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Le marché des féminins premium brille par son dynamisme et ses nombreux lancements. Conseils à suivre, écueils à éviter.

La sanction ne se fait pas longtemps attendre, et elle peut être sévère. «Dans la presse féminine haut de gamme, on voit très vite si un titre va se planter», lâche Arnaud de Contades, patron du groupe Marie-Claire. La barre est haute lorsqu'on veut lancer un nouveau magazine dans cette catégorie exigeante, mais cela ne semble pas décourager les éditeurs. Depuis 2009, de nombreux titres ont rejoint la famille, avec des fortunes diverses: Grazia, Envy, Be, Causette, Vanity Fair, Harper's Bazaar en 2014...

Quelles sont les leçons de ces lancements? Vincent Soulier, auteur de Presse féminine: la puissance frivole (L'Archipel, 2008), brosse en préambule le portrait-robot du féminin haut de gamme: «dos carré, vernis glacé, "main" conséquente.» L'expert a identifié «deux pistes qui fonctionnent très bien». «D'une part, explique-t-il, on constate une stratégie délibérée, marketée et identifiée par les éditeurs d'internationalisation. D'autre part, certains titres adoptent une stratégie d'engagement, comme le titre féministe Causette ou encore Femme Majuscule, qui s'adresse aux femmes de plus de 45 ans.»

Est-on forcément obligé de décliner une marque déjà existante à l'international? Cela fait indubitablement gagner du temps. «Lorsque nous avons lancé Grazia en France, rappelle Carole Fagot, directrice du pôle femme de Mondadori France, nous pouvions nous reposer sur une marque née en 1938, qui compte 22 éditions hebdomadaires, dont 13 lancements les quatre dernières années.»

Xavier Romatet, patron de condé Nast France, était aux manettes d'un lancement fiévreusement attendu: celui de Vanity Fair, en juin dernier. «Avant même de lancer le mensuel, la marque jouissait d'un taux de notoriété assistée de 33% en France et figurait dans les dix marques de presse les plus connues...», souligne-t-il. Un atout de poids vis-à-vis des annonceurs: «Lancer une marque internationale permet de bénéficier d'un effet de référencement immédiat auprès des annonceurs étrangers, et d'un accès facilité au réseau de distribution», résume Vincent Soulier.

 

Ne pas négliger l'adaptation locale

Ecueil à éviter néanmoins, selon Xavier Romatet: «Une erreur communément faite est de négliger l'adaptation d'un titre au marché local. C'est de la haute couture, qui nécessite de prendre son temps, et un actionnaire patient, prêt à investir de manière conséquente.» Marie-Claire a lancé au printemps 2013, le freemium hebdomadaire Stylist, et devrait également sortir, début 2014, l'adaptation française du magazine de mode Harper's Bazaar. «Dans la presse féminine haut de gamme, il faut convaincre sur le succès publicitaire, ce que permettent les titres déjà existants dans d'autres pays», explique Arnaud de Contades.

Est-il encore possible de lancer un titre ex-nihilo? Des magazines franco-français comme Biba se sont fait leur place dans le paysage féminin. Be, du groupe Lagardère Active, a échoué en hebdomadaire, avec une diffusion France payée (DFP) de 145 123 exemplaires en 2012, mais il semble rencontrer le succès en mensuel, avec 271 482 ex. au premier semestre 2013 (DSH de la DFP 2012-2013).

Tout le monde a aussi en tête l'échec cuisant de Jasmin, lancé en 2006 par le pourtant chevronné Axel Ganz. Le mensuel, qui avait nécessité un investissement de 20 millions d'euros, s'était arrêté au bout de dix mois. Pas assez aspirationnel, trop marketé. «Prisma était plus légitime sur les féminins populaires», observe Vincent Soulier. «Dans la presse féminine, il faut laisser la place à la créativité», analyse Arnaud de Contades.

La déclinaison de la marque sur tous les supports est incontournable. «Pour anticiper les nouvelles attentes des lectrices, il s'agit d'adopter une stratégie de labellisation de la marque», estime Stéphanie Jolivot, éditrice de Madame Figaro, qui peut se prévaloir de 1,3 million de data. «Dans l'écosystème d'un magazine haut de gamme, il faut mélanger les dimensions print, online et événementiel.» Sans oublier l'essentiel. Vincent Soulier est formel: «Quand on mise sur l'exigence éditoriale, ça marche!»

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