numérique
Les plateformes d'ad-exchange pourront bientôt être élargies aux écrans audiovisuels à travers la télévision connectée. Retour sur l'expérience de France Télévisions.

Des spots TV vendus aux annonceurs les plus offrants, via les plateformes d'ad-exchange? Ce scénario ne relève plus de la science-fiction. Il est déjà à l'œuvre de manière partielle depuis 2000 chez France Télévisions (cf. entretien) et sa généralisation est envisagée par certains conseils médias. «Progressivement, tous les espaces publicitaires vont passer dans les ad-exchanges, sauf les opérations spéciales», estime Stéphane Bodier, président de Mediabrands. Marianne Siproudhis, présidente d'Amaury Médias, n'a-elle pas annoncé travailler sur un ad-exchange de la presse? Aux Etats-Unis, Mediabrands  a déjà lancé des expérimentations de «programmatic branding» sur la TV. «L'intégralité de l'écosystème est en train de se digitaliser, rappelle Luc Tran-Thang, son homologue chez Starcom France. Il n'y aura pas de frein technique pour intégrer les différents supports...»

Temps d'adaptation

Il suffit que la télé soit connectée. Sky a ainsi segmenté le parc de box chez ses abonnés, pour avoir des publicités plus ciblées, personnalisées et créer un flux pertinent pour le téléspectateur. Fin 2012, 13,9% soit 3,816 millions de foyers français étaient déjà équipés de TV connectées, en hausse de 84,7% sur un an, selon l'étude Référence des équipements multimédias de GFK/Médiamétrie. Parallèlement, 37,1% des foyers accédaient à la TV par l'ADSL ou la fibre. Et de nombreux téléviseurs étaient connectables via les consoles de jeux, lecteurs Blu-ray ou boîtiers tel l'Apple TV. Une partie non négligeable du public pourrait être ciblée, malgré des données encore succinctes. Car, si les opérateurs ont une connaissance de leurs abonnés par leur base CRM, ils ne disposent pas, par exemple, du nombre d'individus dans le foyer exposés aux spots.

Mais «un basculement va s'opérer sur le marché, qui se fera en fonction des technologies, des lobbies, de la législation en vigueur dans les différents pays», prédit Olivier Mazeron, coprésident de Group M Interaction. Le seul véritable frein pourrait résider dans les bouleversements économiques que ces changements engendrent. Comme le souligne Luc Tran-Thang, «les évolutions technologiques ne laissent plus le temps de s'adapter aux usages et de trouver le modèle».

 

 

(entretien)

«Nul n'est prophète en son pays !»

 

Philippe Santini, ancien directeur général de France Télévisions Publicité, pionnier de l'ad-exchange en télévision.

 

Quand a été créée la place de marché de France TV Publicité?

Philippe Santini. Media Exchange a été lancé en 2000, après avoir réglé les problèmes. Juridique d'abord, avec la loi Sapin à laquelle il fallait s'adapter; commercial ensuite, en déterminant l'offre concernée par les enchères; technique enfin, en trouvant le bon système avec les interfaces qu'il fallait mettre en place.

 

D'où est venue l'idée des enchères?

Ph.S. L'espace publicitaire est une matière première comme une autre, valorisable en fonction de l'offre et de la demande. Son prix est fixé par l'intuition, sans référentiel. La raréfaction de l'espace publicitaire à partir du 1er janvier 2000 (limité à huit minutes par heure par la loi Trautmann) a donné l'occasion de se lancer. Media Exchange permettait de vendre la publicité à la seconde alors que le marché achetait au coût GRP.

 

Quels ont été les résultats?

Ph.S. D'abord, un tir de barrage des agences médias qui ne voyaient pas encore l'évolution future vers le trading. Et des annonceurs qui redoutaient une inflation. Pourtant, Procter est venu en premier, en ayant compris que le système optimisait l'achat de films plus moins ou longs. Media Exchange a ensuite connu le succès jusqu'en 2007, pour atteindre 10% du chiffre d'affaires, soit 70 millions d'euros. Il a fait progresser le prix net à la seconde de 50% et attiré plein de petits annonceurs. Mais le système n'a pu être généralisé. Ma personnalité posait sans doute un problème. Et le changement était trop violent pour un pays comme la France. On aurait pu préempter un territoire qui allait se développer après. Les écrans publicitaires du Super Bowl, vitrine de la publicité, sont maintenant vendus aux enchères. Nul n'est prophète en son pays!

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