Dossier
Les marques varient de plus en plus leurs prises de paroles marketing. Les sociétés de production publicitaires se doivent de suivre le mouvement.

Le contenu de marque, cette notion aux multiples définitions, a lui aussi fait son entrée dans le monde de la production. Obligeant les producteurs de films publicitaires à repenser leur discours sur leurs plaquettes de vente. Résultat, en complément des dispositifs digitaux désormais intégrés dans leur panoplie, toutes les sociétés de la place de Paris prétendent faire du «brand content». Pour autant, les exemples - les bons surtout - ne sont pas encore nombreux. Dans les faits, les stratégies diffèrent grandement.

En premier lieu, viennent les sociétés qui respirent «brand content». Née en 2012, Fighting Fish (groupe Quad) a ainsi enchaîné les opérations de ce type pour Tic Tac ou Contrex. Auréolée du récent dispositif en ligne «Secret Place» pour la marque Perrier (agence Ogilvy Paris), la société a désormais un savoir-faire. Deux mois d'écriture pour créer soixante personnages, deux mois de design et quatre mois de post-production ont été nécessaires pour plus d'une heure et ving minutes de contenu. Le tout avec un budget bien supérieur à une opération Web classique.

«Dans ce type de projet, l'agence arrive avec un concept, envisage certaines directions possibles de scénario, puis c'est à nous de mettre en marche notre méthodologie de production tant au niveau de l'écriture que de la technologie. Le team créatif de l'agence se retrouve en quelque sorte en position de direction de création face à nous», explique Benjamin Przespolewski, directeur de création digital chez Fighting Fish dont la structure est aujourd'hui appelée depuis la Chine, les Etats-Unis ou la Suède grâce à ce cas Perrier.  

Si l'envie de se replonger dans un tel projet ne manque pas, les producteurs de Fighting Fish mettent aussi en garde contre une dérive quantitative sur le brand content, entre surmultiplication des films ou course à la durée au sein d'un même projet. «Pourtant, faire à la fois long et bien, cela reste compliqué», estime Olivier Domerc, producteur brand content. Et pour obtenir de la qualité, ces sociétés de production font de plus en plus appel à des talents d'écriture issus de la télévision. «Dans les cas de brand content, ce type d'auteurs est le plus à même de rebondir sur un cahier des charges qui reste publicitaire. Sur le petit écran, ils sont déjà habitués à travailler avec beaucoup de contraintes», ajoute Olivier Domerc.

La mode est donc désormais aux réalisateurs «auteurs», bien plus qu'aux «techniciens». Dans la même idée, la société Caporal se tourne ainsi vers des talents issus notamment du documentaire. Fin octobre, la compagnie de production signait trois nouveaux réalisateurs issus du documentaire: Jérôme Raynaud, Dimitri Pailhe et Romain Dussaulx. Ainsi, avec Jérôme Raynaud, la société de production a signé plusieurs projets documentaires pour Michelin, Longines ou Monaco.

Vers un couple idéal

«Le couple idéal en train de se dessiner pour ce type de production est un réalisateur de documentaire associé à un chef opérateur issu de la publicité. Nos productions doivent se distinguer de celles de la télévision. Or la publicité possède ce savoir-faire de l'image», explique le producteur Cédric Barus. Ces projets prennent de plus en plus d'importance au sein de Caporal qui comptait déjà parmi ses premiers clients la marque Redbull très en avance sur ce terrain du brand content.

Les sociétés dont les producteurs tirent leur ADN du cinéma ou de la télévision sont évidemment tout à leur aise face à ces nouveaux types d'écriture publicitaire. «Mes seize ans à Radio Nova, où j'ai rencontré de nombreux talents émergents - les plus dingues créativement parlant - qui faisaient des choses pour lesquelles ils n'étaient pas faits à l'origine, me servent aujourd'hui à proposer des projets différents», souligne aussi Vito Ferreri, fondateur de la société Aprile Production.

Même chose du côté de Gang Digital: tous deux issus du cinéma, les deux producteurs Guillaume Colboc et Adrien Kamir regardent avec des yeux plein d'envie ce nouveau terrain de jeu de la publicité. Pour la dernière campagne Mercedes «Le monolithe» (agence CLM BBDO/Proximity), ils ont ainsi proposé une série de onze films digitaux oscillant entre «making of» et nouveaux contenus autour des personnages du spot publicitaire. Des films réalisés par les Cokau.

Côté poids-lourds du marché, la question du brand content vient aussi titiller les structures. Certains affichent d'ailleurs clairement la couleur comme le groupe Première Heure. Ainsi, au-delà de son label emblématique Psycho (déjà positionné dans le contenu de marque luxe), le groupe de production développe depuis septembre le label Orso spécialisé en brand content et a, par ailleurs, également fait l'acquisition de la société de production Fatcat, positionnée sur le même créneau.

Pour d'autres, le «tout schuss» sur ces nouveaux contenus reste plus hésitant. «Depuis toujours, notre métier est de faire des films donc oui évidemment, nous pouvons aller sur ces nouvelles formes de brand content», lance d'emblée Jérôme Denis, producteur exécutif associé chez Wanda. Mais il nuance aussitôt: «A ce jour, ce marché relève plus de la velléité que d'une réalité pour les sociétés de production.»

Pour la plupart de ces grosses structures, le film classique de publicité et ses budgets conséquents reste pour l'instant la priorité. Et ce, d'autant plus qu'ils retrouvent en face d'eux des annonceurs prudents et en manque d'outils de mesure satisfaisants pour évaluer l'impact de ces nouvelles formes de productions marketing.

Même chez les Télécréateurs, pourtant les bons élèves du genre avec à leur actif «Les Colocs» (BNP Paribas), «Les Dumas» (Bouygues Télécom) ou encore «Les Puceaux» (INPES), le discours est sage. «Nous n'avons aucun projet de type web-série en cours en ce moment et ce genre n'excède pas une à deux consultations par an nous concernant», explique le producteur Arno Moria. La web-série reste toutefois un nouveau genre attractif pour les annonceurs mais au succès encore incertain. La clé de la réussite d'un tel programme: la liberté d'écriture accordée par l'annonceur, s'accordent à dire les producteurs.

Pour tenter d'éviter ces écueils, la société Henry de Czar développe, elle, deux pilotes de web-séries avec des humoristes français. «Notre idée est de développer d'abord des concepts suffisamment forts pour dans un second temps les proposer aux marques et aux agences»,  confie le producteur Jean Ozannat. A suivre.

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