Design sonore
Certains espaces publics font peur: parkings souterrains, stations de métro, tunnels d’aéroport... Comment les opérateurs peuvent-ils, avec l'ambiance sonore adaptée, diminuer l'angoisse des usagers?

On peut avoir peur de sa propre ombre. On peut aussi, au son de ses propres pas, sentir l’angoisse s’insinuer jusqu’aux tréfonds de ses entrailles… «Dans certains lieux comme les parkings souterrains, sans ambiance sonore, avec un néon qui grésille et le bruit de ses propres semelles qui résonnent, la sensation est anxiogène à son maximum», résume Alain Goudey, directeur associé de l’agence de marketing sonore Atoo Media, qui réalise notamment un baromètre des identités sonores.  

La sécurité a-t-elle un son? Si oui, quelle en est la traduction, voire la mélodie? Tel est le sens de l’étude qu’a menée le publicitaire, par ailleurs professeur associé de la Neoma Business School et chercheur associé à l’université Paris-Dauphine. «Les gares, les stations de métro, les parkings comportent une dimension anxiogène extrêmement forte. Ce qui entraîne une perte de business: on va être tenté de les éviter autant que faire se peut», constate Alain Goudey.

La musique classique trop froide

Protocole: grâce à des données collectées in vivo dans un parking souterrain à Paris et à quatre expérimentations en laboratoire, les chercheurs ont étudié les effets de différentes ambiances sonores sur les sentiments et les comportements des utilisateurs d’un parking et d’une station de métro.

Première constatation: la musique classique, si elle adoucit les mœurs, n’apaise pas la peur. Que les cohortes de dentistes qui l’ont élue comme fond d’ambiance de leurs cabinets le sachent une bonne fois pour toutes: «Ce type de musique instrumentale est perçue comme trop froide, crée de la distance», souligne Alain Goudey.

Attention aux oiseaux

Serait-il préférable de jouer la carte bucolique, comme les classiques chants d’oiseaux? Mais les trilles des volatiles peuvent faire basculer à tout moment dans l’ambiance horrifique des Oiseaux de Hitchcock… «Ce n’est pas forcément le meilleur choix, avertit Alain Goudey. D’une part parce que les pépiements manquent de cohérence avec les lieux. D’autre part, parce qu’ils peuvent en renforcer l’aspect anxiogène en donnant l’impression qu’ils sont peuplés de vrais oiseaux…» Facétieux, les chercheurs ont également testé «les cris d’aigle» en milieu urbain: «Ils renforcent évidemment l’anxiété des passants, tous comme les cris de corbeau», remarque le chercheur. Ah bon?

Finalement, ce qui fonctionne le mieux en milieu bétonné, souterrain et hostile, c’est la présence humaine, pour reprendre le titre d’un album de Michel Houellebecq. «La musique avec voix, comme les chansons de variété, augmentent fortement le sentiment de présence et font diminuer le stress.»

En définitive, conclut Alain Goudey, rien ne vaut les voix, qui à elles seules rassurent, incarnent, réchauffent. En 1958, l’opéra créé par Jean Cocteau et Francis Poulenc ne s’intitulait-il pas… La Voix humaine ?

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