Marketing des jeunes

Description

Le cerveau a des capacités tellement étonnantes qu'aujourd'hui... heu, pratiquement tout le monde en a un », énonce sans grande conviction un lycéen boutonneux. Silence accablé de l'examinatrice. « C'est pas si sûr », finit-elle par soupirer. « Le taux de fécondité en France est de deux, car il faut être deux pour faire un enfant. Mais on peut aussi être trois ou quatre... », bafouille à son tour une jeune fille totalement paniquée. Ah ! le bac, période d'angoisse et d'émotion. Cela fait tellement de bien d'en rire ! Continuons pour le plaisir : « Qui était Galilée ? Un inventeur célèbre. Avant lui la Terre, heu... elle tournait pas ». « Et l'effet de serre ? » Fastoche ! « C'est la couche d'ozone. Vu qu'il y a plus de soleil, les glaciers fondent plus facilement, et toutes les villes près de la mer, la Normandie, Bastia et Genève, sont submergées par la mer. Mais, en même temps, c'est pas un problème car comme il y a beaucoup de chômage... » Au total 6 petits films de 15secondes, plus vrais que nature, ont été diffusés sur Internet en mai et juin 2006. Une opération menée par les stylos bille Bic qui, à la veille des examens, donnent un conseil d'ami aux candidats au bac : « Assure au moins à l'écrit ». Orchestrée par l'agence Loadings, cette campagne a, pour sa part, brillamment passé ses examens : elle a obtenu un prix dans la catégorie marketing relationnel en ligne et la récompense suprême, le Trophée Stratégies du marketing des jeunes 2007. Le jury a été conquis par « la simplicité, la justesse de ton et l'humour ». « Cette campagne démontre qu'une idée forte scénarisée de la manière la plus simple qui soit - deux acteurs, un plan-séquence, caméra à l'épaule- se suffit à elle-même », note le juré Jean-Baptiste Géraud, « country manager France » de Sulake.

À l'origine, un simple test

Et dire que ces films ont failli rester au fond d'un carton ! L'idée d'associer un fabricant de stylos aux perles du bac vient de deux créatifs, le concepteur-rédacteur Fred Gallier et le directeur artistique Alain Montel, fondateurs de La Petite Agence dans la prairie. Ils en confient la réalisation à Bruno Vaussenat, de Piment bleu, producteur de spots radio et réalisateur de courts-métrages. « J'ai organisé un contre-casting, raconte ce dernier. Je ne voulais pas de comédiens, alors j'ai fait appel aux enfants de copains et j'ai choisi les plus mauvais. Je ne voulais qu'une seule prise pour être vrai. Comme les jeunes récitaient trop leur texte, je les ai mis en situation de stress, les obligeant à improviser. » En quelques heures, c'est dans la boîte... et cela y restera pendant deux ans. Une marque, approchée à l'époque, décline la proposition. Le temps passe. Bruno Vaussenat rencontre alors l'équipe de Loadings, une société de conseil et de production audiovisuelle spécialisée dans le Web. « En découvrant ces pépites inexploitées, nous avons aussitôt pensé à Bic », se souvient Guillaume Blanvillain, directeur associé de l'agence. Dès lors, La Petite Agence dans la prairie trouve le slogan et conçoit la charte graphique du minisite assuralecrit.com, tandis que Loadings met sur pied le plan médias du buzz : bannières vidéo, e-mailing à une base de données du réseau Skyblog, publication progressive sur trois semaines des films sur assuralecrit.com et sur les sites de partage de vidéos.
Quand elle reçoit le projet clés en main, Claire ­Gérard, chargée de la communication du groupe Bic, n'hésite pas : « Il collait parfaitement à l'esprit Bic, à notre humour. Nous n'avions encore jamais testé le marketing viral, et nous sortions le stylo Cristal encre gel en 2006. » Même réaction chez Bic France, même si la communication sur les stylos bille (marché sur lequel la marque est leader) n'est pas la priorité, les efforts portant d'abord sur les rasoirs et les produits pour enfants. « Nous n'avons pas un gros budget de communication sur les stylos, confirme Camille Pinçon, chef de marché papeterie de Bic France. Mais c'est vrai que nous n'avions pas pris la parole depuis six ans, que les produits sans marque progressent et que nous avons un léger déficit sur le public ado. Cette opération Internet inédite était une belle occasion de redonner de la visibilité à la marque. » Et à un moindre coût.
Les résultats vont dépasser les prévisions : entre le 15 mai et le 22 juin 2006, ­assuralecrit.­­com comptabilise 160 000 visiteurs uniques et 42 000téléchargements - on monte à 500 000 sur les sites de partage de vidéos après trois mois. Quelque 12 000 internautes s'inscrivent pour recevoir les nouveaux films, et le millier de stylos Cristal gel trouve preneurs dès 8 heures le premier jour de la mise en ligne. « Cela nous confère une image dynamique vis-à-vis de la cible et de la distribution », commente Camille Pinçon.
Sur les forums, des jeunes se demandent si les vidéos sont authentiques. Il faut dire que les films de Bruno Vaussenat, présentés à l'état de maquette à Bic, ont été diffusés tels quels. Pour Benoît Marrotte, directeur général adjoint du groupe Bic, chargé de la division papeterie, il n'était pas question de les retoucher. « Il s'agissait pour nous d'un test, explique-t-il. Nous voulions quelque chose de simple, de vrai et de sympathique pour comprendre comment les internautes s'approprient ce type d'action. Nous n'étions pas dans une démarche commerciale. » Pas de kit collaboratif donc, avec son lot de jeux-concours et autres blogs. Tel n'était pas l'objectif - du moins pas encore. Mais la marque apprend vite, et sa campagne interactive pour les rasoirs trois lames lancée en janvier annonce d'autres projets, très Web 2.0, eux. Palmarès complet