Dossier
Quoi de neuf dans la génération de trafic en points de vente, fait peau neuve? Voici venir les logiques de mobile to store ou encore de web to store, qui utilisent les outils digitaux et pléthore d'innovations technologiques pour redonner au chaland le goût de passer en boutique.

Selon les derniers résultats de l'Observatoire des commerces réalisé par l'Ifop, 43% des commerçants ont constaté en 2012 une baisse de la fréquentation de leurs magasins, un chiffre en hausse de neuf points par rapport à l'année précédente. Si le constat peut sembler inquiétant, le magasin physique reste pourtant le premier lieu d'achat des Français, qui sont, selon les chiffres de l'Observatoire du ROPO (Research Online Purchase Offline) créé par l'agence Fullsix, 83% à acheter exclusivement en magasin alors que seuls 7% d'entre eux déclarent n'acheter uniquement qu'en ligne.

Un attachement au point de vente que Jérémie Herscovic, fondateur de Socloz, une start-up proposant un service de localisation en ligne et de réservation de produits, explique par le fait que «le consommateur ne veut pas acheter tant qu'il n'a pas finalisé son expérience sensorielle avec le produit». Une fidélité en pointillés au magasin physique qui reste peut-être le seul dénominateur commun entre le consommateur d'aujourd'hui et le consommateur de l'ère pré-Internet.

Avec un parcours d'achat cross-canal de plus en plus éclaté et l'accès à de nouveaux outils qui lui permettent d'avoir accès à une multitude d'informations en toutes circonstances, le consommateur nouvelle génération est informé, hyperconnecté, exigeant et pluriel, et donc, de plus en plus difficile à saisir.

Les logiques du «drive to store» ont évolué avec les usages. Mais qu'il soit question d'Internet («web to store») ou de mobile («mobile to store»), ces nouveaux canaux ne marquent pas uniquement le point de bascule d'un consommateur passif et docile à un consommateur attentif et défiant: ils sont aussi les leviers numériques, pas toujours suffisamment exploités, qui permettent, tout comme le séculaire prospectus, de générer du trafic en magasin et d'accroître le sacro-saint engagement du consommateur.

Même si, comme le souligne Xavière Tallent, présidente de Scinetik, un cabinet conseil en stratégie e-business, «aujourd'hui, amener en point de vente est encore perçu comme une finalité alors que la visite en magasin n'est désormais plus une destination mais un point de passage».

 

INTERNET, UNE SOURCE DE TRAFIC A TRAVAILLER

 

Parmi ces points de passage qui agrémentent le parcours d'achat du consommateur, Internet arrive en amont de l'acte final et reste un canal à choyer pour les marques. Exit cette vieille croyance qui voudrait que le Web cannibalise les ventes en magasins, il est au contraire une source de trafic à travailler. Selon le baromètre 2013 Bonial-IFOP sur «Les relations des Français aux enseignes traditionnelles et aux pure players», 91% des consommateurs effectuent ainsi des recherches sur Internet avant de se rendre en magasin. Une nouvelle manière de faire du lèche-vitrine et d'acheter intelligemment - dites ROPO!

«On a tout d'abord perçu Internet comme un canal d'achat. Mais on se rend compte que les consommateurs vont sur Internet parce qu'ils peuvent y trouver une information, mais ils continuent d'aller en magasin car ils ont besoin de toucher et de voir les produits pour les acheter», observe Jérémie Herscovic.
Un nouveau rendez-vous donc qui vient s'intercaler entre le stimulus et le passage à l'acte dans le traditionnel schéma marketing des «moments de vérité». La recherche en amont sur Internet d'un produit est devenue stratégique pour les marques. A tel point que chez Google, on a baptisé cette phase de recherche qui intervient avant le «First Moment of Truth» (ou moment de la concrétisation de l'achat): le «Zero Moment of Truth». «Si les marques ont compris les logiques actuelles du drive to store, elles feront particulièrement attention au search, qui en est un élément fondamental», analyse Jérôme Touchebœuf, directeur général de Fullsix Retail.

 

L'ENJEU DU REFERENCEMENT LOCAL

 

Le moment de la recherche active est ainsi capital pour déployer pléthore de nouvelles mécaniques visant à prendre par la main le consommateur pour l'emmener sur le site de son enseigne avant de l'extirper du virtuel et de l'attirer en magasin. D'où l'importance d'un excellent référencement pour remonter de la meilleure manière qui soit dans les résultats de recherche.

«Les recherches sur Google sont aujourd'hui de plus en plus localisées, observe Valérie Piotte, directrice générale de Publicis Shopper. Les consommateurs qui font ces recherches sont des contacts chauds pour l'enseigne. Il faut donc optimiser son référencement naturel au niveau local en créant des pages Web magasin par magasin et en communiquant en ligne sur les animations faites sur le terrain.»

Le référencement local est un pivot de la création de trafic dont certains acteurs se saisissent, comme Google avec Google + Local ou encore Yahoo et Pages Jaunes qui, tout deux, ont scellé en début d'année un partenariat pour faciliter la recherche locale de professionnels sur le moteur de recherche Yahoo. Désormais, les réponses sur les professionnels (horaires d'ouverture, photos, avis de consommateurs...) sont fournies par l'annuairiste et sont complétées par une carte Mappy.

De nombreuses start-up se sont développées et spécialisées sur le référencement local, comme Proximis, qui propose un diagnostic des sites et une salve de solutions pour en maximiser la visibilité sur les moteurs de recherche. Objectif premier du référencement local: attirer le consommateur vers son magasin avec les informations les plus pertinentes et précises possibles, que ce soit en faisant un détour par le site Web ou non.

 

PLACE A LA ZONE DE CHALANDISE NUMERIQUE

 

Tous ces nouveaux outils, et les usages qui en découlent, participent à l'obsolescence de concepts marketing bien ancrés, telle que la zone de chalandise traditionnelle bousculée par un client "cross-canal".

Partant de ce constat, Publicis Shopper a pensé le concept de "Zone de chalandise numérique" qui définit «la zone de chalandise et d'attractivité d'un point de vente créée par l'ensemble des points de contacts online d'une cible identifiée». «La zone de chalandise traditionnelle n'est pas morte mais elle doit être repensée, affirme Valérie Piotte, car la question de distance et de durée de parcours tend à disparaître avec le numérique et le cross canal».

Premier média à activer pour travailler cette zone de chalandise numérique, le site Web, qui, loin d'être un point de contact concurrent du magasin, est désormais considéré comme le premier atout des marques. «Le premier levier du drive to store aujourd'hui, c'est le site e-commerce qui a plus vocation à être un générateur de trafic et un outil d'aide à la préparation de l'achat plutôt qu'un support de vente», note Jérôme Touchebœuf.

Ce que Vincent Druguet, DG adjoint de Digitas (Publicis), confirme: «Le site e-commerce n'est plus une plateforme dédiée aux taux de conversion en ligne mais au taux de conversion offline.» Pour preuve, les résultats de l'observatoire du ROPO, de Fullsix, montrent que sur 100 visites sur un site de marque, 48 ont mené à un achat dont 35 exclusivement en magasin.

Et pour pousser le consommateur à l'achat, rien de tel que de lui offrir une expérience fluide et un site qui soit le reflet du magasin qu'il connaît bien. «Le site Web a souvent eu vocation à être une cellule isolée, vouée à faire un chiffre d'affaires online, indique Raphaël Fétique, co-fondateur de Converteo, un cabinet de conseil spécialisé dans le digital et la data. Mais l'internaute est le même consommateur qu'en magasin. Il faut donc offrir une expérience homogène entre ces deux points de contact.»

Un constat partagé par Nicolas Czorny, directeur général de l'agence Kassius (Wunderman), pour qui «le liant entre l'expérience digitale et le magasin passe par une continuité d'expérience, avec le mobile au centre et le social comme relais. La conclusion, elle, se fait en point de vente avec le service.»

 

UNE FORTE DEMANDE D'INFORMATIONS PRATIQUES

 

Si le site Web est source de création de trafic en magasin, quelques fondamentaux toutefois doivent être respectés, comme l'affichage des horaires d'ouverture ou le "store locator", cet outil qui permet de trouver le magasin le plus proche de soi. Selon l'étude Bonial-IFOP, 80% des Français ont déjà utilisé Internet ou leur smartphone pour savoir si un magasin existe près de chez eux. Interrogés sur leur utilisation d'Internet au cours de leur processus d'achat, ils sont aussi 78% à consulter les horaires d'une enseigne, 76% à localiser un point de vente pour s'y rendre par la suite et 67% à souhaiter localiser un produit.

Une demande forte d'informations pratiques à laquelle les marques doivent répondre sur leur site mais aussi sur l'ensemble de leurs supports en ligne. «Il est important pour une marque d'expliquer où sont ses points de vente et où trouver ses produits, c'est ce qu'on fait depuis cinquante ans dans la publicité car c'est élémentaire de recréer de la proximité entre le produit et le client. Le store locator est aujourd'hui un outil qui va aider à clore la transaction et qui doit donc se trouver sur le site mais aussi sur les réseaux sociaux», indique Pierre-Antoine Durgeat, PDG d'Adventori, société spécialisée dans le marketing local.

«Quand je fais une opération marketing "call to action" pour inciter le consommateur à venir acheter mon produit, il faut que je lui dise où il peut le trouver car la dimension locale a une forte capacité à créer de l'engagement», conclut-il. Surtout lorsque, comme l'indique le premier livre blanc d'Adventori, dédié au "store locator" et diffusé en mai 2013, «les visiteurs qui consultent les store locator des marques sont des prospects à forte intention d'achat».
Les prospects effectuent aussi leurs recherches en situation de mobilité. Du coup, Orange, par exemple, a ajouté une fonctionnalité de store locator à son application ad hoc, enregistrant ainsi, en mars 2013, 13 000 consultations, «soit presque la moitié des recherches enregistrées sur la même période par l'application "store locator" du site Internet classique», apprend-t-on dans le premier livre blanc de Publicis Shopper consacré à la Zone de chalandise numérique.

 

GEOLOCALISATION DU CONSOMMATEUR, CONTEXTUALISATION DE L'OFFRE

 

Derrière cet outil de «store locator» se cache un autre levier numérique: la géolocalisation. Mantra des marketeurs par excellence, offrir un service et une offre personnalisée passe aujourd'hui par la géolocalisation du consommateur et la contextualisation de l'offre. «Lorsque sur Internet je cherche une voiture d'une marque précise, je devrais voir apparaître une bannière qui me donne des informations sur une voiture dans le coin et qui m'offre une promotion en temps réel à côté de chez moi», argue Vincent Druguet. Selon une étude Ipsos-Médiamétrie, 57% des détenteurs de smartphones se serviraient de leur mobile pour recevoir des informations géolocalisées.

Dernière acquisition en date de Google, la société Waze, spécialisée dans la navigation pour automobilistes, pourrait bien révolutionner l'offre géolocalisée en situation de mobilité. «Si Google a récemment acheté Waze, ce n'est pas pour rien, remarque Vincent Druguet. Waze est une interface exceptionnelle pour la publicité géolocalisée. Avec cet outil, Google peut développer un service qui permet à un automobiliste de voir apparaître en pop-up les offres des magasins du quartier dans lequel il se trouve. Le vrai enjeu aujourd'hui pour les magasins est de saisir les consommateurs en situation de mobilité.»

Ce que confirme Lucas Denjean, DG adjoint conseil et développement commercial de l'agence Extrême Sensio: «La grande nouveauté c'est de pouvoir interagir avec la personne lorsqu'elle est en mobilité, le plus important étant de le faire avec une proposition commerciale personnalisée.»

C'est de ce constat que découle le «geofencing», ce nouvel outil qui permet d'envoyer, via mobile, des bons plans personnalisés aux détenteurs de cartes de fidélité qui passent à proximité d'un point de vente. Plyce, une startup qui s'est tout d'abord lancé sur le Web, a ainsi investi le support mobile et propose l'accès à des bons plans géolocalisés et à des réductions exclusives. Tout comme Shopkick, ou son pendant français Scanbucks, des applications qui permettent aux consommateurs qui se géolocalisent en points de vente de gagner des points et de débloquer des avantages exclusifs.

 

LE SMARTPHONE, CHAÎNON MANQUANT

 

Support de cette nouvelle manière d'appâter le chaland: le smartphone, ce «chaînon manquant entre le point de vente et le site Internet» selon Lucas Denjean, et qui aujourd'hui, comme l'affirme Vincent Druguet, «fait basculer les gens dans le Web to store». Ce média du dernier mètre, qui accompagne le consommateur tout au long de son parcours d'achat permet aussi de générer du trafic en magasin par le biais de bons plans à débloquer avant le passage en points de vente, comme C-Wallet, développé par Catalina Marketing ou encore Foursquare for business, un service à destination des entreprises développé par le réseau social basé sur la géolocalisation.

Il permet ainsi aux entreprises de suivre les "check-in" effectués dans ses points de vente et d'offrir des promotions sur-mesure. Le smartphone, dont le taux de pénétration en France a dépassé les 50% l'année dernière, pourrait bien devenir le point de contact privilégié des marques qui cherchent à mettre la main sur ce client cross-canal, qui serait, selon Vincent Druguet «cinq à six fois plus rentable qu'un client monocanal».

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