Sciences
Le «machine learning», subdivision de l’intelligence artificielle, débouche sur des services automatisés capables d’apprendre et de s’adapter au comportement de leurs utilisateurs. Le marketing s'y intéresse.

«Les machines peuvent-elles penser?» Dès les années 1950, Alan Turing, un des pères fondateurs de l’intelligence artificielle, posait la question, envisageant même qu'elles pouvaient apprendre. En ce début d’année, il était à l’honneur dans un biopic hollywoodien, The Imitation Game, de Morten Tyldum...

Le sujet du «machine learning» n'est plus anecdotique et c'est même devenu un véritable enjeu. Les géants de la «tech» s'y intéressent de près. Microsoft, par exemple, a lancé en juin 2014 son offre Azure machine learning. Récemment à Paris, durant les Tech Days, trois jours de conférences en ligne qu'il a organisées début février, le premier éditeur mondial de logiciels a consacré une session au sujet. Avec ce sous-titre étrange: «Vers une technologie invisible et une intelligence omniprésente?».

Un sujet qui passionne aussi chez Google. Lors du Forum économique mondial de Davos en janvier, Eric Schmidt, président exécutif, imaginait un futur où «il y aura tellement d’adresses IP, tellement d’appareils connectés, de capteurs et d’objets avec lesquels vous interagirez que vous ne vous rendrez même plus compte de la “présence” d’internet». 

Intelligence collaborative

Avec le machine learning, l'ordinateur ou appareil doit être capable d'apprendre, de s'adapter aux comportements des utilisateurs. Bienvenue dans le machine learning «qui donne aux ordinateurs la capacité d'apprendre sans avoir besoin d'être explicitement programmés», résume Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité de Microsoft France. Un ordinateur «apprend» ainsi quand on ne peut le coder ou que l’on ne peut pas suivre. Il peut même anticiper les réactions des humains.

Mais le machine learning est déjà dans notre quotidien, on le pratique sans le savoir à la manière de M. Jourdain, avec les moteurs de recommandation de Netflix ou Meetic, la capacité de votre smartphone à «prédire» les mots que vous allez saisir, ou encore le capteur Kinect de Microsoft, qui peut suivre vos gestes et les anticiper.

Des usages émergent dans le marketing où, là aussi, le machine learning intéresse pour sa capacité à automatiser des tâches. La start-up Alkemics, qui vient de réaliser une première levée de 5 millions d'euros auprès d'Index et de Partech, a imaginé un système combinant la lecture de codes-barres de tickets de caisse et le machine learning. «Avec un réseau de 800 marques, nous pouvons qualifier ces tickets de caisse et dégager des comportements d’achat des clients», explique Antoine Durieux, son cofondateur. Pour cela, marques et distributeurs ont créé une plateforme collaborative.

Vue d'ensemble

Dans un autre registre, Lokad a conçu un logiciel de maintenance prédictive destiné à la grande distribution. «Avec le machine learning, on peut faire des prévisions pour des gros réseaux de distribution, afin de réduire le niveau des stocks sans entraîner de rupture», précise Joannès Vermorel, son fondateur.
Chez Altran, les hommes de l'art ont développé, avec Azure machine learning, une plateforme de gestion intelligente de flotte de voitures. Dans une démonstration, la SSII a prouvé qu’elle pouvait faire remonter, grâce au machine learning, des anomalies d’évolution et avoir une vue d’ensemble des alertes de fonctionnement sur certaines pièces d’un véhicule, comme les freins. Et ce, sur la totalité du parc et non de façon parcellaire.

Il y a aussi ce cas d’école: un développeur avait créé un script qu’il a testé sur Tinder. «Il l’a entraîné à sélectionner des profils de femmes sur l’appli selon certains critères. En fait, ce “robot” présélectionnait des profils intéressants à rencontrer pour lui», sourit Thibault Dargeou, directeur des technologies et innovations chez BETC Digital.

Le machine learning, simple phénomène de mode? «Il est en plein essor à cause de la nécessité de rationaliser des process. Il débouche sur des outils faciles à industrialiser et qui créent de la valeur. Et puis le terme machine learning fait américain et sérieux», plaisante Antoine Durieux.

«On a là des processus s’assimilant à l’automatisation qui existent depuis le début de la mécanisation, il n’y a rien de vraiment nouveau. Cela ne créera pas des systèmes d’apprentissage comparables à ce que permet l’usage du corps», nuance aussi Olivier Bomsel, professeur d’économie à l’Ecole des Mines Paris Tech, auteur de L’économie immatérielle (Gallimard).

Questions éthiques

En tous cas, cela pose des questions éthiques inédites. Dans un rapport publié en septembre dernier, le Conseil d’Etat a demandé un encadrement par les pouvoirs publics de l’utilisation des données prédictives. Ses usages de segmentation allèchent déjà des compagnies d’assurances et des sociétés de crédits.

«Elles pourront décider si un crédit doit être approuvé ou non selon le profil d’une personne, en passant en revue certaines variables (âges, remboursements d’emprunts antérieurs…)», explique Thibault Dargeou. Un algorithme va définir qui est susceptible de rembourser ou pas un crédit, d’avoir ou pas un accident de voiture… On sort du facteur de décision humain.»

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