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Alors que la communication visuelle gagne du terrain, Instagram vient de s’ouvrir à la publicité. Le réseau social séduit les créateurs de contenu, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Des influenceurs à ne pas négliger.

Le « Picture marketing » est tendance et ce n'est pas un hasard. « La langue la plus parlée sur le web, c’est l’image », rappelle Guilhem Fouetillou, cofondateur de Linkfluence, un spécialiste de l'écoute du web social pour qui les millions de photos postées tous les jours, moments de vie authentiques, émouvants ou esthétiques, ont une valeur inestimable. Elles transitent via Tumblr, Flyckr, Pinterest ou encore Instagram, des applications de partage de photos et de vidéos, portées par l’explosion du mobile, qui ont conquis leurs publics. En décembre, Instagram, lancée en 2010, revendiquait 300 millions d'utilisateurs actifs mensuels, dépassant Twitter et ses 284 millions de Twittos. Des chiffres à nuancer après la chasse aux faux comptes organisée par le réseau en vue de son ouverture à la publicité (voir encadré). Ce qui n’enlève rien à l’intérêt que lui portent les artistes, photographes, designers et professionnels du marketing.

Facebook a bien compris le potentiel de cette application acquise en 2012. Son audience est dix fois plus élevé que celle de Facebook, et son taux d'engagement… soixante fois supérieur. Les marques s’en sont emparées, publiant gratuitement des photos de leurs coulisses ou de leur univers : 86% d’entre elles utilisent ainsi Instagram, les plus suivies étant au niveau mondial National Geographic, Nike et le site web humoristique 9GAG. Quant aux Instagramers, 46% suivent au moins une marque sur le réseau.

A ce jour, la plupart des grands secteurs d'activité sont de la partie : la mode (Etam, Kookaï, Promod…), l'automobile (Renault, Mercedes, Citroën...), la high-tech (Microsoft, Nintendo, Samsung…), la distribution (Fnac, Ikea, Kiabi…), la banque (LCL, Société Générale, Crédit Agricole…), ainsi que le secteur des transports et des voyages, particulièrement représenté avec notamment Air France. Sans oublier le luxe. A l’heure où nous bouclons, les premières marques françaises sur Instagram sont Louis Vuitton (4 millions d'abonnés), Louboutin (3,8 millions) et Dior (2,9 millions).

Que font-elles ? En plus de la publicité qu’elles peuvent tester depuis mars, les marques ont trois façons d’être présente, comme l’explique Nael Hamameh, cofondateur de l'agence Mazarine You to You. « Elle peut publier des contenus sur un compte, proposer des concours photos avec un hashtag dédié ou travailler en collaboration avec des Instagrameurs influents sans forcément avoir à ouvrir un compte. »  C’est ainsi que son agence a organisé en 2014 l'opération « Meilleur Job d'été » pour Etam avec Qorz. Un graphiste aux 177 000 followers travaillant dans l’audiovisuel a ainsi été invité à photographier une femme en maillot de bain Etam chaque jour pendant trois semaines en Californie.

Pour Etam, Qorz a été recommandé par Tribegram Lab. Cette agence française créée en 2014 a trouvé sa spécialité : mettre en relation les marques avec plus de 10 000 Instagramers influents dans le monde. « En France, il existe une cinquantaine d'Instagramers qui travaillent avec des marques. Ils ont au moins 50 000 abonnés », explique Franck Jamet, cofondateur de Tribegram Lab. Les plus influents ? La designer @oliviathebaut (311 000 abonnés) ou @saaggo (245 000), spécialiste des photos de Paris. Ils sont facturés à la journée. « Avec 0,002 centimes d'euro par abonné pour une publication, un Instagramer avec 10 000 followers peut gagner 20 euros par photo, précise Franck Jamet, ce qui représente un budget marketing nettement moins élevé que pour une campagne d'influence avec des blogueurs. » Reste que la plupart des annonceurs les rémunèrent en nature avec des voyages, du matériel photo ou des cadeaux.

Si Instagram plaît tant, c’est aussi parce que le réseau social rime avec émotions instantanées, géolocalisation, créativité et recherche artistique. « Il a un gros potentiel en France et tout reste encore à inventer, car beaucoup de marques sont restées sur des formats visuels classiques », analyse Sandrine Plasseraud, directrice générale de We Are Social, auteur de nombreuses campagnes sur Instagram pour La Monnaie de Paris, Lipton Ice Tea ou encore Piaget. Aux agences de trouver le ton juste.

« Sur ce réseau, le marketeur doit à la fois inspirer les consommateurs et leur susurrer des messages de manière indirecte », explique, de son côté, Rémi Barra, spécialiste des stratégies digitales chez Publicis Consultants, qui parle « d’intimité travaillée » et de « mystification du temps réel ». Pour Alexandra Jubé, chef de projet digital et prospective senior chez Nelly Rodi, tout est affaire de storytelling : « Le but d'Instagram est de raconter des histoires sur l'univers de la marque, les coulisses ou encore les produits en les suggérant. » Ainsi, le compte Instagram de Piaget, à l'aspect confidentiel, évoque les coulisses de l’horlogerie et de la joaillerie de luxe. « Pour asseoir la nouvelle signature de la Maison, "Perfection in Life", nous avons également encouragé le public à dévoiler sa propre vision de la perfection avec une photo et le hashtag #perfectioninlife. Depuis, l’audience a connu une croissance de 181% en 6 mois », se réjouit Sandrine Plasseraud. Une approche partagée par Emmanuel Devezeaux de Rancougne, DG de Proximity BBDO qui ajoute : « Sur Instagram, Il est important d’être sincère, transparent et d’agir comme une personne, non comme une marque. »

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