Maillon faible du développement durable, le commerce équitable, dont la dixième Quinzaine aura lieu du 8 au 23 mai en France – dans la foulée de l'examen par les députés de la loi Grenelle 2 –, ne suscite pas le même intérêt auprès des consommateurs que la protection de l'environnement ou les produits biologiques. Bien que sa notoriété soit en constante hausse (de 9% en 2000 à 95% en 2009, selon Ipsos), les ventes «équitables» représentent moins de 0,1% du commerce mondial, selon l'organisation américaine Fair Trade Federation.
Les raisons de ce relatif désintérêt? Des produits encore difficiles à trouver et trop chers, sans compter une confusion dans l'esprit du consommateur due au foisonnement des marques et labels. D'après une enquête Ipsos de juin 2009, 57% des Français estiment qu'un manque de transparence pénalise le commerce équitable. Un tiers des sondés estimaient également que l'étiquette «commerce équitable» évoque le marketing et la publicité.
Toutefois, le principal label, Fair Trade-Max Haavelar, a vu ses ventes augmenter de 25% en 2009, selon une enquête du cabinet de conseil en développement et marketing durable Ethicity. D'après les chiffres publiés par la marque, 3 015 articles portaient l'an dernier le logo vert et bleu, contre 125 en 2001. Mais Fair Trade-Max Havelaar doit faire face à deux autres systèmes de certification du commerce équitable.
Pour mettre un peu d'ordre dans tout cela, le gouvernement a mis en place le 22 avril 2010 la Commission nationale pour le commerce équitable (CNCE), chargée d'identifier et de labéliser, sur la base d'un cahier des charges exigeant, les organismes commercialisant les produits équitables.
Malgré la crise, la consommation de produits du commerce équitable a poursuivi sa croissance à deux chiffres. Elle investit désormais tous les domaines, de l'alimentaire à l'artisanat. Selon une enquête Kantar publiée en 2010, plus d'un foyer sur trois en France a acheté au moins un produit labélisé Fairt Trade-Max Havelaar. En moyenne, ils font quatre achats de produits équitables et dépensent 15,90 euros dans l'année. Les deux tiers des ventes se font en grandes surfaces. Et 90% font confiance au label Fair Trade-Max Havelaar pour permettre d'améliorer les conditions de vente des producteurs. De plus, selon le baromètre 2008 réalisé par La Poste sur la relation des Français aux marques, 56% des personnes interrogées ont déjà changé de marque au profit d'une autre bénéficiant du label commerce équitable.
Les grandes marques percoivent cet intérêt de la population et se mettent donc au commerce équitable. Depuis le 2 mars, tous les cafés à base d'espresso servis dans les enseignes Starbucks en Europe sont labélisés Fair Trade-Max Havelaar. De son côté, la marque de crème glacée Ben & Jerry's a annoncé que d'ici à 2011, toutes ses glaces porteront le label. Cet engagement implique de convertir au commerce équitable onze ingrédients tels que le sucre, le cacao ou la vanille.
Cependant, le commerce équitable reste un marché de niche. Même le café, un des produits pourtant les plus avancés en la matière, ne réalise en France que 5% de ses ventes en commerce équitable.
Parole d'expert
Éric Mugnier, directeur associé du département environnement et développement durable chez Ernst & Young
«L'éducation du consommateur se fait progressivement et la notoriété d'une marque est longue et coûteuse à acquérir. Les grandes marques ont pris du retard car elles pensent souvent que si elles mettent en avant un produit équitable, on va les critiquer sur leurs autres produits. Le vrai dilemme dans l'esprit du consommateur vient plutôt du fait que les produits issus du commerce équitable viennent de loin et ne sont donc pas forcément bons pour l'environnement. Certaines personnes préfèrent également encourager l'emploi local. Il n'y a pas qu'une solution. C'est au consommateur de choisir, en mettant à sa disposition l'information nécessaire.»