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Égéries tatouées, packagings inspirés de ses motifs, publicités surfant sur cet univers… À l’heure où s’ouvre le Mondial du tatouage, les marques jouent beaucoup sur ce ressort, qui n'est plus du tout l'apanage des «bad boys».

Le tatouage est de sortie: les avant-bras tatoués de Johnny Depp dans la dernière publicité pour Eau Sauvage de Christian Dior, la petite tête de lion sur l’index du top-model Cara Delevingne pour la marque de luxe Tag Heuer, le dragon sur un avant-bras qui s’anime dans le spot de la Peugeot 208… À l’heure où s’ouvre le Mondial du tatouage, pour trois jours du 4 au 6 mars à la Halle de la Villette à Paris, le tatouage est bel et bien un phénomène de mode. De quoi agacer l’internationale des bad boys, anciens membres de gangs ou hard-rockers pour qui ce marquage de la peau prouvait l’appartenance à un club très fermé: celui des durs à cuire, avec gros bras et muscles saillants. «Fini le côté sulfureux! Désormais l’univers du tatouage est par exemple beaucoup utilisé dans le parfum, illustre Pascale Caussat, journaliste indépendante spécialisée dans le luxe. Qu’il s’agisse du packaging ou de mettre en avant des égéries tatouées.» Tatouage viendrait du mot tahitien «tatau», qui est formé de deux termes: «ta» (frapper, heurter) et «atoua» (esprit). Pourquoi les publicitaires invoquent-ils donc aujourd’hui les esprits du tatouage?

«Avant, le tatouage était un acte de rébellion, de revendication, aujourd’hui c’est avant tout une forme d’affirmation de soi et de sa personnalité», juge Vincent Colonna-Cesari, planneur stratégique chez BETC. Comme le souligne d’ailleurs l’étude «Prosumer» d’Havas. Quand la marque de bière 8.6 du groupe Bavaria surfe sur cette tendance, avec sa campagne «démesurément tatoo» (cannettes tatouées, présence au salon du tatouage, soirées événementielles dans des salons avec possibilité de se faire tatouer gratuitement…), il s’agit d’opérer progressivement une montée en gamme. «Le tatouage fait partie de la culture rock, particulièrement en vogue depuis quelques années, avec le retour du cuir, des groupes de rock, des objets cultes des années 1970», précise Matthieu Ribeyron, le directeur marketing de Bavaria (8.6). Lors des soirées «démesurément tatoo», le public présent a plutôt un profil de «jeunes bobos».

Chair étendue

Aujourd’hui, utiliser le registre du tatouage, c’est s’adresser à une cible importante: un Français sur dix déclare être tatoué, et chez les 25-34 ans, la proportion monte à une personne sur cinq. Pas négligeable. Au point qu’en Italie le tatouage vient de faire son entrée dans le nouveau panier de la ménagère, parmi 1500 produits de la vie quotidienne, qui servent à établir l’indice des prix. Le tatouage est devenu «mainstream». Une entreprise vient ainsi de lancer des box spécialisées: «Nous avons créé il y a quatre mois la Tattoo box, pour offrir des tatouages à ses proches», dit Basile George, fondateur de Tattoo Me. Le site a déjà 130 studios partenaires et aide les internautes à trouver leurs motifs. «Aujourd’hui, les clientes de parfumerie ou du luxe sont soit tatouées elles-mêmes, soit rêvent de le faire», poursuit Pascale Caussat.  
Selon Nicolas Chemla, consultant indépendant et auteur de Luxifer (éditions Séguier, 2014), cet engouement reflète plusieurs tendances de fond. «Première d’entre elles: le corps est réinvesti comme l'œuvre de chacun, à la fois expression de soi et exploration des sens et des plaisirs, se construire à l'image du fantasme. Et puis c’est aussi la chair qui reprend le dessus à l’ère du digital, en même temps qu’une forme de digitalisation de la chair.» Une analyse confortée par Vincent Colonna-Cesari de BETC: «C’est une expression profonde de ce que l’on est, même si la peau n’est qu’un écran.»

Carpe diem

La marque de couteaux Deejo de son côté, permet de personnaliser ses produits avec des motifs dans l’esprit des tatouages «Un moyen d’individualiser son couteau, de montrer que l’on est différent, que notre couteau nous ressemble», poursuit le planneur de BETC. Comme une extension de nous-même, mais qui reste à notre image.  

Par ailleurs le tatouage joue sur un autre registre: le dépassement de soi. Avant de se faire tatouer, de franchir le pas il y a de l’appréhension face à la douleur, à la transgression de transformer son corps. Un sujet porteur pour les publicitaires: se faire tatouer, c’est libérer le dragon qui sommeille en nous, comme dans la publicité de la Peugeot 208.

Une forme de «carpe diem»: «Le monde est majoritairement perçu comme sans au-delà, poursuit Nicolas Chemla. Le tatouage c’est “ici et maintenant”, une manière de s’inscrire dans le présent, de se le réapproprier». Tout en paradoxe bien sûr, car il s’agit d’un engagement à vie: «À une époque où l’on change de téléphone en permanence, de travail tous les deux ou trois ans, il y a un besoin d’ancrage et le tatouage s’inscrit bien dans cette pérennité, cet engagement très fort, douloureux… et pour la vie», relève Vincent Colonna-Cesari. Et si dans un monde où le zapping permanent est la règle, le tatouage était devenu la marque, le signe de reconnaissance des vrais rebelles: ceux qui veulent s’engager sur le long terme…

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43 % des « Prosumer » (contre un tiers des consommateurs classiques) pensent que les tatouages sont un bon moyen d’expression de leur personnalité selon l’étude 2015, I-Body d’Havas, qui s’intéresse à cette fraction de consommateurs « en avance dans leurs modes de vies et consommation ». Cet attrait pour les tatouages est beaucoup plus fort chez les 18-34 ans : 46 % d’entre eux les plébiscitent. Un intérêt marqué que l’on retrouve autant chez les hommes (34 %) que les femmes (35%). 

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