Technologies
L’intelligence artificielle révolutionne la relation client. Sous l’impulsion des géants du web, les marques se lancent dans des programmes de marketing conversationnels automatisés. État des lieux.

Les robots accueillent d’ores et déjà la clientèle dans certains magasins et hôtels japonais. Désormais, les géants du Web et les professionnels du marketing leur confient une autre mission : converser, renseigner et servir le client. Facebook en tête. Le réseau social a officialisé, en avril, son «Bot Store», une offre permettant via Messenger de demander des renseignements ou d’acheter des objets. Celle-ci a séduit Voyages-sncf.com, chez qui le mobile est désormais le premier capteur d'audience. Elle est à l’œuvre, depuis avril, via l’application Facebook Messenger de l’entreprise, forte de 900 millions d’adeptes qui peuvent désormais échanger à tout moment avec son service client.

«Nous souhaitons toujours plus aller vers nos clients en leur proposant des services qui s’intègrent à leur quotidien pour nous adapter à leurs usages et non l’inverse», a déclaré Franck Gervais, directeur général du groupe Voyages-sncf.com. Ce nouveau canal de relation client est orchestré par la plate-forme de commerce conversationnel I Advize qui centralise et traite les données clients et évalue leur satisfaction en temps réel. «Nous ouvrons une nouvelle ère de la relation client qui améliorera considérablement l’expérience d’achat tout en renforçant les liens de proximité», indique Laurent Solly, directeur général France de Facebook. Dans l'Hexagone, Axa et KLM utilisent aussi Messenger et bientôt d'autres annonceurs.

Assistant virtuel

Le mouvement est lancé. Aujourd’hui, pas un jour ne passe sans qu'une application de messagerie n'annonce l'intégration d'un bot (Skype, Slack...). Et pour cause, le marché est énorme : selon E Marketer, plus d'1,4 milliard de consommateurs, soit 75% des utilisateurs de smartphones dans le monde, a utilisé une application de messagerie en 2015. Il aura fallu attendre les progrès de l'intelligence artificielle (IA) qui fait couler beaucoup d’encre depuis quelques années. Elle fait désormais partie intégrante des activités commerciales des géants du web. Google, Apple, Facebook, Amazon ou encore Microsoft ne cessent de racheter des start-up spécialisées dans les datas, la reconnaissance faciale ou encore l'analyse sémantique.

Google a ainsi fait l’acquisition de Deep Mind ; Apple s'est entiché d'Emotient, Vocal Q et Perceptio. La France n'est pas en reste avec les start-up Davi, Jam, Julie Desk ou encore Snips. Leur point commun ? Proposer un assistant virtuel qui va répondre aux questions et rendre un certain nombre de services. Les marques en sont friandes. Siri chez Apple, Google Now pour Google, Cortana chez Microsoft, Alexa chez Amazon, mais aussi les agents virtuels Lucie chez SFR, Léa à la SNCF, Laura d'EDF, Anna chez Ikea, Clara pour la Fnac, Lisa pour La Poste, Inès chez Nespresso, Olivier chez Suez Environnement...

Cette année, c'est Thomas, agent virtuel de Natixis (groupe BPCE) qui a été élu Mister Client 2016, un événement créé par Thierry Spencer, directeur associé de l'Académie du service. «Lorsque j'ai lancé ce prix, en 2010, il y avait treize agents virtuels en compétition. Cette année, ils étaient trente-neuf», confie l'auteur du blog Sensduclient.com. L'an passé, la Miss Client 2015 était l'agent virtuel Yoko de Toshiba, développé par la plate-forme Living Actor (société La Cantoche).«Yoko a permis de diminuer de quasiment 50% les emails et appels entrants et donc de réaliser des économies considérables», se réjouit Emmanuel Amouretti, directeur général de La Cantoche. «Grâce à l'IA, les entreprises peuvent enfin capitaliser sur la valeur et l'expertise de leurs équipes», remarque Jean-David Benichou, CEO de Viadialog, spécialisé dans les plates-formes et solutions de service client.

Système cognitif

De leurs côtés, les agences montent en compétence sur l'IA. Emakina, qui vient de signer un partenariat avec IBM, va proposer à ses clients de bénéficier des capacités analytiques de Watson, son système cognitif capable de comprendre la subtilité des jeux de mots, des ambiguïtés ou de l’ironie. «C'est un excellent moyen de renforcer l'expérience client, le potentiel de conversation et de favoriser la transformation digitale», indique Manuel Diaz, président d'Emakina. Seenk Lab, le pôle R & D de l'agence Seenk, développe et commence, de son côté, à commercialiser trois applications en marque blanche dotées du système Watson d'IBM : Wearing (mode/prêt-à-porter), Driving (GPS/conduite) et Wine Tasting (vin). «Les clients de nos clients pourront leur demander comment s'habiller pour leur rendez-vous romantique ou encore quel vin se marie le mieux avec leur repas», explique Clément Derock, directeur associé de Seenk.

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère des services informatiques. «Après les logiciels, les applications en ligne et les applications mobiles, nous allons assister à la généralisation des interfaces conversationnelles», analyse sur son blog Frédéric Cavazza, conférencier et consultant en marketing digital. Les enjeux pour demain sont multiples. «Les entreprises ont désormais la possibilité d'ajuster leur stratégie en temps réel, mais aussi de mieux segmenter leurs clients et, surtout, de prédire leurs comportements», observe Jean-Claude Heudin, directeur de l'Institut de l'internet et du multimédia. L’IA va progressivement révolutionner le marketing client, appelé à devenir prédictif. «Le marketing prédictif n'est plus un fantasme, mais bel et bien une réalité dans un marché régi aujourd'hui par les algorithmes», constate Mathieu Vicard, directeur adjoint de l'agence Adrénaline. Les bots permettront, en effet, d’analyser et d’anticiper la conversation non-verbale des consommateurs, qui, si l'on en croit le professeur américain Albert Mehrabian, représenterait 93% de la communication globale. «Le défi sera non seulement de faire accepter ces interfaces intelligentes auprès des différents publics, mais aussi de favoriser les échanges. Or d'après de récentes études, si un bot ou un robot semble exprimer un ressenti ou une émotion lors des échanges, alors les humains seront plus empathiques envers lui», indique Olivier Vigneaux, CEO de BETC Digital. Alors feu vert pour les bots ? «Oui, mais attention à garder le contrôle sur les machines et à respecter les conditions d'opt-in», met en garde Catherine Michaud, présidente de l'AACC Customer Marketing, qui vient d'éditer un livre blanc sur l'IA.

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