Bilan

Description

Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui ? Les éditeurs de presse, qui se réuniront le 2 juin à Paris pour le 16e Observatoire de l'écrit de l'OJD, ne pourront éluder la question. Les chiffres d'évolution de l'OJD témoignent d'une érosion continue de la presse payante depuis 2001. Avec, pour faits nouveaux en 2005, une accentuation de la tendance baissière des diffusions de la presse grand public (un recul de l'ordre de 2 % par rapport à 2004) et, de façon plus inédite, de la presse magazine (-2,8 %). Alors que la presse quotidienne poursuit sa décrue au même rythme que l'an dernier (-1,6 %), les magazines constatent en effet un déclin significatif de leur diffusion en 2005, alors que la stagnation prévalait lors des quatre années précédentes, après une forte hausse entre 1997 et 2000. En cause : les abonnements, qui ont pour la première fois tendance à baisser alors que les ventes au numéro continuent de s'éroder. L'état de santé des vingt et une familles de presse magazine parle de lui-même puisque seules quatre d'entre elles sont en mesure d'afficher des bilans positifs en termes de diffusion payée en 2005 : la cuisine (+17,6%), les people (+5,8%), les titres économiques et financiers (+3,8%) et l'actualité générale (+2,6%). À l'inverse, des thématiques comme les masculins (-12,5 %), l'auto-moto (-9,5 %), les adolescents (-9,1 %) ou les sciences (-8,6 %) connaissent de sévères baisses de diffusion. Revue de détail des principales familles pour une année 2005 de diffusion papier qui a vu nombre d'éditeurs (Emap, Hachette Filipacchi Médias) amorcer un virage numérique sur Internet ou même le téléphone.

Quotidiens nationaux : -1,9 %

Dans l'espoir de freiner la baisse rémanente de leur diffusion, Le Figaro et Le Monde ont tous deux lancé une nouvelle formule, respectivement en octobre et novembre 2005. L'effet, qui ne sera pleinement visible qu'en 2006, se mesure déjà pour l'an dernier, avec une érosion moins forte qu'en 2004 : -1,35 % pour le quotidien de Serge Dassault, qui passe à 325 289 exemplaires payés en France, et --3,04 % pour celui de Jean-Marie Colombani, qui se retrouve sur la troisième marche du podium avec 320 704 exemplaires. L'Équipe, toujours premier quotidien en termes de diffusion France payée (341 052 ex.), accuse lui aussi le coup (-3,97 %) après une année 2004 faste. Il faut dire que la presse quotidienne nationale dans son ensemble vit une chute globale de sa diffusion (-1,9 %). Sur tous les titres payants de cette famille, quatre seulement sont en hausse, la palme étant détenue par L'Humanité, qui franchit la barre des 50 000 exemplaires et passe ainsi devant France Soir, à l'agonie depuis sa mise en redressement judiciaire. L'année 2005 a aussi été marquée par la grève la plus longue de l'histoire de Libération. Avec l'entrée dans son capital d'Édouard de Rothschild, le quotidien, qui a perdu quelque 3 000 exemplaires (-2,15 %), a été prié de réduire ses dépenses, notamment en réalisant un plan de départs volontaires. Il attend un retour aux bénéfices pour l'année 2007. La presse gratuite d'information, qui a fait son entrée dans l'étude d'audience Epiq, continue pour sa part sa percée auprès des lecteurs... et des annonceurs.

Quotidiens régionaux : -1,5 %

Avec 18 millions de lecteurs, selon l'étude d'audience Epiq menée cette année par TNS Sofres, la presse quotidienne régionale reste un acteur incontournable. Pourtant, les chiffres de diffusion sont, en 2005 encore, à la baisse pour la plupart des titres, à l'exception de huit d'entre eux, dont Le Télégramme (+1,58 %), Le Courrier de l'Ouest (+0,25 %), La République du Centre (+0,70 %) ou encore La Charente libre (+0,01 %). Confrontés depuis plusieurs années à l'érosion de leur diffusion et au vieillissement de leur lectorat, les éditeurs s'essaient aux nouvelles formules, à l'instar de Nice Matin (-3,49 %) et de La Voix du Nord (-1,57 %), qui viennent de se relancer avec un format tabloïd. Internet semble aussi être, à leurs yeux, un sésame pour séduire les jeunes. Pour faire face à ces nouveaux défis, la PQR adopte une stratégie de regroupement. Les titres familiaux, tels Le Télégramme, se retrouvent aujourd'hui isolés face à des mastodontes qui ne cessent de conquérir de nouveaux territoires. Le dépeçage de la Socpresse a attisé les appétits d'Ouest France, qui a acquis à la fin de l'année le pôle Ouest (Presse Océan, Le Courrier de l'Ouest et Le Maine libre), et de L'Est républicain, devenu le premier « bloc » de presse quotidienne régionale, avec 1,1 million d'exemplaires payés en France. La région Sud est aussi en proie aux recompositions, avec le rapprochement annoncé des titres d'Hachette Filipacchi Médias (Nice-Matin...) et ceux du Monde (Midi Libre...).

News magazines : -0,6 %

Les news restent d'une remarquable constance, avec une faible régression. Seuls Valeurs actuelles (-11,69 %) et Le Monde 2 (-10,72 %) sont franchement à la baisse. Télérama recule très légèrement (-0,49 %). Sauts de puce pour Le Nouvel Observateur (+0,04%), et progression plus marquée pour Le Point (+1,21%) et surtout Courrier international (+3,62%). L'Express, dont le groupe de presse belge Roularta possède désormais 35 % du capital, en attendant une reprise éventuelle à 100 % après la présidentielle de 2007, est revenu à son jour de parution du jeudi, et reste stable (+0,06%). On verra l'an prochain si la nouvelle formule de son supplément L'Express mag, lancée le 27 avril, qui se veut plus féminine, a séduit les lecteurs. Paris Match, quant à lui, enregistre une progression de 1,52 % de sa diffusion France payée : les unes sur la mort de Rainier de Monaco, la paparazzade de Cécilia Sarkozy et le scoop de l'enfant caché d'Albert de Monaco y sont sans doute pour quelque chose. Alain Genestar, son directeur, que l'on disait menacé après « l'affaire Cécilia », peut souffler...

Presse TV : -4,6 %

Après une année 2004 où les hebdos TV avaient accusé le choc de l'apparition des quinzomadaires du groupe Prisma Presse, le déclin est moins violent en 2005, même si ce segment de presse est encore en baisse. Paradoxalement, l'un de ceux qui ont le plus souffert en 2005 est le quinzomadaire Télé 2 semaines (-11,92 %)... Télé loisirs, autre titre de Prisma Presse, qui avait perdu 22,5 % de sa DFP en 2004, connaît l'année suivante une chute de 9,95 %. Les piliers du marché n'enregistrent plus de reculs à deux chiffres, même si les évolutions restent négatives : -5 % pour Télé Z (D'Epenoux), -5,89 % pour Télé star (Emap), -9,02 % pour Télé poche (Emap), qui a lancé à la rentrée une nouvelle formule et un nouveau format, et -9,61 % pour Télé 7 jours (HFM), dorénavant dirigé par Thierry Moreau, un ancien d'Ici Paris, qui succède à Patrick Mahé et vient de lancer une nouvelle formule plus familiale, avec une part plus importante consacrée à la TNT. Résultat : parmi les dix plus fortes baisses en volume, on dénombre sept titres TV (voir tableaux page 35) ! Pourtant, cette famille de presse, au sein de laquelle le meilleur score revient tout de même à l'autre quinzomadaire de Prisma, TV grandes chaînes (+25,04%, soit l'une des dix plus fortes hausses tous secteurs confondus), continue à attirer les éditeurs : en 2005, signalons la naissance de TéléCinéma (Alfa Screen), qui se propose de guider le lecteur cinéphile sur les chaînes, ainsi que de Télé showbiz (Michael Fox), avec pour rédactrice en chef... Adriana Karembeu, un magazine qui va devenir gratuit à la rentrée.

Presse économique: +3,8 %

Stabilité, voire prospérité. La presse économique va plutôt bien, comme en témoigne une progression globale de 3,80 % en 2005. Le mensuel Capital (Prisma Presse), qui a connu en 2004 une érosion de ses ventes (-0,4 %), est reparti à la hausse (+3,15%). L'autre titre du groupe dirigé par Fabrice Boé, Management, a lui aussi enrayé la chute de ses ventes et connaît même l'une des plus fortes progressions du secteur : +10,57 %. Autre envolée, celle d'Entreprendre (Robert Lafont), qui affiche une diffusion France payée en hausse de 13,88 %. Les titres du groupe Express-Expansion sont stables, avec +1,41 % pour L'Expansion et +1,16 % pour L'Entreprise. Pour ce qui concerne les nouveautés de 2005, le passage de Challenges (groupe Nouvel Observateur) à la périodicité hebdomadaire est un succès puisque le titre a atteint ses objectifs : sa diffusion s'établit à 251 350 exemplaires.

Presse Masculine :-12,5 %

Grosse déprime dans la famille des masculins, qui recule de 12,5 % en 2005. Même le leader Entrevue (HFM) accuse nettement le coup (-10,65 %) après des années de hausse, tandis que FHM (Emap) perd 9,19 % et Maximal (HFM) 4,09 %. La nouvelle formule de Max (Emap), plus orientée vers les jeunes femmes dénudées, a apparemment séduit les lecteurs, puisque le titre progresse de 1,68 %. Le strip-tease des copines ne fait en revanche plus recette puisque l'ancêtre de la presse masculine, L'Écho des savanes, s'effondre (-22,44 %). L'attrait pour le haut de gamme ne se dément pas, avec des titres comme L'Optimum (Éditions Jalou), toujours en progression (20,45%). Sur un versant plus potache, on attend de voir si le dernier-né du « pôle Gérard Ponson » chez HFM, le quinzomadaire Guts, élaboré en mars avec l'animateur Cauet, va confirmer ses premiers chiffres de ventes (autour de 300 000 exemplaires).

Presse Féminine : -2,7 %

Il faut désormais compter avec eux : en 2005, les plus fortes progressions ont été enregistrées du côté de la presse people (+5,80%). L'hebdomadaire du groupe Hachette Filipacchi Médias, Public, confirme son fulgurant succès avec une diffusion en hausse de... 31,37 %, soit l'une des dix plus fortes hausses du millésime 2005. Quant à son concurrent du groupe Emap, Closer, lancé en fanfare l'été dernier, il est désormais bien installé, avec 399 589exemplaires France payés. Le vétéran Voici (Prisma Presse) reste leader, avec 483 432 exemplaires, mais sa diffusion est en repli (-3,09 %). Dans la famille des féminins classiques, Psychologies magazine n'en finit pas de séduire les lectrices, avec +10,68 %, à près de 325 000 ex., tandis que Biba (Emap), qui a lancé une nouvelle formule en 2004, a réussi son pari : +16,51 %. Et signe l'une des plus fortes hausses en volume enregistrées en 2005 par l'OJD. Dans un univers plus mode, Jalouse (Éditions Jalou), un titre qui a notamment fait parler de lui en offrant un « sex toy » à ses lectrices, voit sa diffusion France payée bondir de 24,06 %, figurant aussi dans le classement des plus fortes hausses, en pourcentage. Au global, les féminins accusent un recul de 2,70 % entre 2004 et 2005. Mais cette presse continue de tenter les éditeurs : de nombreux lancements sont dans les cartons, dont celui, très attendu, d'Axel Ganz, ancien patron de Prisma Presse, d'un titre haut de gamme cet été.

Presse décoration : -3,7 %

Le cocooning aurait-il vécu ? En 2005, la presse de la maison, de la décoration, du bricolage et du jardin, affiche une diffusion France payée globale en baisse de 3,71 %. Cette famille, en plein développement en 2002, baisse depuis légèrement chaque année. Pourtant, le secteur déco est pléthorique, avec pour leaders des titres comme Art&Décoration (Éditions Massin, 273 196 ex., -12,67 %), Détente jardin (Uni-Editions, 243 274 ex., +8,99 %) et Maison créative (Uni-Éditions, 229 094 ex., +9,11 %). Cette famille de presse n'en finit pas de s'agrandir, avec des lancements comme Home magazine, un bimestriel grand public consacré à l'actualité high-tech dans la maison (Oracom), ou encore Esprit déco (Éditions Massin).