Une crise qui s'éloigne, des clients plus exigeants, des moyens de communication et de distribution faisant la part belle aux médias numériques… L'Ifop a recueilli l'opinion des professionnels du luxe en exclusivité pour Stratégies.

«C'est le retour du printemps!» Stéphane Truchi, président de l'Ifop, porte la bonne nouvelle: «Les professionnels du luxe ont une perception positive de la sortie de crise.» C'est l'opinion qui se dégage en effet de l'étude «Luxury Trend Report 2010» réalisée par l'Ifop pour Stratégies, à l'occasion du Grand Prix Stratégies/Firstluxe.com du luxe.

«C'est la première fois que nous interrogeons les professionnels du luxe, côté agences et annonceurs, sur l'évolution de leur marché, précise Stéphane Truchi. Si un tiers d'entre eux ressentent encore les effets de la crise, les deux tiers des professionnels ont le sentiment que depuis le début de l'année, le marché renoue avec la croissance.» (voir ci-contre). Dans les marchés historiques du luxe (Europe, États-Unis et Japon), ce sont incontestablement les clients les plus fortunés, les catégories supérieures et les touristes qui ont contribué à ce regain. De facto, ce sont les produits de luxe et «ultraluxe», selon 70% des sondés, qui ont porté la croissance. On sait qu'en période de crise, ces produits sont des valeurs refuge. À contrario, ceux de milieu et d'entrée de gamme ont eu du mal à repartir en 2010.

La croissance est évidemment tirée par les pays émergents. Ainsi, en France, 80% de la profession considèrent que la clientèle chinoise a augmenté en 2010 (lire aussi notre article «Made for China», page 24), suivie par les touristes brésiliens (52%), les Russes et les Saoudiens. En revanche, des clientèles ont chuté. Ainsi, 43% des professionnels ont constaté la baisse des clients américains, contre 20% qui estiment qu'elle a progressé. Idem pour les touristes japonais: les professionnels sont plus nombreux (38%) à mesurer leur baisse de consommation que leur progression (20%). Quant aux clients français, il faut également moins compter sur eux: leurs dépenses dans le luxe ont progressé selon 20% de la profession, mais baissé pour 35% de celle-ci.

Au-delà des mers, les pays qui seront les plus générateurs de croissance à moyen terme sont évidemment la Chine (pour 83% des professionnels interrogés) qui est actuellement le deuxième marché mondial du luxe. Suivent le Brésil, l'Inde, puis les Émirats arabes unis. «La Russie, en cinquième position, a décroché à cause de la crise, ce qui modifie du coup la hiérarchie habituelle», commente Stéphane Truchi.

L'accès au luxe se diversifie

L'étude s'est également penchée sur les attentes des clients. Selon les directeurs de marques et autres responsables d'agences, les acheteurs du luxe sont aujourd'hui plus attentifs que par le passé à quatre critères constitutifs de la dimension luxe de la marque: le service en boutique (cité par 80% des professionnels), la conception écologique du produit et le respect du développement durable (pour 75% d'entre eux), le mode de fabrication, le savoir-faire et la présence sur Internet (à 70%). Le prix arrive en cinquième position, ce qui confirme que même chez les plus riches, c'est une donnée qui n'est pas négligée (selon 63% des professionnels), avant même la qualité du produit (60%), le pays de fabrication (55%) et le service après-vente (53%).

Du côté de la distribution, «l'accès au luxe se diversifie au profit d'Internet et du “smart shopping”, c'est-à-dire les achats malins et discount», note Marc Gicquel, directeur du pôle luxe de l'Ifop. Dans le détail, on constate que les grands magasins et les enseignes multimarques sont considérés par la profession comme des circuits en baisse, alors que ceux dits alternatifs, à savoir qui échappent aux marques comme les sites discount et de ventes privées sur le Internet, vont prendre de l'ampleur, tout comme les boutiques en ligne des marques.

Pour autant, interrogés sur le rôle du site Internet de la marque, les professionnels y voient avant tout un outil d'animation dynamique de la relation à la marque, un mode d'expression pour accroître sa notoriété, un outil de diffusion d'information sur son histoire, son expertise et ses nouveautés plutôt qu'un lieu de vente et de fidélisation. «Pour une marque de luxe, son site Internet est avant tout un outil relationnel, la vente y est secondaire», résume Stéphane Truchi.

Cette montée en puissance d'Internet se confirme sur le terrain de la communication. «La progression de la communication numérique se fait au détriment des médias traditionnels, qui se stabilisent, voire déclinent, poursuit le patron de l'Ifop. Les médias plus statiques, qui ne favorisent pas une nouvelle relation à la marque, sont en souffrance.» Le trio le plus fragilisé? Le cinéma, la presse et la télévision. Quant au mailing papier, il serait moribond, selon 75% des sondés. Le mécénat culturel et humanitaire reste des relais privilégiés (pour 52% des professionnels), à l'instar de l'événementiel ciblé clients qui, lui, a véritablement le vent en poupe (à 82%).

La profession est enfin unanime (à plus de 90%): les médias sociaux, les applications pour smartphones et autres Ipad, la communication sur Internet, le site Web de la marque, les liens sponsorisés sur les moteurs de recherche vont prendre, à moyen terme, une part de plus en plus importante dans les budgets de communication des marques de luxe.

 

Méthodologie

L'étude «Luxury Trend Report 2010» de l'Ifop a été réalisée en ligne, du 3 au 18 novembre 2010, sur invitation, auprès de 132 professionnels du luxe (direction, chef de marque, directeur marketing pour les annonceurs et responsables d'agences spécialisées dans le luxe pour la partie communication).

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