Grand Prix du luxe

Description

Avec pas moins de 146 réalisations en compétition, la première édition du Grand Prix Stratégies Condé Nast du luxe témoigne de la vitalité d'une industrie qui devrait afficher en 2005 une croissance de 7 % au niveau mondial et atteindre un chiffre d'affaires total de 145 milliards d'euros. Un secteur très concurrentiel où il est de plus en plus difficile d'émerger. Pourtant, les jurés n'ont pas hésité longtemps à décerner leur Grand Prix à Hermès. Faute de pouvoir dissocier les visuels presse, l'affichage et les films, ils ont choisi de récompenser l'ensemble de la campagne « Au fil du fleuve » ainsi que le lancement du parfum Eau des merveilles.
Chaque année, et c'est l'une des spécificités d'Hermès, son PDG, Jean-Louis Dumas, détermine un thème qui préside, parfois deux ou trois ans à l'avance, à la création des différents produits. Celui de 2005 était « le fleuve ». Cela donne le ton à chacun des huit corps de métiers du groupe et donc de l'ensemble de la communication, « considérée chez Hermès comme le neuvième métier de la maison », explique Stéphane Wargnier, directeur de la communication.
Pour Eau des merveilles, le nouveau jus féminin lancé au printemps dernier, l'objectif était de séduire une clientèle plus jeune. « Nous voulions aussi ajouter notre patte au discours parfum, moins sur la sensualité et davantage sur le merveilleux », ­explique Stéphane Wargnier. D'où ce flacon étoilé, une communication aérienne, pleine d'enchantement, et l'idée du parfum feu d'artifice. « L'Eau des merveilles, c'est la tête dans les étoiles et les pieds sur terre », résume Philippe Chanet, directeur artistique de Publicis EtNous. L'agence ne cache pas sa joie de voir Hermès récompensé. « Cela couronne sept ans de fidélité mutuelle », explique Jean-Christophe Hérail, PDG de Publicis EtNous, qui rappelle qu'Hermès est à la fois le client principal et historique de cette enseigne créée en 1997. Le budget a d'abord été géré par Françoise Aron et Pacha Bensimon, ex-Eldorado. Le duo intervient encore en tant que consultant. De même, Philippe Chanet, directeur de création, suit le compte depuis 1997 et en est à sa quinzième campagne Hermès.
Publicis EtNous évoque un « partenariat culturel ». « L'agence est associée très en amont de la chaîne », explique Jean-Christophe Hérail. Philippe Chanet se rend souvent dans les bureaux de création et l'atelier, à Pantin. Dans le cas du lancement d'un parfum (le prochain masculin sera présenté au printemps), l'agence et Hermès travaillent de concert deux ans à l'avance. « Cette organisation facilite le travail créatif », confirme Philippe Chanet.
Si les vitrines et les magasins gardent la main sur leur agencement, les créations publicitaires sont les mêmes pour le monde entier. « L'objectif commun de toutes nos campagnes, c'est de traduire en images ce qui nous semble être notre spécificité, explique Stéphane Wargnier. Nous ne sommes pas une maison de mode, mais une maison d'artisanat qui a élargi son périmètre. » L'axe créatif reste toujours le même : « Raconter des histoires simples, poétiques, provoquer l'envie d'entrer dans l'univers de la marque », résume Jean-Christophe Hérail.
« Hermès est une marque conteuse », poursuit Stéphane Wargnier. Principale contrainte : laisser la place centrale aux produits. Autre impératif, dans un univers où l'on se contente trop souvent de belles images: délivrer un message. « Le risque quand on veut être singulier, c'est de tomber dans le discours abscons. Cette exigence nous oblige à nous adapter pour être compris dans le monde entier. À partir de là, on peut utiliser les codes de la maison à loisir, les détourner, jouer avec le bolduc, la couleur orange. » La maison ne s'en est pas privé. Sous la houlette de son PDG, « dont l'esprit reste très enfantin et ludique », confie Stéphane Wargnier, elle a toujours innové, en mêlant le jean aux carrés (1978), en s'enrobant de bolduc et en faisant descendre le luxe dans le quotidien. « Cela, tous s'y essaient, mais Hermès l'a fait avant tout le monde et sans pour autant se galvauder. »

Marketing artisanal

L'une des réussites de la communication d'Hermès est aussi de se renouveler sans toucher aux fondamentaux. « Pourtant, nous changeons de photographes à chaque campagne », explique Philippe Chanet, qui fait appel soit à des inconnus, soit à des monstres sacrés comme Richard Avedon. À tous, il délivre le même message : emmener les gens dans un univers différent et, surtout, n'imiter personne. « Plus que les autres, Hermès peut se permettre de la fantaisie, mais de la fantaisie rigoureuse », considère Philippe Chanet. Une sage audace apparemment payante : en vingt ans, Hermès a réussi à dépoussiérer son image sans toucher à son héritage.
Le marketing Hermès, lui, est plutôt « artisanal », résume Jean-Christophe Hérail. Ici, c'est les mains dans la fabrication et l'oreille tendue vers les clients qu'on fait avancer la marque. « Nous ne sommes pas dans la mode, mais dans une maison, où l'on cultive le respect du client, l'échange et la sensibilité », poursuit Philippe Chanet. « La fonction marketing n'existe pas en tant que telle chez Hermès, confirme Stéphane Wargnier. Être né artisan, c'est savoir rester au service de son client. Nous sommes très respectueux de ce dont nous avons hérité et de notre responsabilité de le rendre et de le conserver contemporain. »
La notion d'héritage est également très forte. C'est à son fils, Pierre-Alexis, que Jean-Louis Dumas passera les clés de la maison début 2006. Il pourra compter sur une « collaboratrice historique », Pascale Mussard, présente depuis trente ans. De quoi remettre, encore, le travail sur le métier.