Stratégies publie en exclusivité les résultats de l'étude Isobar «Je te like, moi non plus» réalisée par Aegis Media Solutions, qui montre qu'«aimer» une marque est un signe d'affinité mais pas d'implication.

Porte d'entrée du Web social avec 24,5 millions de membres en France (soit 61% de pénétration chez les internautes), Facebook n'en finit pas d'interroger les responsables des marques et leurs agences, tant il est vrai que, cette plateforme étant avant tout un réseau de relations interpersonnelles, la question posée est bien celle de la place des marques et leur intégration dans ce nouvel écosystème. Comment les membres de Facebook interagissent avec les marques au sein du réseau est l'interrogation récurrente du moment. C'est aussi l'objet de l'étude «Je te like, moi non plus» réalisée par Aegis Media Solutions pour l'agence digitale Isobar en novembre 2011 (questionnaire en ligne auprès d'un échantillon de 1 396 personnes âgées de 15 à 59 ans) et présentée en exclusivité à Stratégies. L'intitulé lui-même révèle la complexité d'une relation à inventer.

«Avant même de prendre la mesure de cette relation avec les marques, nous avons voulu, à date, vérifier la réalité des rumeurs concernant Facebook et une forme de désaffection faisant redouter à certains un avenir à la Myspace, réseau pionnier et moribond aujourd'hui, indique Florence Trouche, présidente d'Isobar. Notre étude confirme qu'un tiers des membres français de Facebook estiment que leur fréquentation du réseau social est en baisse, soit en raison d'un sentiment de lassitude (58%), soit parce qu'ils trouvent le réseau moins utile (50%). Pour autant, Facebook reste incontournable.»

En effet, 84% des personnes interrogées déclarent que, si elles ne devaient conserver qu'un seul réseau social, ce serait Facebook, contre 2% seulement qui choisiraient Twitter. D'ailleurs, si les autres réseaux sociaux jouissent d'une bonne notoriété, leur taux de pénétration reste modeste sur le marché français: ainsi, 82% des sondés connaissent Twitter, mais seuls 11% en sont membres. Idem pour Google+, qui affiche 49% de notoriété et 7% de taux de pénétration. Des chiffres sans commune mesure avec les 95% de notoriété de Facebook et ses 68% de pénétration. L'usage est aussi soutenu: 42% des membres de Facebook se connectent plusieurs fois par jour (16% dès le réveil, et 11% y sont connectés en permanence) et 38% depuis leur smartphone. En moyenne, 54% des membres ont plus de 50 amis.

Quant à leurs relations avec les marques, l'étude d'Isobar révèle que 38% d'entre eux (environ 9 millions de personnes) ont déjà «liké» (aimé) une page de marque. La moyenne étant de cinq pages «likées». A noter que 34% des fans ont déjà recommandé une page de marque à un ami, que 42% font attention aux messages publiés par les marques dont leurs amis sont fans et que 17% se sont inscrits sur une page de marque via le flux d'un ami. Enfin, parmi ces «fans», 46% sont déjà clients de la marque, et 30% ne le sont pas, mais tous (91%) ne likent pas de marques concurrentes. «Facebook peut donc à la fois être utilisé comme un outil de fidélisation et de recrutement, souligne Florence Trouche. 21% des fans déjà clients disent acheter davantage la marque et 12% des fans non clients ont davantage envie de l'acheter.»

Combien de ces fans sont vraiment actifs? «Sur 24,5 millions de membres, 20%, ce qui représente tout de même 5 millions de personnes, disent suivre une marque sur Facebook France», répond Florence Trouche, qui ajoute: «Cela correspond à la moyenne de la conversation intersociale, sachant que 22% des sondés disent suivre une “fan page” d'émission télé et 23%, une “fan page” d'artiste.» Dans le détail, on apprend que parmi ces 5 millions qui suivent une marque, 1 million déclarent en avoir une meilleure opinion et 1,5 million, avoir le sentiment de mieux la recommander. «Ces tendances positives sont évidemment modestes, même si on ne note pas d'impact négatif à être fan d'une marque, poursuit-elle. En revanche, il n'y a clairement pas non plus d'implication!»

L'étude révèle en effet que 74% des fans n'ont pas changé d'opinion sur la marque, 79% n'ont pas modifié leur comportement d'achat et même que 80% des fans non clients n'ont pas envie d'acheter la marque. Ce qui fait dire à la présidente d'Isobar qu'«il n'y a pas d'effet levier immédiat sur Facebook mais un potentiel à faire bouger». Pour elle, l'enjeu est surtout de comprendre que le marketeur et l'individu n'ont pas la même définition du «like». «Si le bouton “Like” est un outil précieux pour les marques, sa signification est paradoxale, souligne Florence Trouche. Aimer une marque pour un fan n'est pas un facteur d'engagement, et donc ne veut pas dire être impliqué.» Son étude révèle d'ailleurs que 21% des membres de Facebook interrogés ayant déjà utilisé le bouton «Like» sur une page de marque disent en ignorer le sens exact. Et seulement 6% considèrent que «liker» une marque signifie s'engager à son égard, pour 60% qui n'y voient que le signe d'une certaine affinité.

L'étude Isobar confirme une tendance déjà observée: les personnes qui «likent» des pages de marque attendent à 74% quelque chose en retour. Avant tout, accéder à des réductions (55%) ou à des offres spéciales (44%). Certaines d'entre elles souhaitent donner leur avis sur la marque (25%), recommander une marque à leurs amis (21%), autoriser la marque à les contacter et à leur envoyer des informations (21%), pouvoir la contacter (11%) ou encore partager des informations la concernant avec leurs contacts (11%). Des attentes «relationnelles», dominées par une volonté d'être récompensés, écoutés et entendus. «C'est bien une relation individuelle qui est recherché et pas une relation communautaire, affirme la présidente d'Isobar. Les marques qui investiraient Facebook dans l'idée de construire une communauté de fans qui seraient en relation par l'intermédiaire de la marque semble utopique.» Seuls 5% des fans de marque considèrent que «liker» veut dire être en relation avec d'autres fans!

 

 

Trois questions à Florence Trouche, présidente d'Isobar

 

«Revaloriser Facebook dans un ecosystème digital élargi»

 

La course au «like», c'est fini?

Florence Trouche. Disons que, davantage que le nombre en croissance exponentielle de «like», c'est bien la qualité de la relation sur le long terme avec les internautes qui est à même d'améliorer la réputation d'une marque. Sur Facebook, deux algorithmes – Edge Rank et Graph Rank – déterminent aujourd'hui la hiérarchie des contenus proposés et donc leur visibilité pour les utilisateurs. Tous deux évaluent la pertinence des contenus publiés en fonction de l'historique d'interaction entre l'utilisateur et les marques dont il est fan. La régularité ne suffit pas à garantir la visibilité du message publié dans le fil d'actualité des membres des réseaux sociaux. D'ailleurs, 41% des fans de marque se sont déjà désabonnés d'une page, dont 44% parce que la marque publiait trop, 32% en raison d'un contenu manquant d'intérêt, et autant estimant ne rien recevoir de valable en échange. Les marques le savent, elle doivent passer d'une logique de fréquence d'intervention sur les réseaux sociaux à une véritable animation éditoriale davantage axée sur des contenus susceptibles de générer de l'engagement (commentaires, partages de contenu, etc.).

 

En décembre dernier, Starbucks a nommé une experte des médias sociaux de 29 ans, Clara Shihn, au sein de son comité exécutif. Que cela vous inspire-t-il?

F.T. C'est la preuve que l'enjeu est bien de revaloriser Facebook dans un écosystème digital élargi – que les marques doivent apprivoiser – et donc dans une stratégie globale de contact entre marques et consommateurs.

 

C'est-à-dire?

F.T. Il ne s'agit pas de «socialiser» une communication de marque mais une entreprise dans son intégralité. Selon notre étude, 16% des membres de Facebook en France «likent» sur un autre site que Facebook (site d'un media, d'une marque, etc.) et 70% visitent également les sites des marques dont ils suivent la page sur Facebook. De même, la connexion aux réseaux sociaux en situation de mobilité ou en parallèle de la télévision semble accroître le champ des possibles en termes de publicité: télévision «sociale», «social content» diffusable et partageable sur tous les écrans, etc. Près de 25% des membres de Facebook déclarent en effet l'utiliser en regardant la TV ou pendant leurs trajets.

 

Encadré

 

Duke manifeste pour le «dislike»

 

L'agence Duke (Vivaki-Publicis) lance un manifeste sur Internet intitulé «The Power of Dislike». Pour Stéphane Guerry, son directeur général, «permettre au consommateur d'exprimer un désaccord via un bouton “dislike” sur Facebook et “-1” sur Google+ serait le symbole d'un nouveau mode de relation plus riche, permettant d'accroître la valeur de la marque à terme». Ce dernier conseille également aux marques d'ouvrir leurs contenus «sans demander à être likées », rappelant qu'«on ne débute pas une conversation en demandant d'abord à être aimé, à l'instar de la nouvelle Timeline de Facebook, où l'internaute a la possibilité de ne pas liker la marque au préalable». Lire aussi entretien page 27 de notre supplément digital.

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