Ethnographie

«Ethnocentrisme (nom masculin): tendance à privilégier les normes et valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés», selon le dictionnaire Larousse. L’ethnocentrisme, c’est par exemple considérer que plus personne ne regarde la télévision, car «moi je ne regarde que des séries américaines en ligne». Des déclarations «brutales et excessives» pour Virginie Mary, déléguée générale du Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV), qui vient de réaliser une étude sur les styles de vie des professionnels de la communication par rapport au reste de la population baptisée «Gens de com/Gens normaux», avec l'Ifop. Virginie Mary met en garde: «Il ne faut pas que nous pensions que tout le monde agit comme nous. Arrêtons d’avoir des avis aussi tranchés qui ne concernent que nous.»

Car en vérité le média télévision se porte bien, tient à rappeler le SNPTV. Sur les 26,5 milliards d'euros investis en publicité en 2014, 24,9 étaient destinés au petit écran. Ces recettes publicitaires sont stables (+0,1% en 2014, selon l’Institut de recherches et d’études publicitaires), bien que la consommation de nouveaux formats liés au digital comme le streaming ou le replay explose. Des nouveaux modes de consommation par ailleurs très prisés des «Gens de com», qui pourtant persistent à croire que la télévision est délaissée. En réalité, explique Virginie Mary, «la façon de consommer la télévision évolue, mais plus rapidement chez les gens de com, qui sont toujours en avance». Et comme ils ont tendance à vivre entre eux (52% des Gens de com ont rencontré leurs amis dans le cadre professionnel), l’ethnocentrisme est de mise.

Démarche sociologique

Le titre de l'étude est volontairement accrocheur, voire un brin provocateur, car, comme le rappelle David Leclabart, directeur général de l’agence Australie, qui a signé la campagne de lancement de l'enquête (voir ci-dessous), «personne n’est normal». Car cette étude est en fait une démarche sociologique, inspirée des homologues britanniques du SNPTV, qui veut comprendre les différences de style de vie entre les acteurs de la communication et les personnes exerçant une activité en dehors de ce microcosme. Le but: confronter le style de vie des consommateurs français et de ceux qui font la communication qui leur est destinée. «Les professionnels de la communication doivent toujours se rappeler qui est l’audience», confirme David Leclabart.

Pour mener à bien cette vaste mission, 393 professionnels de la publicité, du marketing et de la communication ont été interrogés en ligne par l’Ifop fin août 2014 sur une trentaine d’items, afin de comparer les résultats à ceux d’un panel représentatif de la population française de 1009 personnes. Si certaines questions peuvent prêter à sourire (29% des gens normaux jardinent contre 9% des gens de com, ou 55% des gens de com ont fréquenté un restaurant japonais au cours du mois dernier contre 12% des gens normaux), elles n'en sont pas moins les témoins privilégiés de la relation au temps, aux autres et aux médias des deux populations cibles.

Horaires décalés

Parisiens, lève-tard, fêtards et accros aux réseaux sociaux, tous les clichés que l'on colle généralement aux gens de com ont été soumis à l’étude pour démêler le vrai du faux. Des idées reçues qui ne sont pas infondées. La journée type des gens de com? Ils ne se lèvent qu’à 8 heures du matin, soit deux heures après les Gens normaux. Et ne dînent qu'après 21 heures (32% des gens de com contre seulement 6% des gens normaux). Des journées rythmées par les rendez-vous professionnels: 32% des gens de com ont un déjeuner professionnel au moins une fois par semaine (5% pour les gens normaux) et poursuivent même leur activité en dehors des horaires de travail, puisque 51% des gens de com passent des soirées dans le cadre professionnel (7% pour les gens normaux).

Lorsque les gens de com rentrent chez eux, 79% sont à Paris ou sa région, alors que 81% des gens normaux vivent en province. Le fossé peut se décliner ainsi longtemps (voir tous les résultats), de la course à pied (pratiquée par 49% des gens de com contre 36% des gens normaux) à l’animal de compagnie (55% des gens normaux en ont un, contre 26% des gens de com), en passant par la tablette tactile (81% des gens de com en possèdent une, contre 48% des Gens normaux).

Finalement, sur au moins un point, l'enquête du SNPTV montre que les deux populations étudiées tombent d’accord: 84% des gens de com et des gens normaux pensent que la télévision est le loisir préféré des Français. CQFD.

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