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Vous avez revendu votre vieille guitare sur internet, opté pour le covoiturage pour votre trajet Paris-Lille ou échangé votre maison avec des étrangers durant l’été? Vous êtes donc adepte de la consommation collaborative.

Ce terme utilisé pour la première fois en 2007 n’a rien de nouveau: il désigne un mode de consommation où l’usage prédomine sur la propriété, où les consommateurs privilégient des formes alternatives à l’achat, le plus souvent en mutualisant les moyens. Comprendre par là troc, échange ou encore partage. Un phénomène pas vraiment récent donc, bien au contraire, mais qui a gagné en ampleur et en visibilité avec l’aide des plateformes numériques tout spécialement conçues.

Un phénomène auquel les think tanks Oui Share et Fing (Fondation internet nouvelle génération) ont décidé de consacrer en 2014 une «expédition»: Sharevolution. Programme de R&D, ce projet ambitionne d’éclairer et d’outiller les acteurs concernés par le phénomène. Dernièrement, Sharevolution a lancé l’enquête «Je partage! Et vous?», afin de se concentrer sur les usages, les motivations et les profils des consommateurs collaboratifs. Diffusée en ligne par Oui Share et la Fing durant trois mois, l’enquête a récolté 2 150 avis de consommateurs collaboratifs. Les résultats sont cependant à prendre avec précaution, l’échantillon n’étant pas représentatif de la population française: les cadres supérieurs urbains, âgés de 35 à 50 ans et adeptes quotidiens des réseaux sociaux y sont majoritaires.

La consommation collaborative, une tendance multifacette

Exit le troc sur les marchés de campagne ou l’hébergement chez une personne âgée contre présence, la consommation collaborative s’est diversifiée et digitalisée. «Je partage! Et vous?» s’est concentrée sur huit formes de partage: le covoiturage, l’hébergement chez l’habitant, la location de voitures entre particuliers, l’autopartage et le vélopartage, la vente d’objets entre particuliers, l’échange/don/location, les circuits courts collaboratifs et l’échange de services entre particuliers.

Sans grande surprise, c’est la vente d’objets entre particuliers qui est la plus prisée, avec 92% de pratiquants parmi les répondants. Parmi eux, près de la moitié (48%) utilisent à la fois les événements en direct (brocantes, vide-greniers) et les plateformes en ligne (E Bay, Le Bon Coin, etc.).

Moins encadré et moins officiel, l’échange/don/location entre particuliers a également la cote auprès des consommateurs, qui sont par exemple 83% à avoir déjà fait don à un particulier d’un objet dont ils n’avaient plus l’usage.

En troisième position (49%), l’hébergement chez l’habitant s’est popularisé ces dernières années, notamment avec l’essor des plateformes comme Airbnb, qui a d’ailleurs annoncé que Paris était sa première destination.

Le covoiturage est également très répandu, la principale motivation étant la recherche d’économies, et 47,4% des sondés s’y adonnent, dont 41% à la fois comme chauffeur et conducteur.

La vente d’objets entre particuliers et l’hébergement chez l’habitant sont par ailleurs en tête des pratiques multiples à 46%.

La consommation collaborative, motivations et freins

Quand on leur demande pourquoi ils pratiquent la consommation collaborative, les personnes interrogées citent en premier lieu (à 75%) la motivation économique, atout phare de ce mode de consommation. Cependant, les personnes interrogées restent lucides: 65% annoncent ne réaliser que des économies marginales, quand 51% déclarent n’en tirer aucun revenu supplémentaire. La majorité (46%) attend donc un complément d’argent restreint de la consommation collaborative, à savoir de 15 à 100 euros.

Bien évidemment, la quête de sens reste à la source de la démarche pour beaucoup de consommateurs, qui sont 74% à la citer comme motif. Car la consommation collaborative est avant tout une pratique responsable, dans le sens où elle privilégie la location et le prêt à l’achat, et solidaire parce qu’elle met en commun les ressources plutôt que de favoriser la propriété. Dans cette logique, les personnes pratiquant ou ayant pratiqué le bénévolat sont plus nombreuses à adopter ce mode de consommation.

A l’inverse, le principal frein à la consommation collaborative n’est pas forcément celui qui apparaît comme le plus évident. Les non-consommateurs ne préfèrent pas posséder plutôt que louer, mais sont plutôt freinés par le temps nécessaire à la recherche et à la transaction (67%).

Dis-moi comment tu consommes, je te dirai qui tu es

Au vu du panel étudié, comme évoqué en début d’article, il serait hasardeux de vouloir dresser le profil type du consommateur collaboratif. Cependant, on peut évoquer la surreprésentation d’une population urbaine âgée de 18 à 35 ans, ces paramètres s’expliquant par certaines pratiques plus répandues sur cette cible (comme l’autopartage et le covoiturage) ou l’utilisation des technologies numériques (beaucoup de plateformes étant en ligne).

La consommation collaborative, tout le monde n’y est donc pas sensible de la même façon. Sharevolution a élaboré à partir de cette enquête quatre profils de consommateurs collaboratifs, principalement basé sur leurs motivations:

- Les pragmatiques sont motivés avant tout par le caractère pratique de la consommation collaborative. L’exemple le plus concret est le recours au covoiturage, solution utilisée à la fois pour son avantage économique et pour sa facilité de déplacement. Ils ont toujours eu recours à la consommation collaborative, leur pratique n’a pas sensiblement évolué avec l’arrivée de plateformes numériques.
- Ce sont les convictions des engagés qui les ont amenés vers ce mode de consommation. L’écologie et la solidarité sont ainsi au centre de leurs motivations. Ils se positionnent autant comme offreurs que bénéficiaires (vendeurs et acheteurs, conducteurs et passagers) et sont plus nombreux à recourir aux circuits courts collaboratifs comme les Amap.
- Les comportements de consommation des opportunistes sont dictés par l’argent. Majoritairement jeunes (18-24 ans) avec un budget réduit, les opportunistes ne pratiquent pas des activités de consommation collaborative dont ils peuvent tirer des économies ou des revenus significatifs.
- Les sceptiques sont une catégorie un peu à part, puisqu’à la suite de mauvaises expériences, ils ont abandonné la consommation collaborative. Peu confiants envers les autres et réticents à la solidarité, il s’agit principalement de jeunes (18-24 ans) ou au contraire de personnes plus âgées (50-64 ans).

 

A travers cette enquête, Sharevolution confirme la place de l’économie collaborative dans les comportements des Français. Cependant, malgré l’angle annoncé, «Je partage! Et vous?» ne dit pas si et en quoi les plateformes numériques ont bouleversé ce mode de consommation.

Cependant, le digital représente une porte d’entrée pour les entreprises dans l’économie collaborative. L’enjeu est donc double: comment les marques vont-elles tirer profit de la consommation collaborative en ligne, à l’instar du succès d’Airbnb, mais aussi de quelle façon les entreprises traditionnelles peuvent y faire face, en témoignent les protestations des hôteliers qui considèrent le site de location entre particuliers comme une concurrence déloyale.

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