Etats-Unis
A New York, Chartbeat est en train de révolutionner l'univers des médias et de la publicité en ligne avec un nouvel outil mesurant les minutes d’attention du lecteur. Explications avec Tony Haile, son PDG.

Vous avez mis au point un nouvel outil de mesure de l’attention du lecteur. Quel est-il ?

Tony Haile. Chartbeat est la toute première entreprise certifiée par le Media Ratings Council américain pour son analyse métrique des « minutes d'attention » du lecteur, ou « temps d'exposition active » d'une page web. Notre technologie peut mesurer à la seconde et au pixel près ce qui retient l'attention du visiteur parmi tout le contenu affiché sur cette page, y compris le texte, les vidéos ou les bannières publicitaires.

 

Comment procédez-vous ?

T.H. Nous mesurons les mouvements de la souris sur l'écran, le niveau et la vitesse de déroulement de la page, les touches pressées sur le clavier, les temps de pause d'activité… Autant d'éléments qui indiquent les détails de l'interaction de l'internaute avec la page web qui est activée sur son navigateur. Cela signifie aussi que l'on sait exactement quand une publicité est visionnée et pour combien de temps. On connaît également le moment où le visiteur quitte la page, s'il la laisse ouverte en fenêtre inactive sur le navigateur ou s'il la ferme.

 

En quoi est-ce innovant ?

T.H. Jusque-là, le marché avait les yeux rivés sur le nombre de clics et de pages vues. Or, ces indicateurs ne vous apprennent qu’une seule chose : que votre titre a effectivement servi d'appât. Et c'est tout ! La quantité de pages vues ne donne aucune information sur l'impact du contenu de cette page. Si un utilisateur de Twitter clique sur 40 liens renvoyant vers votre site mais ne lit pas une seule ligne, alors qu'un autre a cliqué sur un seul lien mais a lu tel article de A à Z, vous n'aurez aucun moyen de savoir que ce dernier utilisateur est en fait celui qui est le plus valable pour vous.

 

Quel est l’intérêt pour un média ?

T.H. Il a dorénavant la capacité de « voir » ce qui se passe sur la page après le clic initial, de comprendre si les gens sont effectivement intéressés par son contenu, combien de temps ils lui consacrent, quand leur attention décline et à quel moment ils passent à autre chose. Toutes ces informations mettent l'accent sur la valeur intrinsèque du contenu. Il ne s'agit plus seulement de concevoir des titres malins pour appâter le visiteur en masse. C’est d’autant plus important que la capacité du contenu à retenir l'attention du visiteur est essentielle pour un éditeur. Il existe en effet une très forte corrélation entre l'intérêt soutenu du lecteur, sa fidélité et la valeur afférente des espaces publicitaires.

 

Plus le contenu est intéressant, plus l’audience est monétisable ?

T.H. Oui. Nous avons réalisé diverses études sur la valeur attachée à la qualité de l'attention du lecteur. Nous nous sommes rendus compte que plus les gens passent du temps sur un site, plus ils sont susceptibles de revenir. Précisément, quelqu'un qui lit un article pendant au moins trois minutes retourne sur le même site deux fois plus que celui qui passe une minute sur une page. Par ailleurs, plus les gens prennent le temps de se plonger dans un contenu précis, mieux ils se souviendront de ce qu'ils ont lu. En soi, cela n'est pas une idée nouvelle. Mais c'est un aspect capital si vous considérez le fait qu'une plus longue exposition aux bannières publicitaires affichées sur une page se traduit par un meilleur souvenir de la marque en question.

 

Cela permet-il de faire payer plus cher les espaces publicitaires ?

T.H. En effet, car les espaces publicitaires d'une page sur laquelle le lecteur passe activement plus de temps que sur d'autres sont plus chers. Pour la première fois, la décision d'investir dans du contenu de qualité devient une stratégie commerciale cohérente pour le plus grand bénéfice de tous – lecteurs, éditeurs et annonceurs. Actuellement, l'allocation des budgets publicitaires est complètement irrationnelle. Les plateformes publicitaires automatisées ne font aucune différence entre les pages vues alors qu'une impression sur laquelle un internaute passe trente secondes devrait coûter plus cher à l'annonceur qu'une impression où il n’a été exposé qu’une seconde. Trop souvent, les éditeurs ne monnayent pas suffisamment leur inventaire d'espaces publicitaires, tandis que les annonceurs sont facturés pour des impressions qui n'ont aucun impact. Nos études indiquent qu'un tiers des pages vues ne génèrent aucune forme d'interaction sur la page.

 

De quoi remettre en cause bien des idées reçues…

T.H. Il existe un vieux précepte qui dit que l'oeil se pose sur la bannière publicitaire en haut de l'écran – qui vaut de l'or –, alors que tout ce qui est publié en dessous de ce premier écran doit être gratuit puisque l'internaute – supposé volage – ne fera pas l'effort de dérouler la page. Notre recherche rejette complètement cette préconception. En fait, les lecteurs portent surtout leur attention visuelle en bas du premier écran qui s'affiche à l'ouverture, et consacrent le plus de temps à la partie de la page qui se déroule au-dessous de ce premier écran. Notre technologie donne donc aux annonceurs ce qu'ils recherchent : l'accès à une audience de choix sur la durée. La précision avec laquelle nous sommes capables d'enregistrer l'interaction du lecteur avec la page permet de maximiser les opportunités pour l'annonceur, et de rationaliser les tarifs publicitaires en conséquence.

 

Quelle est la taille de votre marché aujourd'hui?

T.H. Chartbeat est opérationnel sur 50 000 noms de domaines dans 62 pays, y compris 80% des principaux sites de médias américains. C'est incroyable de songer que la plupart des sites de médias qui sont consultés aujourd'hui aux Etats-Unis, comme CNN et le New York Times, sont dotés de notre technologie. Ça nous oblige aussi à rester humbles, car nous avons énormément de grain à moudre pour continuer à faire notre travail correctement.

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