Marketing services

Description

Les marketing services ? Voilà quinze ans que j'en fais et je ne sais toujours pas ce que c'est ! » Derrière la boutade, Éric Newton, directeur associé de l'agence Marketing Channel, exprime bien le flou d'une notion encore largement polysémique. Stade le plus avancé d'une évolution qui a vu le marketing direct s'ouvrir au marketing relationnel et au CRM (Customer Relationship Management) multicanal, et satelliser peu à peu des techniques comme l'événementiel ou les relations publiques, les marketing services continuent de diviser annonceurs, professionnels, observateurs. « C'est le fourre-tout de la communication hors publicité, et cela arrange tout le monde », poursuit Éric Newton. Et Frédéric Bedin, président du Public Système, de désavouer jusqu'au terme de « marketing services » : « Il ne faut pas oublier que l'expression a été inventée par les grandes firmes américaines de communication pour reléguer tout ce qui n'était pas publicitaire. Par marketing services, on désigne la porte de service du marketing. »

Le marketing direct en tête

Mais si la définition des marketing services prête à confusion, y compris chez les professionnels, la plupart se retrouvent du même côté d'une ligne de démarcation distinguant la publicité « classique » des autres types de communication. Pour certains, le curseur relève plus précisément du comportement marchand : les marketing services cibleraient davantage le client que le consommateur, celui qui achète que celui qui peut acheter. Quoi qu'il en soit, si l'on considère que les marketing services sont à la croisée des chemins entre marketing relationnel (politiques de contacts hors et en ligne), relations publiques, marketing événementiel, dispositifs de distribution, il ne fait aucun doute qu'ils occupent une place centrale dans les stratégies de communication des entreprises et de leurs marques.
La tendance se confirme année après année : les annonceurs en France privilégient les techniques et les supports hors médias. Selon l'étude France Pub-Irep, le hors-médias a absorbé en 2005 plus de 65 % des investissements en communication (en croissance de 2,3 %, contre + 1,1 % pour les cinq « grands médias »). C'est l'industrie du B to B qui, en proportion, y a le plus investi, avec 84 % de son volume total de dépenses en communication. Suivent les services et la distribution (respectivement 66,5 % et 65 %), puis l'industrie des biens de consommation (55,9 %).
Technique phare historique des marketing services, le marketing direct est le premier vecteur d'expression des annonceurs, qui lui ont consacré plus de 10 milliards d'euros en 2005, soit 31,7 % de leurs dépenses globales. Le marketing direct enregistre néanmoins son plus mauvais score depuis de longues années, avec une progression limitée à 0,4 % (contre 4,1 % en 2004). Si les résultats imputables au marketing téléphonique et aux prospectus permettent de sauver la mise, le mailing a connu une année médiocre.

Stratégie de contacts plus que de gestion

En revanche, toujours selon France Pub-Irep, on soulignera la belle santé des relations publiques, en croissance de 4,5 % et qui représentent 5,5 % des investissements globaux en communication. Mais c'est incontestablement Internet qui affiche la plus belle augmentation, avec une progression de 53,4 % pour 382 millions d'euros d'investissements en 2005. Ces dépenses comprennent les achats en net, les commissions et honoraires des agences ainsi que les frais techniques et de fabrication. Certes, la part économique du Web dans les dispositifs de communication demeure modeste : 1,2 % du marché. Et s'il évolue encore loin derrière la presse et la télévision, le Web se rapproche de l'affichage et de la radio, et a d'ores et déjà surpassé le cinéma en termes de chiffre d'affaires.
Un potentiel économique incontestable, un spectre de prestations étendu et, partant, pas toujours bien identifié, des entreprises loin d'être uniformément préparées... Le marché des marketing services doit poser un certain nombre de repères. Que penser d'un marché qui, si l'on en croit les annonceurs interrogés par le cabinet Ballester, alimente quelque sept cents agences ? « Ces dix dernières années, les annonceurs sont allés plus vite que les agences dans la compréhension de ce que sont les marketing services », remarque Jérôme Toucheboeuf, directeur associé de l'agence Fullsix.
Une étude menée en juin et juillet 2006 par la société Panels&Médias pointe pourtant le retard pris par les annonceurs. Si 51 % des professionnels du marketing interrogés (tant chez l'annonceur qu'en agences) estiment insuffisante l'offre des groupes de communication en matière de marketing services, le jugement est plus sévère encore envers les annonceurs : selon cette étude, 61 % d'entre eux ne disposeraient pas d'une organisation adaptée pour gérer des budgets de marketing services. Et pourtant, nul ne doute des enjeux induits en termes de marché, ainsi qu'en matière de stratégie et d'organisation pour les entreprises. « Les marketing services nous font basculer d'une logique de gestion à une logique de contacts. Il s'agit d'un tournant radical pour les entreprises. C'est ici que se reconnaîtront les grands patrons », avance ­Jérôme Toucheboeuf. Une révolution pour une sphère de la communication et du marketing jusqu'alors confrontée à des évolutions successives.
« Nous sommes en train de changer de paradigme », ­affirme pour sa part Yan Claeyssen, directeur du pôle Agence d'ETO. Hier, Internet était un complément du hors-ligne. Demain, le numérique sera au centre des dispositifs marketing. Hier, les annonceurs imposaient des messages publicitaires. Demain, ils mettront à disposition des contenus informatifs et/ou détonnants. Hier, la marque primait la ­relation, demain la relation fera la marque. » Les surfaces de rencontre entre le consommateur et la marque sont élargies en même temps que les occasions de contact se ­multiplient. Mais, surtout, les annonceurs doivent renoncer à un contrôle exclusif sur des médias éclatés et monodirectionnels. Les marketing services scellent la fin d'une posture « Webcentrique » à peine installée pour investir une logique « clientcentrique », où le consommateur acquiert une maîtrise sur les contenus proposés par les annonceurs et choisit le canal de contact qui lui semble le plus approprié à l'instant T de sa vie nomade : Web, courriels, RSS (blog, podcast, videoblog), mailing, centre d'appels, centre d'appels Web, Internet mobile, cartes RFID, bornes interactives, points de vente, etc.
En s'appropriant les messages, en leur redonnant vie dans un véritable dialogue multidimensionnel avec la marque et ses publics, le consommateur pourrait-il en arriver à dépouiller les annonceurs de tout contrôle sur leurs messages ? Partage avec le consommateur ne signifie pas abdication. « Si on laisse la marque aux mains du consommateur, c'est qu'on accepte le principe d'un nivellement général. On renonce au capital de marque », insiste Jérôme Toucheboeuf. « Le risque n'est pas tant pour les marques que pour les médias traditionnels, ajoute Yan Claeyssen. Les médias numériques offrent des potentiels de mesure jusqu'alors inégalés, qui garantissent aux annonceurs la maîtrise du jeu, si toutefois ils s'en donnent les moyens. »
www.irep.asso.fr