Agences
De nombreux professionnels revendiquent une expertise en shopper marketing, à la croisée du digital et du monde physique. Tour d’horizon d’une expertise aussi nouvelle que complexe.

Le shopper marketing a le vent en poupe. Pour preuve, l’actualité des agences de communication en ce printemps 2016 : Havas Paris a lancé son offre Paris Shopper avec Fullsix Retail ; Young & Rubicam (WPP) a créé en mars l’agence Lab Store France ; l’agence de design Bronson a inauguré un département d’activation du shopper ; leur côté, Fred & Farid peaufinerait une offre estampillée… shopper. Quant à Georges Mohammed-Chérif, le fondateur de Buzzman, s’apprête à ouvrir à Paris, avant la fin de l’année, son propre restaurant Burger King, par ailleurs client de l’agence. Un laboratoire qui lui permettra de tester, in situ, ce qui plaît ou déplaît aux clients.

Ces offres viennent rejoindre un secteur déjà bouillonnant où évoluent les agences de design, spécialistes de l’architecture commerciale, les agences de promotion, expertes du dernier mètre pour pousser l’acte d’achat, mais aussi les agences digitales, alors que la technologie a fait une entrée remarquée dans les points de vente, à coup d’écrans géants, de cabines d’essayage virtuelle, de beacons et de tablettes.

Depuis quelques mois «l’obsession de la transformation est revenue en forceet sans complexe dans les relations entre agences et annonceurs», explique Catherine Michaud, CEO d’Integer France (TBWA) et présidente de la délégation Customer Marketing de l’AACC. Avant de poursuivre : «Aujourd’hui, le commerce est envisagé comme un tout, un ensemble. Les consommateurs veulent de la cohérence entre ce que dit la marque et ce qu’elle fait pour eux au quotidien.» Un sujet complexe. «Le parcours du shopper, c’est un jeu de flipper, aujourd’hui», décrypte François d’Arrouzat, directeur associé de Lab Store France. «Il navigue constamment d’un point à l’autre, au sein de canaux sans cesse plus variés. Les marques et les retailers doivent être à chaque instant, et à chaque endroit, où le consommateur veut acheter.»

Comprendre les shoppers

Une expertise qui fait plus que jamais appel à une vision globale et stratégique alors que beaucoup abordent encore le shopper marketing en spécialiste par le petit bout de la lorgnette.

«Avec Paris Shoppernous envisageons tous les sujets du shopper par la stratégie. On ne peut plus aujourd’hui séparer la communication commerciale, l’activation, le CRM, le social media, l’animation des forces de ventes ou le corporate, par exemple», expliquent de concert Vincent Mayet, directeur général d’Havas Paris, et David Mingeon, directeur général adjoint.

Mais comment aligner les planètes avec des métiers et des expertises si différents ? «Il faut déjà connaître les lieux d’achat pour comprendre les shoppers !», répond Valérie Piotte, directrice générale adjointe de l’agence Cosmic (groupe Altavia) et ex-directrice générale de Publicis Shopper (agence disparue depuis). «Le commerce, tout comme le marketing d’ailleurs, est une discipline du quotidien. On ne gagne pas la considération et la fidélité des consommateurs avec des coups de pub ! L’opportunisme ne fonctionne plus.»

 Etienne de Laharpe, directeur des stratégies de BETC Shopper, résume son travail à «un bon jeu de jambes, car il se passe tous les jours quelque chose dans le retail». Et cette agilité passe par «une horizontalité dans la compréhension de tous les sujets qui concernent le shopper». Une bonne agence comprendrait donc le cycle complet du parcours d’achat : l’avant, le pendant et l’après. Catherine Michaud pose donc l’épineux sujet de «la légitimité des agences shopper qui passe à 80% par des experts du terrain qui connaissent le point de vente et ses rouages».

De nouvelles compétences voient également le jour. «Quand on parle de shopper, il s’agit de réconcilier les ventes et le marketing», explique de son côté Sophie Dahan, directrice marketing de l’agence Globe. « Lors de la dernière édition de la NRF [ndlr : le plus grand salon mondial dédié au retail], en janvier dernier, j’ai découvert une nouvelle profession chez les grands annonceurs : le VP Shopper Marketing. Une fonction qui fusionne ces deux compétences. On ne peut plus être briefé séparément désormais !»

Enfin, il faut pouvoir prendre de la hauteur. L’offre de Paris Shopper s’appuie – en plus de l’expertise corporate et l'influence de la maison mère Havas – sur un laboratoire de recherche en son sein (le LabX) qui fonctionne comme un think tank avec des scientifiques, des sociologues, des experts marketing pour co-créer de nouvelles interactions entre marques et shoppers. «Nous comptons également sur une vingtaine de profils seniors qui ont tous une expérience retail, mais aussi sur une centaine de sentinelles d’Havas au niveau mondial», poursuivent Vincent Mayet et David Mingeon. 

Chez BETC Shopper, Etienne De Laharpe confirme «que les équipes doivent avoir à la fois la passion du commerce et la culture de la marque, tout en intégrant en continu la nouvelle grammaire du retail comme la data ou celle de l’UX qui revient en force. Ce qui est plus aisé quand on appartient à un groupe. Nous pouvons ainsi nous appuyer, si besoin, sur les expertises de BETC Digital, de BETC Design et de celles de nos “cousins” d’Havas».

Intérêt du terrain

L’évolution du consommateur complexifie également l’exercice du shopper marketing. Connecté, informé, en quête de prix, mais aussi de sens, attiré par les offres alternatives – type achat d’occasion et troc, voire même par la déconsommation –, il doit être envisagé avec attention et respect. Sans oublier que le magasin est loin d’avoir dit son dernier mot. Il concentre encore 76% des achats, selon le Popai.

On comprend mieux pourquoi les agences shopper, après avoir été aveuglées par les promesses surévaluées du digital, se passionnent à nouveau pour le terrain : c’est bien là que le business se passe !

Dans ce contexte, les agences de design ont plus que jamais une carte à jouer. Un petit chiffre du Crédoc, de février dernier, confirme que la digitalisation du shopper a peut-être atteint sa maturité. En 2015, 53% des Français ont cédé à l’achat d’impulsion en boutique. Ils étaient 36% un an auparavant ! Bonne nouvelle pour les agences d’architecture commerciale qui inventent des lieux où la promesse originelle des marques peut se vérifier. «Le retour du magasin répond au besoin impérieux d’humaniser toutes nos interactions humaines. Qu’elles soient marchandes ou non», conclut Jean-Philippe Santarelli (ex McCann) de l’agence Bronson. «Les marques transactionnelles doivent aujourd’hui devenir relationnelles.»

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