Événement
Le rendez-vous du design a lieu à Saint-Étienne du 12 mars au 12 avril. Le commissaire de la Biennale Benjamin Loyauté et le directeur général de la Cité du design Ludovic Noël nous livrent certaines tendances fortes de cette neuvième édition.

«La Biennale n’est pas un électro-encéphalogramme plat.» Benjamin Loyauté, le jeune et flamboyant co-commissaire général de la Biennale internationale du design de Saint-Étienne, qui se tient du 12 mars au 12 avril (lire encadré), entend «ne pas donner le “la” mais susciter les débats». Thématique embrassant les 80 expositions qui jalonneront la cité stéphanoise: «les sens du beau». «Nous essayons de nous situer à l’avant-garde tout en nous adressant à tout le monde», résume quant à lui Ludovic Noël, directeur général de la Cité du design, organisatrice de l'évenement. Tour d’horizon des principaux jalons de la Biennale 2015.

Data-visualisation

«Comment faire comprendre une information d’un seul regard, à travers un objet?»: voilà l’un des enjeux émergents de la grand-messe du design française, selon Ludovic Noël. L’exposition «Form follows information», rassemble ainsi, comme le résume le directeur général de la Cité du design, «des créations qui matérialisent l'invisible», données sociologiques ou faits scientifiques. «Les jarres de Mathieu Lehanneur représentent en volume les pyramides des âges», explique Ludovic Noël. Amusant: en Égypte, les âges forment une parfaite pyramide au sommet pointu, tandis qu’au Japon, le trigone s’inverse. «Une entreprise comme Orange a représenté les données en volume dans son projet “Empreinte de mouvement”», précise Ludovic Noël. Pour ce faire, l’équipe Advanced design du technocentre Orange a travaillé sur les données de géolocalisation. Les traces laissées par les utilisateurs dans l’espace et le temps forment des curieux paysages numériques, des territoires vallonnés et lunaires.

La valeur d’usage au cœur du high-tech

Ludovic Noël n’a pas de mots assez forts: «L’intérêt d’une Biennale par rapport au CES de Las Vegas [Consumer Electronics Show, salon des nouveautés high-tech], c’est que nous nous posons toujours la question de l’utilisateur, pas celui du technophile, du geek.» L’exposition A-T-T-E-N-T-I-O-N se penche sur l’attention portée au destinataire du design dans le domaine des nouvelles technologies. Elle entend également interroger sur les nouvelles économies de l’attention à l’ère numérique, que l’on s’adresse à l’utilisateur absorbé dans un logiciel ou un jeu, ou bien aux plus jeunes, rompus aux sollicitations multiples des smartphones et des réseaux sociaux. On pourra notamment y voir le Phonopaper d’Alexander Zolotov, qui permet de coder sa propre voix sur une bande de papier, que l’on peut jouer et rejouer, à la manière d’une bande audio analogique. Une transcription que l’on peut également recopier, le plus simplement du monde, à la main… Bien loin des afféteries techno.

 

Robotique du quotidien

On risque de voir se multiplier ces étranges élèves d’un nouveau type. Le «robot lycéen», expérimentation de la région Rhône-Alpes et créé par Bruno Bonnel, fondateur de la société Awabot, permet aux élèves sortis du système scolaire à cause d’une longue maladie de suivre les cours à distance, d’intéragir avec leurs professeurs ou leur camarades. «Sur la robotique, la France est très en retard, alors que la technologie n’est pas un frein puisqu’elle existe…», déplore Ludovic Noël. «Le futur de la robotique en France ne sera peut-être pas humanoïde, comme c’est le cas en Corée et au Japon.» Le directeur général de la Cité du design appelle de ses vœux «que les expériences comme Awabot deviennent une tendance, porteuse de belles valeurs liées au design».

Réinterprétation du quotidien

Il est bien mignon, ce nouveau petit ami. Toujours souriant, fidèle, doux et moëlleux lorsqu’on se blottit contre lui… «My knitted boyfriend» [mon fiancé en tricot] de Noortje De Keijzer, présenté dans l’exposition «Vous avez dit bizarre?», questionne nos ultramodernes solitudes avec ce fiancé grandeur nature en tricot, au sein de l’expo «Vous avez dit bizarre?», qui explore les facettes du grotesque contemporain. «Le beau peut être le vrai», souligne Benjamin Loyauté, co-commissaire de la Biennale. «Dans l’expo “Hypervital”, par exemple, nous nous penchons sur la réinterprétation sculpturale des objets, comme Mine Kafon, destructeur de mines antipersonnel conçu par le designer Massoud Hassani.»

Le design événementiel

Le Britannique Tim Simpson et la Néerlandaise Sarah van Gameren, du duo Glithero, vont revisiter à leur manière l’héritage historique de Saint-Étienne. Les designers investissent pendant la Biennale le musée de la Mine, ancienne exploitation de charbon, témoin du passé minier de la ville. Leur installation, «Luminaries», constituée de structures lumineuses en forme de cages, propose une expérience immersive dans un paysage lumineux et mouvant.  

«De plus en plus de designers investissent les champs de l’installation et de l’événementiel», constate Benjamin Loyauté. Avec pour dérive, selon lui, le «design de communication», pratiqué à outrance, lors du salon de Milan: «On y expose, pour s’assurer le maximum de retombées presse, des meubles qui sont en réalité des exemplaires uniques, comme les concept-cars en automobile…» Un peu comme les ghost ads, les campagnes fantômes de Cannes… «Milan est un lieu de business, mais personne ne paie pour figurer à la Biennale,  rappelle Ludovic Noël.  Nous n’irons jamais sur ce terrain-là.»

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