Big data
Monnayer les data ou mieux les exploiter en les partageant. Voilà deux des grandes tendances du big data identifiées en 2015 par le cabinet Deloitte.

L’exploitation des données est plus que jamais cruciale pour les entreprises. Celles-ci doivent en effet gérer d’un côté l’infobésité – qui les submerge de données venues de leurs technologies, de leurs clients, des réseaux sociaux – et de l’autre, la crise, qui les oblige à trouver de nouvelles sources de revenus. C’est ce qui ressort d’une étude Deloitte sur les grandes tendances 2015 du big data. « Ce sujet fascine les grandes entreprises et elles s’organisent pour le prendre en main, même si peu d’entre elles ont dépassé le stade de l’expérimentation », reconnaît Reda Gomery, associé responsable data & analytics du cabinet conseil. De fait, Safran a mis sur pied en janvier une entité Analytics dédiée à la science des données. Et Axa a créé son Data lab pour mieux exploiter les informations de ses assurés. Dans ce contexte, les outils de datavisualisation qui facilitent leur exploitation ont le vent en poupe. Les sociétés structurent également leur gouvernance en adoptant des chartes ou en nommant un chief data officer. Deux sujets les occupent particulièrement : la monétisation et le partage des données.

Côté monétisation, les entreprises espèrent enfin raffiner ces data comparées au pétrole du XXIe siècle pour en vendre de pleins barils. Sur ce terrain, les télécoms et les banques avancent en pionniers : « Ils ont lancé des pilotes et vendront bientôt leurs données sous forme d’études et d’analyses à des tiers », indique Reda Gomery. Ainsi, à partir des paiements réalisés par les porteurs de carte, les banques peuvent proposer aux commerçants des indicateurs sur leur activité et des conseils à l’installation d’un point de vente sur une zone donnée. Les fabricants de terminaux de paiement explorent eux aussi cette voie. Quant aux opérateurs téléphoniques, ils connaissent quasiment en temps réel la localisation de leurs abonnés. De quoi proposer aux acteurs du transport des outils de mesure et d’analyse sur l’absorption de leurs usagers par le réseau. Un service précieux en cas de grève ou de dysfonctionnement. Mouloud Dey, directeur des solutions et marchés émergents de l’éditeur de logiciels SAS, rapporte qu’au Royaume-Uni, « les trois premiers opérateurs télécom ont monté une joint-venture afin de partager leurs informations et les revendre à des distributeurs, des banques et des annonceurs. »

« Ces services se déploieront progressivement dans les deux prochaines années. Certaines sociétés commencent même à nommer des responsables data monetization », précise l'expert de Deloitte. Quid de la réglementation et du respect de la vie privée ? « Dès lors qu’elles vendent ou partagent les données de leurs clients à des tiers, les entreprises doivent les rendre anonymes », rassure Mouloud Dey. La multiplication des objets connectés pourrait donner un coup d’accélérateur au marché de la monétisation : les assureurs adapteront leurs tarifs à votre conduite grâce aux voitures connectées. Et EDF vous vendra des indicateurs pour améliorer votre consommation sur la foi de ses compteurs intelligents.

Mais les entreprises ne sont pas les seules à vouloir transformer la data en lingots. « Les particuliers ont pris conscience de la valeur de leurs données personnelles. Ils réclament aujourd’hui un partage plus équitable », explique Christian-François Viala, cofondateur du site Yes Profile. Ainsi, selon une enquête Orange, les consommateurs estiment la valeur de leurs données personnelles à 170 euros. Certains, encore rares, s’inscrivent sur des plateformes où ils vendent directement ces informations à des marques. Telle Yes Profile, créée en 2011. Elle compte une quarantaine d’entreprises partenaires, dont la Société Générale et les Galeries Lafayette. Aujourd’hui, ses membres – moins de 150 000 – ne récoltent que 3 à 5 euros par mois, mais Christian-François Viala espère leur en faire empocher une quarantaine en 2017, à raison de 15 centimes d’euros par marque et par jour pour une simple adresse mail.

Autre grand sujet de 2015 : le partage des données, comme dans le cas des télécoms britanniques. « De nouveaux écosystèmes apparaissent, qui permettent à des partenaires de co-innover », ajoute Reda Gomery. La SNCF a, de son côté, créé un site pour partager ses données et nommé un responsable open data en 2013. Et la régie de données DatAct, portée par une quarantaine de marques, dont Bosch, La Poste, Renault ou Orange, prône l’innovation par le partage pour notamment coproduire des services urbains connectant les territoires.

Les entreprises commencent aussi à faire appel à des plateformes comme Kaggle.com aux Etats-Unis et Datascience.net en France pour organiser des « data challenges », des compétitions où s’affrontent des data scientists autour de leurs problématiques. « Elles viennent dans une démarche d’innovation et de recrutement », décrypte Arnaud Laroche, le responsable de la plateforme française, lancée par le cabinet Bluestone et l’école de stat Ensai, et qui compte 2000 contributeurs. En mai 2014, Axa leur a ainsi demandé de prédire les comportements de ses clients en fonction de l'évolution du contexte économique (évolution des taux, prix de l'immobilier…) pour mieux orchestrer ses actions de marketing. Avec, à la clé, 10 000 euros pour le vainqueur. La SNCF, l’Insee et GDF-Suez ont également organisé leurs data challenges. L’ouverture des données répond à un enjeu de communication : « La marque soigne sa réputation en montrant qu’elle joue la transparence », résume Reda Gomery.

L’Etat et les collectivités locales ne sont pas en reste : « Elles adoptent des approches collaboratives pour dynamiser leur territoire ou améliorer la qualité de leurs services », analyse l'associé de Deloitte. Ainsi, l’Etat a créé en 2011 l’organisation Etalab, qui accompagne les administrations dans l’ouverture de leurs données publiques et gère le portail data.gouv.fr, qui réunit plusieurs milliers de jeux de données. Depuis février, il propose une nouveauté : la Damir, la base de données de santé gérée par l’assurance maladie. Chaque année, elle est alimentée par 1,2 milliard de feuilles de soin, 500 millions d’actes médicaux et 11 millions d’hospitalisation. Les data scientists ne vont pas chômer.

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