Télévision
Animation 3D, réalité augmentée, infographies, immersion, nouveaux moyens de tournage... L'information télévisée ne cesse de se réinventer. Les dernières innovation en vogue en France.

«Jamais sans ma fille» est un reportage diffusé en mai sur France 2, dans l’émission «13h15». On y voit une mère partir à la recherche de sa fille enrôlée dans le djihad en Syrie. Tout est filmé jusqu’à la frontière turco-syrienne. En plein Djihadistan, pas question de la suivre avec une caméra. C’est alors que commence une longue séquence en animation 3D où est reconstituée sa traversée jusqu’à l’arrestation des passeurs, de retour en Turquie. «Ce type d’animation est un axe de développement important à condition que ce soit, comme la caméra cachée, au service de l’information et jamais gratuit» explique Thierry Thuillier, encore directeur de l’information de France Télévisions.

 

L’animation 3 D

Sans aller jusqu’à se transformer en dessin animé, comme Le Petit Journal, le 18 juin prochain, l’information télévisée expérimente de plus en plus l’animation 3D. A la fin 2014, le 20 Heures de France 2 avait scénarisé une exploration de Mars. Lors du crash de l'avion de la Germanwings, en mars, la chaîne a reproduit la lente descente de l’appareil. TF1 a de son côté  recréé la scène avec des figurines fictives lorsque le commandant abandonne la cabine de pilotage et tente d’y rentrer à nouveau. «La reconstitution 3D est parfois tellement précise, on ne veut pas s’aventurer dans ce dédale», pointe Thierry Thuiller. «Nous avons un souci de réalisme, pas de mimétisme, rétorque Cyril Auffred, rédacteur en chef adjoint du 20 Heures de TF1. Nous veillons à être informatif, il ne s’agit pas de singer la fiction.» Quoi qu’il en soit, l’animation 3D a de l’avenir: «Il fallait 48 heures  au moment des attentats de Londres, en 2006, aujourd’hui, cela prend une demi-journée à réaliser. On peut avoir une version simple pour le 13 Heures et enrichie pour le 20 Heures», ajoute-t-il. «Le seul frein, ça reste le temps de calcul», estime Guillaume Dubois, directeur général de BFM TV, pour qui ce type d’écriture n’est pas adapté à l’information en continu. Quoique pour raconter autrement une histoire… «Je n’ai pas d’a priori négatif», confie-t-il.

 

La réalité augmentée

Cet avatar de la 3D fait fantasmer Itélé qui verrait bien son journaliste, Michel Chevalet, se saisir à la rentrée d’objets fictifs en trois dimensions pour illustrer ses démonstrations scientifiques. «Il sera en situation de jouer avec l’image de l’objet», estime Céline Pigalle, directrice de l’information de Canal+. Elle teste un prestataire, Ncam, sur ce sujet.  

 

L’infographie

Un reportage sur un hôpital où le nombre de lits s’affiche à l’écran, un chroniqueur ou un invité en plateau prenant appui sur un graphique en escalier… L’infographie est de plus en plus présente dans les JT, et pas seulement avec François Lenglet. Elle permet de traiter des sujets de fond car les sources d’images sont alors multiples. TF1 a recours à cette mise en image de la donnée  pour expliquer le Big data ou la dette. «Avant, un encadré en TV, c’était un peu compliqué, parce qu’il fallait des images prétexte ou des experts», relève Cyril Auffred. L’infographie a aussi renouvelé les écritures et les formats: «On a cultivé la variation des formes et elle s’est accentuée, confirme Thierry Thuillier. On est sorti du moule de 1 minute 20 pour faire des sujets de 5 à 8 minutes.» Attention toutefois à ne pas forcer le trait. France 2 s’est pris un retour de bâton sur les réseaux sociaux en grossissant les effets de seuils pour illustrer un sujet sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires. 

 

Le mur d’images

Le présentateur n’est plus aujourd’hui statique mais en mouvement, le plus souvent debout comme avec le Soir 3, le 19-45 de M6 ou le 20 Heures de TF1. A cette dynamique, correspondent des éléments visuels mouvants dans le décor. Yohann Saillon, directeur artistique de l’info, sur la Une, travaille beaucoup sur ce qu’il nomme «la scénographie des murs» ou «l’éditorialisation des fresques» derrière le présentateur. Son équipe s’en sert comme d’un espace graphique pour publier la photo d’un visage, produire une infographie, écrire une légende ou un court texte…  Idem à France Télévisions, où l’on constate la place grandissante prise par la photo pour donner de la densité au journal.

 

L’immersion

Vice News, à travers ses longs reportages incarnés sur le terrain et découpés en épisodes pour le Web, inspire Thierry Thuiller, pour l’antenne et le digital. «Si l’immersion apporte une plus-value, il ne faut pas hésiter. Mais elle doit se faire avec nos propres valeurs.» Le JT dehors est-il pour bientôt? «Un journal en extérieur et dans des situations qui comptent pourrait avoir de la valeur, répond Céline Pigalle. Il y a une tension entre le studio et l’événement mais ce qui est sûr c’est que les journalistes ne peuvent plus être hors sol, ils doivent être au cœur de l’événement.» Elise Lucet dans Cash Investigation n’est-elle pas actrice de son reportage? Reste à éviter des excès, comme lorsque le journaliste se met trop en avant dans une zone de guerre.



Les nouveaux moyens de tournage

«On teste des moyens de tournage encore plus légers comme l’Iphone 6, reconnaît Guillaume Dubois. Ce n’est pas équivalent à une caméra-pro mais à un instant T, cela peut permettre d’avoir la meilleure image. Et à moins de changer de plan ou de zoomer, on ne voit pas la différence.» TF1 s’intéresse aux technologies du cinéma avec la 5D, la petite grue et le mini-travelling. «Un moyen extraordinaire d’entrer dans la peinture», selon Cyril Auffred.  Periscope, l'appli de Twitter qui permet de diffuser de la vidéo en live, est suivie avec circonspection. «Ce peut être intéressant mais pour l’instant, on voit surtout les cœurs qui dévorent l’image», relève Céline Pigalle. BFM TV ne l’utilise pas non plus: «C’est très adapté au digital et cela peut poser des questions de droits» ajoute Guillaume Dubois. Quant au drone, qui sert surtout à couvrir des intempéries comme des inondations, il ne s’est pas encore imposé. Il faut dire qu’il ne peut être utilisé en ville. «C’est quasiment interdit partout où l’on voudrait l’utiliser», selon Céline Pigalle

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