Les chiffres clés de la presse en 2006

Description

La presse écrite affiche encore en 2006 une lente mais sûre érosion dans sa version papier. Avec un recul supérieur à 2 %, comme en 2005, selon l'OJD, journaux et magazines grand public payants sont en passe de retrouver le niveau global de diffusion qui était le leur il y a dix ans. Une baisse qui frappe par sa constance et qui affecte désormais tant la presse quotidienne (- 1,5 %) que la presse magazine (- 2,9 %). Concurrencés par les portails Internet, les magazines ont perdu leur suprématie en matière d'offre thématique. Chaque passion trouve aujourd'hui son fournisseur sur le Web. Les nouvelles technologies permettent non seulement de consulter une offre extrêmement riche mais aussi de produire des contenus interactifs et de les partager avec une communauté d'internautes.
Crise de la presse ? « La baisse affecte la vente au numéro, qui perd 10 % en 10 ans, mais elle est aussi proportionnelle à la chute des points de vente, qui est de 15 % sur 10 ans », modère ­Patrick Bartement, directeur général de l'OJD. Conséquence : si les abonnements et les portages font de la résistance, 17 familles éditoriales sont en recul, parfois même en chute libre (- 28,6 % pour la presse masculine). Seuls les news magazines (+1,3 %), les magazines économiques (+3,5 %), la presse people (+3,3 %) et, dans une moindre mesure, la presse décoration (+0,6 %) ont tiré leur épingle du jeu. Sans compter la presse gratuite dont la mise en distribution a encore progressé de 21,5 % en 2006.
Ainsi, le constat s'impose peu à peu que l'avenir de la presse n'est plus dans le seul support papier mais dans le déploiement de ses marques éditoriales. Celles du Monde, de L'Équipe ou du Figaro génèrent à présent plus de 2 millions de visiteurs uniques mensuels sur Internet. Voici le bilan de santé des principaux segments de presse.

Quotidiens nationaux: - 1,3 %

Les années se suivent et se ressemblent pour une presse quotidienne nationale qui a du mal à reconquérir des lecteurs. Les plus mal lotis sont Libération et France Soir. Après le départ du fondateur Serge July et la fin du plan de départs volontaires qui a conduit 150 personnes à quitter le journal en 18 mois, Libé voit sa diffusion France payée chuter de 7,1 %, pour s'élever à 127 229 exemplaires en 2006. Au premier trimestre 2007, le titre a vu ses ventes frémir, une nouvelle direction s'est mise en place sous la houlette de Laurent Joffrin et une nouvelle formule est prévue pour octobre. France Soir, lui, dégringole de 37,1 %.
À l'opposé de ces deux quotidiens en difficulté, Aujourd'hui en France/Le Parisien fanfaronne. En effet, le quotidien du groupe Amaury progresse de 8,1 % en diffusion, mais surtout il est bénéficiaire pour la première fois depuis 2000. L'autre quotidien du groupe est lui aussi en très bonne santé. L'Équipe reste en effet le premier quotidien français, avec 350 528 exemplaires et une progression de 2,8 %, grâce notamment au beau parcours des Bleus lors de la Coupe du monde de football.
Le Monde connaît quant à lui un nouvel effritement de sa diffusion (- 2,6 %). Le Figaro reste devant le quotidien du soir en diffusion France payée et contient sa baisse (- 0,9 %). L'Humanité parvient à se maintenir (+0,1 %). Du côté des quotidiens économiques, Les Échos se stabilisent (+0,3 %) tandis que La Tribune, malgré la nouvelle formule de septembre 2006, n'enraye pas (encore ?) la chute de sa diffusion (- 3,9 %). Le quotidien aurait perdu 18 millions d'euros en 2006.

Quotidiens régionaux: - 1,6 %

Malgré 17,6 millions de lecteurs par jour, la presse quotidienne régionale et départementale ne parvient pas à enrayer la diminution de sa diffusion. Avec une baisse de 1,6 % en moyenne sur l'année, la situation n'est donc pas rose pour les quotidiens locaux. Hormis Le Télégramme (+ 1,6 %), Le Courrier picard (+ 0,5 %), Le Courrier de l'Ouest (+ 0,8 %), La République des Pyrénées (+ 1 %) et Centre Presse Poitiers (+ 1,6%) les principaux autres titres stagnent ou s'effritent : Ouest-France (+ 0,1 %), Sud Ouest (- 0,9 %), La Voix du Nord (- 1,6 %), La Provence (- 2 %), Le Progrès (- 2,5 %), Nice Matin (- 3,3 %) ou encore Paris Normandie (- 6,2 %). Un bilan 2006 en demi-teinte, d'autant plus que La Voix du Nord et Nice Matin avaient lancé fin 2005 une nouvelle formule et qu'ils n'en tirent pas profit.
Certains quotidiens régionaux envisagent de se tourner vers Internet pour enrayer le vieillissement de leur lectorat. Sud Ouest va ainsi moderniser son site Web. Le Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) a de son côté commandé une étude sur les solutions envisagées en Europe par les titres équivalents. Elle révèle que nombre d'entre eux ont lancé des gratuits pour porter leur titre payant. La France n'échappe pas à la règle : son réseau Ville Plus, éditeur de quotidiens gratuits régionaux, est aujourd'hui présent à Paris, Lille, Bordeaux, Lyon, Marseille, Montpellier ainsi qu'en Bretagne.

News magazines: + 1,3 %

Signe de la vitalité démocratique de la France, les news magazines se portent plutôt bien et parviennent même à gagner des lecteurs. Le Nouvel Observateur résiste bien, à 512 659 exemplaires (+0,1 %). Le départ de Laurent Joffrin pour Libération et l'arrivée aux commandes de Guillaume Malaurie et Michel Labro n'ont pas déstabilisé la rédaction de L'Obs, qui a investi 50 000 euros sur le Web en lançant début 2007 sa télévision, Canal Obs. Pendant ce temps, Le Point poursuit son inexorable ascension (+ 3,1 %) et atteint 386 780exemplaires. L'hebdomadaire vient d'enrôler l'ex-journaliste d'investigation du Monde, Hervé Gattegno. Pour L'Express, 2006 a été une année de transition puisque Christophe Barbier a remplacé Denis Jeambar à sa tête et que les services ont été réorganisés. Christophe Barbier a opéré un léger lifting de la formule et a redynamisé le site Internet. Résultat, L'Express ne s'en sort pas trop mal (+ 0,3 %). D'autres news magazines enregistrent une progression (+ 0,5 % pour Le Monde 2, + 3,4 % pour Valeurs actuelles, + 2,4 % pour Courrier international). En revanche, Paris Match, qui a vu son directeur Alain Genestar être démis de ses fonctions, chute de manière significative (- 4,8 %), et la diffusion France payée de Télérama s'effrite (- 0,3 %).

Presse TV: - 2,8 %

Si les titres de la presse TV restent les vaches à lait de la presse magazine française, avec des diffusions colossales, comme les 4 520 801exemplaires du leader TV magazine ou les 1 741 733exemplaires de Télé Z, quasiment tous les titres, accusent une baisse en 2006. Sauf Télé Z (+ 1 %) et le quinzomadaire TV Grande Chaînes (+ 6,3 %). On est certes loin de la déflagration de 2004, année où Prisma Presse avait lancé ses deux quinzomadaires et où l'ensemble de la famille avait décroché (- 4,6 %). En 2006, les baisses de la diffusion s'échelonnent plutôt entre - 7 % pour Télé poche, malgré une nouvelle formule lancée en 2005 et - 0,9 % pour Télé magazine. Au total, la presse télévision baisse de 2,8 %, avec une répartition de la diffusion France payée qui se découpe comme suit : 483 435 858ventes en kiosques et 222 497 514 exemplaires sur abonnements. Hors suppléments de la presse quotidienne, TéléZ et Télé 7 jours (- 4,5 %) restent leaders.

Presse économique: + 3,5 %

Le grand gagnant est le magazine Challenges, qui vient de remporter le prix du magazine de l'année du Syndicat de la presse magazine et d'information (SPMI), dans le cadre de la Semaine de la presse magazine, du 23 au 27 avril dernier. Le titre économique du groupe Nouvel Observateur voit sa diffusion augmenter de 2,1 % en 2006, à 256 730 exemplaires. Mais la plus forte progression de cet OJD 2006, on la doit à Management, du groupe Prisma Presse, qui voit sa diffusion bondir de 25,8 %, à 108 257 exemplaires. L'an passé, le titre, qui a lancé sa nouvelle formule en 2004, avait déjà réalisé une remarquable performance (+ 30 %). Jean-Joël Gurviez, l'éditeur de Capital et de Management, précise d'ailleurs que les ventes en kiosques du mensuel ont doublé en 2006. Au final, la famille reste toujours aussi prospère et progresse de 3,5 %. Les meilleures ventes reviennent au Particulier (477 056 exemplaires, + 1,5 %), à Capital (368 130 exemplaires, + 1,1 %), ainsi qu'à Challenges (256 730 exemplaires, + 2,1 %) suivis de Mieux vivre votre argent (248 493 exemplaires, + 1,7 %) et de L'Expansion (160 514 exemplaires, + 0,2 %).

Presse Masculine: - 28,6 %

C'est la déconfiture pour les magazines masculins. Le classement OJD, qui fait état d'une baisse globale de 28,6 %, se réduit comme peau de chagrin faute de combattants : seuls 5 titres sont encore mesurés par l'organisme. La désaffection des lecteurs est patente : - 28,5 % pour Entrevue, - 11,5 % pour l'un des vétérans, Newlook, et - 6,8 % pour FHM après un an de nouvelle formule. La concurrence d'Internet, qui offre une multitude d'images sexy ou érotiques, y est sans doute pour beaucoup. Les masculins haut de gamme comme L'Optimum (50 886 exemplaires, + 6,2 %) ou Vogue hommes international (34 030 exemplaires, + 6,3 %) se portent en revanche comme un charme. On murmure d'ailleurs que Condé Nast pourrait prochainement lancer la version française du très chic masculin anglo-saxon GQ.

Presse Féminine: - 2,6 %

Légère baisse pour les féminins, dont les grosses pointures restent deux titres de Prisma Presse : Femme actuelle (1 094 917 exemplaires, - 5,9 %) et Prima (571 463 exemplaires, - 3,7 %). Parmi les progressions de l'année, signalons les féminins haut de gamme Isa (+ 17 %), Biba (+ 14,8 %) et Glamour (+ 12,4 %). On s'attendait à ce que Jasmin, l'hebdomadaire féminin lancé par Axel Ganz, taille des croupières au vénérable Elle. Il n'en a rien été : alors que Jasmin n'a pas atteint les 250 000 exemplaires espérés, avec des ventes moyennes autour de 150 000exemplaires, et a confié la refonte de sa maquette à Nathalie Baylaucq, Elle a profité de l'arrivée de ce rival en progressant de 2 %. De nouveaux lancements sont prévus sur le marché des hebdos féminins, dans lequel on ne trouvait jusqu'à 2006 que deux titres : Elle et Madame ­Figaro. Mondadori France préparerait une adaptation du magazine italien Grazia, dont la version britannique s'est rapidement imposée auprès d'un public de « fashion victims » CSP +. Et on attend toujours le féminin haut de gamme de Prisma Presse, en ­préparation.

Presse people: + 3,3 %

Proches des magazines féminins, les ­titres people restent à de hauts niveaux de diffusion. Voici, sacré magazine people de l'année par le SPMI, perd certes 6 % de sa diffusion France payée mais écoule 454 336 exemplaires chaque semaine. Grosses ventes aussi pour Closer (391 788exemplaires, - 2 %) et Public (365 896exemplaires, + 5,8 %). « Le marché de la presse people est analogue à celui de la barre chocolatée, résumait Stéphane Haitaian, éditeur de Closer, lors d'une table-ronde de la Semaine de la presse magazine. On dénombre beaucoup de très gros consommateurs, que cela ne dérange pas d'acheter tous les titres de la famille chaque semaine. » Des lectures compulsives et... addictives.

Presse décoration: + 0,6 %

Après avoir perdu 3,7 % en 2005, la presse déco a stabilisé sa diffusion en 2006 (+0,6 %) et reste une valeur sûre. L'intérêt des Français et surtout des Françaises pour leur petit intérieur ne se dément pas, comme le prouve le succès d'une émission comme D&Co sur M6. La plus forte progression sur ce segment de marché, on la doit au titre C'Déco (+42,4 %). En hausse également, le leader Détente jardin (+18,9 %) et Maison créative (+16,1 %), qui figure sur la troisième marche du podium.