Dossier
Longtemps cantonné au seul discours institutionnel de l'entreprise, le développement durable commence à être décliné dans la communication de certaines marques qui proposent des produits éco-responsables à des consommateurs de plus en plus méfiants et exigeants.

Lorsque Leonardo DiCaprio a offert une Toyota Prius Hybrid Car à sa compagne, l'actrice Blake Lively en août 2011, l'anecdote a fait le tour de la planète people. La jeune femme a ainsi rejoint d'autres stars comme Cameron Diaz, Meryl Streep, Wentworth Miller ou encore Sting, ravis de rouler à bord de cette voiture écolo lancée au Japon en 1997. Très prisée à Hollywood, la Prius est surtout un joli succès commercial. Dotés d'un moteur à essence couplé à un moteur électrique sans émission de CO2, ces véhicules ont été vendus à 2,3 millions d'exemplaires par le constructeur japonais, le premier à parier sur la technologie hybride.

«Pourtant Toyota a dû patienter longtemps avant que ça marche», rappelle Elisabeth Laville, fondatrice en 1993 d'Utopies, l'un des premiers cabinets conseils français en développement durable. Les Japonais ont dû marketer l'hybride comme étant une technologie d'avant-garde et montrer que l'on peut séduire avec un véhicule vert. Ils ont bien compris que le statut social de demain n'est plus celui du VRP avec un énorme 4X4 bruyant et polluant.»

Ce n'est donc pas un hasard si le constructeur japonais a été classé en 2012, et ce pour la seconde année consécutive, meilleure marque verte mondiale par le cabinet Interbrand devant Johnson & Johnson et Honda. La valeur financière de la marque a d'ailleurs fait un bond de 9% à 30,28 milliards de dollars l'an passé. «Toyota a une vision à long terme, ils ont réalisé que s'ils n'étaient pas capables de faire une automobile compatible avec le changement climatique, ils auraient à terme un problème économique, poursuit Elisabeth Laville. Le développement durable fait partie intégrante de leur stratégie business et de leur marketing.»

Un objectif que les grands groupes français peinent encore à atteindre, même si la réglementation en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) les oblige, depuis le début des années 2000, à intégrer les préoccupations sociales et sociétales dans leurs activités et à respecter des normes environnementales. «Avant le Sommet de la Terre à Rio en 1992, les entreprises françaises étaient dans une phase préhistorique avec des fondations et des actions de mécénat, résume la fondatrice d'Utopies. Après, elles ont commencé à intégrer le développement durable en améliorant leurs process internes. Mais ces stratégies sont restées cantonnées aux murs des usines et des sièges sociaux et ne se sont pas traduites par exemple par un changement significatif d'offre produits.»

Résultat, seul le marché du bio progresse véritablement, notamment grâce aux efforts faits dans la grande distribution en matière de prix. Le succès des Associations pour le maintien de l'agriculture paysanne (Amap) et des «circuits alimentaires courts» montre l'appétence des consommateurs pour des produits certes écologiques mais qui sont surtout perçus comme positifs pour la santé...

Pour tenter de comprendre le faible développement des produits verts, estimés à 4% de l'offre de produits globale, l'Ademe a lancé une enquête auprès de 200 professionnels du marketing et de la RSE. «Le marketing durable est source de méfiance pour les marketeurs», conclut l'étude publiée en février 2013. Ceux-ci mettent en avant les maladresses qui ont discrédité la tendance d'une consommation responsable. Parmi celles-ci, les messages simplistes et trompeurs du «greenwashing» dus à une méconnaissance du développement durable et à un manque de concertation avec les équipes marketing.

Ces dernières ont, selon l'Ademe, «une vision réductrice du marketing durable», les produits verts étant perçus comme des produits de niche pour «écolos-bobos» et incompatibles avec un marché de masse. Même si 51% des professionnels interrogés assurent être de fervents défenseurs du marketing durable, seuls 15% estiment que leur entreprise se trouve à un stade très avancé...

«Tout le monde est convaincu qu'il y a un formidable potentiel d'innovation et de création dans le marketing durable mais la crise favorise l'attentisme des marques», regrette Laurent Terrisse, patron de l'agence Limite, membre fondateur de l'Association pour une communication plus responsable qui propose un nouveau site Internet. «Aujourd'hui, la priorité des consommateurs va aux prix devant la traçabilité et la qualité des produits», ajoute-t-il.

Sans compter que la méfiance à l'égard des entreprises grandit, selon le baromètre annuel Ethicity d'avril 2013. Seuls 43% des personnes interrogées contre 50% en 2012 déclarent croire les entreprises et les marques quand elles s'engagent en matière de développement durable. Et 80% d'entre eux contre 76% en 2012 estiment ne pas avoir assez d'informations sur les conditions de fabrication de leurs produits...

Certains comme Gildas Bonnel, président de l'agence Sidièse et de la commission développement durable de l'AACC, refusent pourtant de céder à la sinistrose: «Depuis dix-huit mois, nous sentons une véritable évolution. Avant nous faisions beaucoup de corporate, maintenant on redescend dans le produit et le récit du développement durable commence à intégrer la communication de marque.»

 

Un chemin emprunté notamment par les entreprises de l'agro-alimentaire qui testent souvent un produit ou une gamme responsable grâce à des partenariats avec leurs producteurs. Signataires de cahiers des charges précis, ceux-ci s'engagent à produire différemment afin notamment de diminuer leur impact environnemental. Ils apparaissent ensuite sur les packagings, sur internet et dans des campagnes de communication à destination de consommateurs qui déclarent privilégier de plus en plus les produits fabriqués localement ou «Made in France».

Dans cette optique, Danone a lancé la démarche «acteurs pour un lait durable» et «Danone au lait de nos éleveurs», LU a sorti sa charte Harmony et Lesieur a passé un pacte avec sa «filière Fleur de Colza». «Une marque qui ne maîtrise pas l'intégralité de sa filière est en danger permanent, assure David Garbous, l'ancien directeur marketing de Lesieur, aujourd'hui chez Fleury-Michon. Le marketing durable est une façon de reconnecter le producteur au consommateur.» Une stratégie gagnante pour Fleur de Colza, dont les ventes en baisse de 9% en 2010 ont progressé de 6% un an plus tard. Lesieur compte d'ailleurs étendre sa démarche à d'autres produits.

«Le marketing durable permet de mettre sur le marché des produits et des services qui répondent à l'attente de la société au sens large et pas uniquement à celle des consommateurs, résume Elizabeth Pastore Reiss, présidente du cabinet Ethicity et conseil de Danone. Cela permet d'avoir une relation plus qualitative avec les clients et de nourrir une meilleure fidélisation sur des valeurs partagées.»

Dans certaines entreprises, la dimension environnementale est intégrée dès l'éco-conception d'un produit, comme par exemple chez Chanel Parfums Beauté où un logiciel permet notamment aux ingénieurs développement de concevoir des emballages moins coûteux en énergie. Malongo, le producteur niçois de cafés, vient, lui, de lancer une machine expresso écoconçue, entièrement démontable et recyclable, économe en énergie et fabriquée en France. Un lancement accompagné d'une campagne télé grand public qui réaffirme l'engagement de la marque en matière d'écologie et de commerce équitable.

La refonte des packagings qui permet de mettre en valeur les labels responsables et des informations précises sur les vertus écologiques d'un produit est bien souvent l'un des premiers chantiers des entreprises qui passent au vert. Ainsi la marque Puma a conçu une boîte à chaussures qui devient un sac réutilisable. Selon l'équipementier, ce nouveau design permet ainsi d'économiser 65% de carton, 8 500 tonnes de papier et un million de litres d'eau. Il a aussi remplacé la mousse plastique de certains de ses emballages par de l'EcoCradle, un matériau à base de champignons cultivés sur des déchets agricoles.

De son côté, Coca-Cola utilise un nouvel emballage baptisé Plant Bottle et conçu à partir d'un nouveau polymère de plastique d'origine végétale issu de canne à sucre produite de façon durable au Brésil. Soit une économie de 60 000 barils de pétrole par an. Encore plus écolo, Thierry Mugler propose à ses clientes de venir recharger ses parfums à «la source» en boutique, ce qui permet d'économiser des flacons et 40% sur le prix d'achat de la fragrance.

«Aujourd'hui, certaines marques cherchent à s'adapter aux nouvelles pratiques alternatives à la consommation individuelle, comme le recyclage, le covoiturage, la vente d'occasions, la location, etc., décrypte Laurent Terrisse. Elles adoptent un marketing moderne qui n'est pas celui de la puissance mais plutôt celui du dialogue, de l'interactivité et de la pédagogie.»

Personne n'a oublié la campagne choc de Patagonia avec ce slogan «N'achetez pas cette veste». Adversaire de l'hyperconsommation, la marque a établi un partenariat avec E-Bay pour la revente de vêtements d'occasion. Démarche similaire pour Ikea associé à un site suédois de meubles d'occasion et qui propose par exemple dans son magasin de Strasbourg un corner «bon filon», sorte de dépôt-vente des produits de la marque promis à une seconde vie. De son côté, Castorama a lancé le site «Troc'heures» qui permet à des gens d'échanger gratuitement leur savoir-faire en matière de bricolage ou de jardinage.

«L'enjeu du marketing durable pour ces cinq prochaines années, c'est de rétablir la confiance avec le consommateur et de passer d'une consommation passive à une consommation active, conclut David Garbous. Si on montre aux gens qu'un geste quotidien peut changer les choses, on leur redonnera de l'envie et de l'espoir.»

 

(encadré)

 

11e Université d'été du développement durable

 

«Développement durable et efficacité collective». Tel est le thème principal retenu cette année par les organisateurs de la onzième Université d'été de la communication pour le développement durable qui se tiendra à Bordeaux (Gironde) les 22 et 23 août 2013. Près de 300 experts et acteurs du développement durable interviendront lors de cette manifestation organisée par Acidd (Association pour la communication et l'information sur le développement durable), l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie) et Comité 21, un réseau d'acteurs engagé dans la mise en œuvre opérationnelle du développement durable.

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