo de 2012, le nombre de joueurs via vidéo en France est passé de 17 à 28 millions en seulement cinq ans. Longtemps réservé aux «geeks» passant un nombre incalculable d'heures à s'agiter les pouces, c'est aujourd'hui 55% de la population française qui s'adonne au jeu vidéo.

Avec la multiplication des tablettes et autres smartphones qui permettent de jouer en mobilité, l'apparition de jeux sociaux, type Farmville, ou de jeux plus simples dits de «casual gaming», comme Angry birds (qui a dépassé le milliard de téléchargements en 2012), il s'adresse aujourd'hui à tous: jeunes, adultes ou seniors.

Plaisir désintéressé et puissant levier pour «engager» le consommateur, le jeu vidéo est devenu la marotte des marques.

La relation qui les lie aux jeux vidéo peut prendre diverses formes. La plus ancienne est l'«in-game advertising», un simple placement de publicité dans le jeu, comme le font, par exemple, Adidas et McDonald's, présents via des bannières sur le stade du jeu Fifa (EA Sports). Une manière de communiquer qui a même séduit les politiques. Lors de sa campagne électorale de 2008, Barack Obama s'est affiché sur les panneaux publicitaires de dix-huit jeux vidéo d'EA Games. Objectif: attirer l'attention des jeunes, un public qui délaisse généralement les urnes.

Utilisation variée de cette mécanique

Les professionnels du marketing sont allés plus loin en créant des jeux entièrement centrés sur la marque. Ces «advergames» sont utilisés pour promouvoir un produit à l'occasion d'un lancement ou pour communiquer sur une marque.
En France, l'Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) a ainsi lancé, avec l'agence Fullsix, Better City, un jeu Facebook inspiré de Farmville pour informer sur la filière de la betterave sucrière. Résultat: quelque 135 000 fans après douze mois et un jeu utilisé plus de 600 000 fois. Un succès pour une filière peu habituée à communiquer.

Récemment, les marques ont poussé l'expérience un cran au-dessus, en utilisant les mécaniques du jeu pour «gamifier» leurs campagnes. On parle alors de gamification ou de ludification, une approche théorisée par Jane McConigal, créatrice de jeux vidéo, lors d'une conférence TED (Technology, Entertainment and Design) en 2010. Volkswagen l'a utilisée en 2011 en Norvège pour montrer à quel point la Golf Bluemotion était éco-énergétique. Un jeu sur Facebook, Blue Motion Roulette, invitait les utilisateurs à parier sur l'autonomie d'une Golf en plaçant un pion sur l'endroit qu'elle pourrait atteindre en partant d'Oslo. Lors du départ, 50 000 personnes ont suivi en temps réel le parcours du véhicule et son niveau de carburant épuisé 1 570 kilomètres plus tard, soit presque un trajet Paris-Oslo. Le jeu, orienté sur la preuve, a permis plus d'impact message d'économie d'énergie de la marque et ce sans martelage publicitaire.

Le jeu peut servir à conquérir de nouveaux consommateurs, fidéliser des clients ou générer du trafic en points de vente. Miss Shirley's Café,une chaîne de restaurants populaire aux Etats-Unis, a ainsi offert des passes coupe-file et des bons de réduction aux «maires» de ses établissements, soit les clients qui gagnaient le plus de badges en s'identifiant via Four Square dans ses restaurants. Bien mieux qu'une simple carte de fidélité pour les faire regagner l'enseigne.

Aujourd'hui, la gamification a tendance à toucher tous les secteurs d'activité et tous les types de communication d'entreprise. Elle est, par exemple, utilisée par les médias sous forme de «newsgame». Pour expliquer tous les tenants et les aboutissants du fléau qu'est la piraterie en Somalie, le magazine Wired a conçu «cutthroat capitalism». Dans ce jeu, l'utilisateur se met dans la peau d'un capitaine pirate et doit effectuer tous les arbitrages nécessaires à la survie de son équipage et à la maximisation de ses profits.
D'autres newsgame, comme «The World at seven billion», «Primaires à gauche» ou encore «Budget Hero» ont rencontré un vrai succès.

Le jeu pour identifier les talents dans l'entreprise

La gamification peut aussi être l'alliée des marques employeurs. Elle est ainsi utilisée depuis de nombreuses années par les entreprises pour recruter ou informer leurs collaborateurs. Acteur majeur dans le domaine, L'Oréal a souvent recours au jeu pour identifier de nouveaux talents. Avec des «business games» comme Reveal, la marque de cosmétiques permet aux candidats d'évoluer à travers ses différents domaines d'expertise en résolvant des épreuves. Le système d'évaluation permet d'estimer en toute objectivité l'adéquation du candidat à un poste.

Plus récemment, c'est Danone qui a lancé son opération séduction avec un social game accessible depuis Facebook. Baptisé Trust, il offre la possibilité au joueur d'évoluer dans l'univers de Danone et d'en découvrir les métiers. Le géant de l'agroalimentaire espère ainsi transformer les joueurs en véritables candidats.

Mais si une marque se détache des autres par l'utilisation de la gamification, c'est bien Nike qui a su créer une véritable relation avec ses consommateurs via le réseau international Nike+ en 2006. Un capteur électronique placé dans la chaussure du coureur et relié à son smarpthone enregistre et stocke toutes les données de la course. En rentrant à la maison, le runner peut alors les transférer sur son ordinateur, les analyser, les partager sur Nike+ et observer l'évolution de ses amis. Par ce biais, Nike a su transformer la course en activité ludique et sociale.
Avec plus de six millions d'utilisateurs, la marque a instauré un système de défis, de challenges et d'accomplissement personnel en permettant à l'utilisateur de gravir des niveaux. Nike est ainsi entré dans la sphère intime du consommateur en l'accompagnant au quotidien. Un bel exemple à suivre.

 

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«Gamifier» une campagne, tout un art

«Gamifier une campagne ne signifie pas simplement y injecter une dose de ludique ou faire un «un jeu bariolé aux couleurs de la marque, explique Olivier Mauco, directeur d'Antidox et créateur de jeux vidéo. Il faut surtout que le “gameplay” soit intéressant.» Le gameplay, c'est ce qui rend un jeu ou une expérience vidéo ludique et captivant, qui fait qu'on y passe du temps. Il faut ainsi que le jeu ne soit ni trop simple ni trop compliqué, et que la difficulté s'adapte à l'évolution du joueur au sein du jeu.

Mais pour que la sauce prenne, il ne suffit pas de vouloir faire un jeu vidéo, il faut aussi en comprendre les mécaniques, comme la présence d'un objectif, de règles ou d'un système de «feedback» et les intégrer à sa campagne. Tous ces ingrédients font que le joueur est incité à jouer, non pas pour obtenir une gratification ou une récompense, mais pour la simple satisfaction personnelle et le plaisir qu'il retire jeu. Proposer une expérience immersive dans laquelle la marque apparait de manière discrète permet ainsi de développer un attachement du consommateur à celle-ci et de l'imprimer dans son esprit. Sans avoir recours au fer rouge.

Il existe malheureusement trop d'exemples de gamification ratée ou incomplète.
Lorsqu'une marque propose un jeu trop simple, est trop intrusive, offre des points ou des badges à un consommateur pour avoir cliqué sur le bouton «like» de sa page Facebook, cela ne suffit pas à susciter un intérêt durable chez l'utilisateur qui s'en détournera bien vite. La gamification peut donc être à double tranchants si elle est mal utilisée, il est donc essentiel de savoir comment contenter le joueur, et non le prendre pour une machine à cliquer.

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