41% des inscrits n'ont pas été intéressés par la campagne des législatives

Abstention record: la Ve République n'a jamais connu d'élections législatives ayant aussi peu mobilisé, avec 42,77% des inscrits qui ne se sont pas rendus aux urnes le 10 juin, soit 3 points de plus qu'en 2007.

Un sondage Ipsos-Logica Business Consulting, réalisé à la veille du premier tour, montre, parmi ceux qui avaient l'intention de s'abstenir, une forte proportion de jeunes (deux tiers des moins de 25 ans) et de catégories populaires: 52% des employés et 49% des ouvriers ne comptaient pas voter, alors que ce chiffre n'atteignait que 29% pour les retraités.

Par ailleurs, les abstentionnistes déclarés se retrouvaient surtout chez les électeurs de François Bayrou et de Marine Le Pen (46%), beaucoup moins chez ceux de François Hollande (32%) et Nicolas Sarkozy (35%).

Autre étude, Harris Interactive avait testé l'appétence des Français pour les législatives, trouvant des résultats similaires: 82% des électeurs d'Eva Joly et 72% de ceux de Hollande se déclaraient intéressés par la campagne, contre 52% des électeurs de Bayrou et 45% de ceux de Le Pen. En moyenne, 41% des sondés manifestaient leur désintérêt, un chiffre qui s'approche de celui de l'abstention.

Pourquoi une telle désaffection? La première raison invoquée est celle du calendrier électoral: placées juste après la présidentielle depuis la réforme de 2001, les législatives sont devenues secondaires, comme une simple confirmation de la victoire suprême. Il faut dire aussi que le contexte de crise financière ne semble pas inciter les citoyens à la confiance envers les capacités des gouvernants à répondre à leurs attentes. Enfin, il est sans doute plus difficile pour les médias d'assurer un traitement national à 577 élections locales, surtout sous la contrainte réglementaire du CSA.

Peu d'enjeux donc, mais quelques raisons d'aller voter tout de même: «La première motivation est nationale, souligne Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion de Harris Interactive, il s'agit de soutenir ou non le gouvernement.» Donner une majorité au président nouvellement élu, 53% des personnes interrogées par Harris Interactive (pour LCP) à la veille du scrutin le souhaitaient. Ils étaient 26% à aspirer à une majorité absolue pour le PS, alors que 30% voulaient voir le parti s'allier au Front de gauche et à Europe Ecologie-Les Verts (EELV), et 43% au Modem.

Quant à l'envie d'une cohabitation, Jean-Daniel Lévy note qu'«elle a diminué au fil de la campagne». Il est intéressant de noter, dans l'enquête d'Ipsos, que 20% des sondés (37% parmi les électeurs Modem) déclaraient ne pas soutenir François Hollande mais considérer comme «préférable» qu'il obtienne une majorité à l'Assemblée.

L'entre-deux tours va-t-il encourager les électeurs à se mobiliser pour le 17 juin? Difficile à dire, d'autant que «l'abstention est toujours délicate à mesurer, explique Jean-Daniel Lévy, surtout en France où beaucoup plus de sondés déclarent vouloir aller voter qu'ils n'iront réellement». Mais l'inquiétude est de mise, car les deux précédents scrutins législatifs ont vu la participation baisser entre le premier et le second tour.

 

Avis d'expert

 

Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion de Harris Interactive

«La question est de savoir s'il existe ou non un enjeu: est-ce que mon vote va changer quelque chose? Le désintérêt relatif pour cette campagne s'explique par la volonté de respecter le processus démocratique, avec l'idée que les législatives ne servent qu'à donner corps à l'élection présidentielle, et par la bienveillance sans enthousiasme qu'a suscité la prise de fonction de François Hollande. Il faut aussi souligner que ni le PS ni l'UMP n'ont vraiment voulu faire campagne, par peur d'échouer à remobiliser.»

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