Medias
A la croisée du journalisme et du jeu vidéo, les "newsgames" permettent aux médias de mettre en scène une actualité de manière ludique. Et à l’internaute de prendre la main.

Et si le jeu pouvait inspirer de nouvelles formes d'écriture journalistique? Les médias commencent à expérimenter les «newsgames» (littéralement «médias ludiques»). A la croisée du journalisme et du jeu vidéo, ils sont destinés à faire preuve de pédagogie sur une actualité, dans la lignée des «serious games», ces «jeux vidéo sérieux» de formation. L'avantage pour les médias? «Les newsgames permettent de produire des histoires, des "news stories", de décrire un système avec un aspect narratif, en se basant sur des "data" (données), explique Florent Maurin, journaliste et concepteur de newsgames. Surtout, le jeu devient un mode de représentation d'une réalité. La mécanique du jeu sert l'information.»

En France, c'est lors de la campagne présidentielle de 2012 que des médias ont commencé à explorer ce nouveau format journalistique. «C'était une période où ils n'avaient pas beaucoup de budget en R&D et, en même temps, ils devaient se distinguer par une offre journalistique différente, sur une actualité forte», se souvient Florent Maurin. Lemonde.fr a ainsi publié, au printemps 2011, «Primaires à gauche»: l'internaute pouvait jouer à incarner un candidat aux primaires du Parti socialiste et mener campagne virtuellement.

 

Faire vivre l'actualité à l'internaute

Ce newsgame réalisé avec les journalistes du service politique du quotidien a été conçu par Florent Maurin, la société KTM Advance spécialisée dans la conception de serious games, avec le concours de l'ESJ de Lille. «La primaire permettait de mettre en scène des concurrents aux intérêts divergents et d'expliquer le jeu politique - qui consiste à faire des choix - à travers un mécanisme du jeu», résume Nabil Wakim, rédacteur en chef chargé du Monde.fr. Dans un autre genre, le jeu «Budget hero», repris en 2012 par Lefigaro.fr, proposait à l'internaute de «gérer» virtuellement le budget des pouvoirs publics.

Tout récemment, pour le 100e Tour de France, Radio France a publié, avec l'agence We do Data, un jeu, «100 Tours», avec des animations pour parcourir la route ou encore opposer les vainqueurs du Tour. «Il y a un public d'amateurs de sports qui voulait naviguer dans cent ans de données très documentées. En ajoutant une "surcouche" de jeu sur ces data, on offrait une expérience plus ludique et la possibilité de faire vivre le côté sportif et compétition», décrit Karen Bastien, cofondatrice de We do Data.

Les newsgames permettent aussi de faire œuvre de pédagogie sur des thèmes complexes: tel le jeu «Global conflicts», basé sur le conflit israélo-palestinien, ou encore «Cutthroat capitalism», publié par Wired en 2009, pour décrire le business des pirates somaliens. Le magazine l'avait d'ailleurs accompagné d'une enquête papier et avait mis à disposition des ressources documentaires sur son site. Un nouveau format journalistique donc, mais «comme pour un article, il faut définir un angle, une ligne éditoriale», précise Nabil Wakim.
Des start-up commencent à proposer aux médias le développement clés en main de newsgames: Florent Maurin crée actuellement la sienne et, outre-Atlantique, Game the news a, par exemple, réalisé pour le Huffington Post, l'an denrier, «Moral Kombat - Obama versus Romney», où l'internaute pouvait simuler un débat présidentiel. Les prochains projets en France? Arte et France Télévisions sont cités parmi les médias en ayant plusieurs dans leurs cartons, via leurs entités spécialisées dans les nouvelles formes d'écriture. Le Monde et Arte.TV travailleraient sur un projet commun de jeu documentaire portant sur l'exploitation des sables bitumineux (possible alternative au pétrole) au Canada.

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