Qu’est-ce qui nourrit l’influence des marques aux yeux des consommateurs français? Au premier chef, leur capacité à innover. C'est ce que montre la deuxième édition de l'étude Ipsos «Most Influential Brands» présentée en exclusivité dans Stratégies.

Elles suscitent notre intérêt, orientent nos habitudes au quotidien, inspirent nos actions, accompagnent nos comportements, et pourquoi pas notre jugement. Ces marques à fort impact sur notre vie, l'institut Ipsos a pris depuis deux ans l'initiative d'en mesurer l'influence. La deuxième édition de son étude «Most Influential Brands» livre ainsi une photographie précieuse de la relation réelle, tangible, quotidienne, entre les Français et une centaine de marques globales et nationales.

Premier constat – somme toute assez logique –, la livraison 2014 est assez proche, dans le haut de classement, des résultats publiés en 2013. Globalisation et patrimoine, pourrait-on résumer pour décrire la cohabitation au sein du Top 10 entre marques globales à forte dominante technologique (Google, Apple) et grands labels nationaux (La Poste, E.Leclerc).
Avec un leader qui confirme son statut de champion toutes catégories de l'influence: Google. Il est suivi par Apple, qui remonte de deux places par rapport à 2013, et de Microsoft, qui conserve son troisième rang. A noter le recul d'E.Leclerc, deuxième du classement l'année dernière, qui régresse en 8e position, et la progression de La Poste, qui passe de la 10e à la 4e place.

Deux marques font leur entrée parmi les dix premières de cette seconde vague: Samsung, qui s'octroit la 9e place (11e en 2013) et surtout Amazon, qui s'installe au 6e rang alors qu'il occupait la 19e en 2013. Cette édition 2014 voit également deux sorties du Top 10: Décathlon, 7e en 2013, recule à la 13e place et EDF passe de la 5e à la 11e position.

Comme dans la première édition de son étude, Ipsos identifie cinq grands leviers d'influence: la présence (visibilité, couverture), la capacité d'innovation (disruption, tendances, leadership), l'interaction (occasions de connexion, au-delà du seul point de vente), l'affinitaire (valeurs, identification), la confiance (fiabilité, recommandation).

Au-delà du classement factuel, l'analyse des résultats, toutes marques confondues, montre que l'influence se nourrit en priorité de trois leviers: capacité d'innovation, confiance et interaction, respectivement créditées de 32, 27 et 26 points dans la construction de l'influence des marques présentes dans le Top 10. Loin derrière, la présence et l'affinitaire, dont les notes stagnent à 8 et 7.

Si la ventilation de l'influence sur les cinq leviers ne se trouve pas fondamentalement modifiée d'une année sur l'autre, elle révèle toutefois une montée en puissance de l'innovation (+10 points). Tout comme en 2013, mais de manière plus affirmée encore, c'est la capacité à créer des ruptures au bénéfice du plus grand nombre qui fait la différence.

Corollaire de la prégnance de l'innovation dans l'influence des marques: la prévalence en haut de classement de labels à très forte identité technologique, «naturellement» innovants. Non seulement le trio de tête apparaît à lui seul comme un plaidoyer pour l'innovation, mais il creuse l'écart avec les autres marques: en 2014, les index globaux d'influence de Google (423), Apple (302), et Microsoft (285) gagnent respectivement 28, 63 et 40 points.

Apple cumule les premières places sur trois items d'innovation («est innovante», «est en avance sur son temps», «a modifié pour toujours le paysage des consommateurs») et sur trois items de leadership («crée de nouvelles tendances», «domine ses concurrents», «est un exemple pour d'autres marques»). Google se distingue également sur ces registres de leadership et d'innovation.

Les déterminants d'innovation sont en revanche moins fortement présents dans le cas de Microsoft, numéro trois du classement global derrière Google et Apple. Au vu des dix items qui la qualifient en priorité, la marque semble rassurer les consommateurs. Trois items de confiance sont même en hausse par rapport à 2013: «est une référence sûre», «continue de s'améliorer», «est fiable». Microsoft émerge également pour les indicateurs de présence: «est utilisé par la plupart de mes amis et des membres de ma famille», «je l'achète ou je l'utilise aujourd'hui». Sept marques du Top 10 construisent principalement leur influence sur cette dimension d'innovation: Ikea (avec un score d'innovation de 42), Apple (41), Google (37), Microsoft (35), Amazon (35), Samsung (32) et devant toutes celles-ci Facebook, crédité d'un score d'innovation de 61, contre 44 l'année dernière.

Entreprise de l'Internet, Facebook s'adapte en permanence aux évolutions des technologies numériques et digitales. Et quand elle ne sait pas faire, elle rachète ceux qui savent. Mais sa capacité d'innovation tient sans doute davantage à l'invention d'un écosystème révolutionnaire de communication, devenu central dans le quotidien de ses utilisateurs.

«En France, 18 millions de personnes se connectent quotidiennement, en moyenne quatorze fois par jour, notamment grâce au mobile. Facebook est un média universel, que chacun peut utiliser comme il l'entend et contacter qui il veut – amis, groupes, marques, institutions – gratuitement ET partout où il veut. C'est unique», argumente Michelle Gilbert, directrice de la communication de Facebook France.

Combinaison confiance-innovation

L'innovation permet d'évidence à certaines marques de gagner des places dans le classement. C'est le cas d'Amazon, qui se propulse en un an de la 19e à la 6e place. Alors qu'en 2013, l'influence de la marque était d'abord portée par la confiance, elle tient cette année en priorité à sa capacité d'innovation, notamment à créer de besoins («m'a fait découvrir quelque chose dont je ne pensais pas avoir besoin»). «Nous inventons en permanence des services, uniques ou copiés, qui transforment le rapport des consommateurs à l'acte d'achat: avis des internautes, place de marché B to C, Auto Rip, service Premium…», avance Romain Voog, PDG d'Amazon France. La capacité de l'enseigne à diversifier très fortement son offre dans un temps record explique-t-elle cette montée en influence? Le site marchand, qui s'est lancé avec les produits culturels, propose aujourd'hui vingt-huit boutiques. Si l'on en croie le classement d'Ipsos, Amazon devient aux yeux des consommateurs français la plus influente des marques de grande distribution. Dans le même temps – un effet de ciseaux? –, E.Leclerc recule, de la 2e à la 8e position.

Le Top 10 de l'étude «Most Influential Brands» montre également qu'innovation et confiance fonctionnent bien ensemble. L'équilibre est particulièrement flagrant pour Microsoft et Visa, qui obtiennent des scores très proches sur les deux leviers.

Leader du marché européen avec plus de 34 milliards de transactions annuelles (dont 15 milliards traitées par Visa), la marque a acquis une légitimité dans son rôle d'éclaireur du paiement sans contact par carte et par mobile ainsi que de celui par portefeuille numérique. «Visa a toujours misé sur l'innovation et la confiance: plusieurs centaines de milliers d'euros ont été récemment investis, à l'échelle européenne, dans la recherche et développement [R&D] concernant les nouvelles technologies de paiement. Depuis 2007, nos campagnes de marque jouent sur la mobilisation des nouvelles technologies au service de paiements facilités», souligne Charlotte Desbons, directrice marketing et communication de Visa Europe France.

Même satisfecit chez Amazon France. «Depuis quatorze ans, nous mettons innovation et confiance au cœur de la stratégie de la marque. Cette logique n'a pas changé d'un pouce au fil de années. Elle repose sur une offre unique en termes d'étendue, de prix et de services associés. Ce qui, avec 107 millions de références, devient une vraie prouesse technologique», explique Romain Voog.

Cette combinaison confiance-innovation est souvent une priorité pour les départements marketing et communication. A la 13e place dans l'étude Ispos, Décathlon fonde, comme l'année dernière, son influence sur l'équilibre des deux leviers. «Décathlon est à la fois distributeur et fabricant, ce qui lui permet de jouer pleinement sur l'innovation et la confiance. Nous contrôlons la cohérence de notre modèle, depuis les ateliers du département de R&D à Lille jusqu'à la relation client en magasin ou à distance», explique Xavier Rivoire, directeur de la communication externe.

Pour être récurrent, ce diptyque ne fonctionne pas partout. Le record de l'incompatibilité étant décerné à Facebook. Des cent marques référencées par Ipsos, le réseau social est à la fois le champion toutes catégorie en matière d'innovation et le seul à recueillir un score nul en matière de confiance. Les critiques réitérées à l'encontre de la plateforme sur le terrain de la protection des données personnelles y sont sans doute pour beaucoup.

La confiance, 2e levier d'influence pour les Français

Autre exemple d'écart – quoique bien moindre – entre innovation et confiance: La Poste. Seule marque du Top 100 avec Evian (en 60e position) à dépasser un score de 50 pour la dimension de confiance, La Poste obtient (après E.Leclerc) la plus mauvaise note du Top 10 en matière d'innovation. «L'étude d'Ipsos montre que ce qui porte l'influence des marques, c'est l'innovation. Il nous faut donc progresser sur ce terrain. C'est d'ailleurs tout le sens du plan stratégique qui a été arrêté en février dernier. L'entreprise va travailler à l'invention de nouveaux métiers, à l'ouverture de nouveaux territoires et à la création de nouveaux services», explique Claire Gallaccio, directrice de la stratégie, des études et des projets.

Comme EDF ou GDF, La Poste construit essentiellement son influence sur un pilier: la confiance. La marque «inspire un sentiment de fierté française» et apparaît comme «une référence sûre» que l'on «est prêt à défendre». «Nous investissons ce territoire de la confiance depuis dix ans, cela finit par payer. Ces résultats corroborent les enseignements de nos études internes. Soixante-dix pour cent des Français nous accordent leur confiance. Ce qui s'avère plutôt satisfaisant dans un contexte où une personne sur deux n'a pas confiance dans les grandes entreprises», poursuit Claire Gallaccio.

De manière globale, la dimension de confiance apparaît dans l'étude d'Ipsos comme le deuxième levier d'influence des marques aux yeux des Français. «Dans les périodes difficiles, les gens ont plus que jamais besoin de valeurs sûres», rappelle Claire Dorland-Clauzel, directrice de la communication et des marques et membre du comité exécutif du groupe Michelin. La marque de pneumatiques réalise une ascension spectaculaire dans le classement, bondissant de la 54e à la 15e place. Pilier de cette performance: la confiance, avec un score de 41 (28 pour l'innovation). «La confiance a toujours été une valeur centrale pour Michelin. Le pneu est un produit très technique et mal connu, si ce n'est des professionnels. La confiance doit donc se nourrir en permanence. Les outils de conversation sont ici très intéressants. Nous avons beaucoup investi dans le numérique, qui représente 40% de nos investissements médias: sites Web, réseaux sociaux, applis mobile. Une telle présence sur les canaux digitaux est unique dans notre marché», explique Claire Dorland-Clauzel.

L'étude «Most Influential Brands» d'Ipsos montre que la force des marques tient à leur capacité à créer et à entretenir une relation de fonctionnalité avec les consommateurs. C'est pourquoi, au-delà des dimensions qui la composent, leur influence renvoie à des univers éminemment structurants de notre vie quotidienne, bien au-delà du «j'aime/j'aime pas».

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