Mobile
La révolution mobile est annoncée depuis des années. La voilà qui prend corps. Principales portes d’accès au royaume du digital, les smartphones et tablettes riment avec temps réel, géolocalisation et captation de données. De quoi réinventer l’expérience client et la publicité en ligne.

Le mobile représente désormais 35% du temps passé par les Français sur les écrans. Chaque jour, il grignote du terrain sur les autres médias off et online. Et ça n’est pas fini. En 2014, il se sera vendu plus de 18 millions de smartphones en France, soit 15% de plus que l’année précédente. « En l’espace de deux ans, nous avons pu constater la fulgurante évolution des usages de la mobilité et le basculement dans l’ère du mobile first », lance Renaud Ménérat, président de UserADgents et président de la Mobile Marketing Association France.

« Mobile first ». Le mot est lâché. « Le mobile va remettre en cause les modèles économiques de nombreuses industries. Les médias bien sûr, qui ont déjà bien entamé leur transformation mobile, mais aussi des secteurs plus traditionnels comme la santé, les transports ou l’assurance », avance Thomas Husson, vice-président du cabinet d'études Forrester.

Le mobile offre également de nouvelles perspectives au m-commerce. Alors qu’Auchan va généraliser cette année le m-paiement dans ses enseignes, Deloitte prévoit qu’en 2015, 10% des smartphones dans le monde serviront à régler des achats en magasin au moins une fois par mois, ce qui représente une augmentation de plus de 1000 % par rapport à 2014. « Avec un doublement des revenus des achats sur mobile en 2014, il devrait peser autant que l’e-commerce à l’horizon 2020 », ajoute Bruno Massiet du Biest, président de Plyce.

Dès lors, difficile pour les entreprises de ne pas envisager le mobile comme un levier central pour la distribution et la promotion de leurs produits et services. Difficile aussi de continuer à envisager les smartphones et tablettes comme de simples supports digitaux venant en complément du web. Les nouvelles offres commerciales leur ouvrent les yeux.  Elles sont construites – tout ou partie – sur la spécificité de ces outils, le temps réel, la géolocalisation ou encore la captation de données comportementales, à l’origine du pricing dynamique et contextuel à la Uber, des places de marché désintermédiées à la Airbnb, ou encore de l’économie collaborative à la Blablacar… « Nous sommes entrés dans l’ère du "mobile mind shift" : le mobile est ce par quoi nous accédons tout de suite au service dont nous avons besoin. Il faut donc l’envisager comme un lien entre les mondes online et offline, ce qui permet de contextualiser l’ensemble de l’offre selon le lieu ou le moment d’interaction avec le consommateur, mais aussi selon son comportement », explique Thomas Husson.

L’heure est à l’innovation. Avec son application Soon, Axa Banque propose plus de 30 fonctionnalités, dont la plupart sont inédites dans l’univers bancaire : rapatriement automatique de factures avec archivage sur la ligne de dépense, géolocalisation des dépenses, ajout de photos sur des dépenses ou des projets, rattachement simplifié à son compte Paypal, fonction "reste à dépenser"… « Soon est une banque 100% mobile. Tout y a été pensé pour répondre aux usages nés avec le mobile », précise Raphaël Krivine, directeur digital. De quoi inspirer l’ensemble de l’entreprise. « Certaines de nos innovations ont d’ores et déjà été reprises dans le cadre d’autres projets. Car Soon s’inscrit de plain-pied dans la stratégie de transformation digitale lancée par Axa au niveau mondial », poursuit-il.

Même le révolutionnaire Facebook a dû opérer sa transformation digitale pour rester en phase avec des utilisateurs devenus mobinautes. C’est le cas de 76% des 29 millions de Français qui se connectent au réseau tous les mois. « Nous nous sommes engagés dans la voie du mobile first dès 2012. Tous les ingénieurs ont été formés à coder en mobile, des spécialistes ont été parachutés dans chaque équipe opérationnelle, la culture mobile a été impulsée à toute l’entreprise », rappelle Benjamin Lequertier, responsable marketing France de Facebook. Entre début 2012 et début 2015, la contribution du mobile au chiffre d’affaires du réseau social au niveau mondial est passée de 0% à 69%. Pour les réseaux sociaux comme pour les médias plus traditionnels, tels que Le Monde (lire interview page suivante), le mobile devient central.

Certes, toutes les entreprises n’ont pas amorcé le virage du mobile first, loin de là. En France plus qu’ailleurs, le décalage entre les usages et les investissements publicitaires reflète le poids des résistances. « Le mobile est absent de la grande majorité des briefs soumis par les grands annonceurs. A cela, deux raisons majeures. Tout d’abord, les décideurs ne sont pas familiarisés avec l’utilisation des outils mobiles. Ensuite, le mobile cristallise autour de lui un écosystème d’une grande complexité », affirme Matthieu de Lesseux, coprésident de DDB Paris. Pourtant, la dynamique semble amorcée. En 2014, selon eMarketer, les investissements sur le mobile ont constitué 14,7% des dépenses publicitaires digitales en France, affichant une croissance de 80%. L’institut prévoit que le mobile captera 22,2% du marché publicitaire en ligne en 2015 et 50% d'ici 2018. « La messe est dite. Il faut maintenant que les formats publicitaires s’adaptent aux contraintes techniques et aux usages mobiles », lance Philippe Simonet, vice-président de TBWA Paris et président de Dan Paris.

En s’adaptant sur le fond et la forme au média pour proposer à l’internaute du contenu dans le contexte d’utilisation, le native advertising est sans conteste LE format mobile first. En mai 2014, Yahoo a lancé Gemini, une offre de native programmatique. « Nous proposons un set de création permettant de renouveler régulièrement les contenus d’une publicité pour une plus grande efficacité », explique Véronique Pican, directrice générale et commerciale de Yahoo France.

Dans leur logique « mobile first », les annonceurs ne devront pas négliger les applications. « La grande partie du trafic ne vient pas du navigateur mais des applications. D’où la nécessité impérieuse de mesurer, d’optimiser et de maximiser le ROI des investissements in-app », explique Jérôme Stioui, président d’Accengage, qui vient de lever 3 millions de dollars, notamment pour accélérer son développement à l’international. « Aux États-Unis, trois quarts des investissements publicitaires mobiles sont d’ores et déjà dédiés aux applications », rappelle Olivier Le Garlantezec, directeur général Europe de PhoneValley. Là encore, la prime est donnée à l’innovation. Ainsi, la messagerie instantanée Snapchat a lancé Discover en janvier dernier pour monétiser son audience et celle de la presse. Cette application d’information regroupe le contenu de onze médias dont CNN, Cosmopolitan et Yahoo News. 2015 devrait être un bon millésime pour le mobile.

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