La création est, plus que jamais, le nerf de la guerre des agences événementielles. Comment s’organisent-elles ? Sur quels profils misent-elles ? Le point sur les principales évolutions d’une expertise portée par le digital.

 Longtemps considérés comme les mauvais élèves de la création, les professionnels de l’événement n’ont plus rien à envier à leurs amis de la publicité : « Nous gérons un paradoxe incroyable, celui du jamais vu à faire exister dans la réalité. Cette importation du rêve publicitaire dans la vraie vie génère une adhésion sans commune mesure», explique Thierry Reboul, fondateur d’Ubi Bene,  agence spécialisée dans l’événementialisation de marque.

Un moment de grâce qui répond à une genèse différente de celle de la création traditionnelle.

D’abord, comme le rappelle Emmanuel David, Directeur Général chez Live ! by GL events, si l’idée règne en maîtresse, elle ne fait pas tout : «en événement, l’idée n’existe que quand elle existe, et ce qui reste le plus précieux est sa matérialisation physique. La contrainte fait la différence.».

Ensuite, le travail de cette science du vivant doit intégrer dès l’étape de l’idée l’appréhension d’une palette de référentiels créatifs et de nombreux métiers à chaque fois différents : lumière, photo, éditorial, réalisation, publicité, artistique, culinaire, musical…  Auxquels s’ajoute aujourd’hui l’intégration des réflexes liés à la digitalisation. « Avec l’explosion des frontières, notre manière de réfléchir a changé. Quelle image pour un 20 heures ? Quel contenu pour déclencher un tweet ? Comment utiliser un smartphone ? Nous pensons désormais autant la scénarisation par rapport à sa viralisation que pour ce qui se passe sur place.», explique Julien Carette, Président de Havas Event.

Une approche créative nouvelle ? Né des plateaux télévisuels dans les années 70, ce métier de mise en scène a longtemps privilégié le contenu éditorial (discours de président, interventions d’experts…) au détriment de la création pure dont le format coûteux et éphémère suscitait peu d’intérêt dans les stratégies de communication. C’était sans compter la nouvelle ère du brand content et de la digitalisation, venue remettre au gout du jour la force du réel et du vivant et les atouts du buzz, atout majeur de ce media. « L’interaction avec le public y est légitime et authentique. C’est l’anti-spam, l’anti-marketing et l’anti-retargeting réunis. De fait, nos événements sont devenus de véritables usines à contenus », analyse Frédéric Bedin, Président de Hopscotch Groupe. En moins de dix ans, loin de tuer l’événement, le digital  lui a donc offert une véritable renaissance. Mais en intégrant enfin les stratégies de communication, ce métier a aussi dû laisser derrière lui la production, sa principale préoccupation, pour se recentrer sur la création, graal en la matière.

Après de longs atermoiements, les agences sont aujourd’hui en ordre de marche pour créer mieux et différemment, investissements à l’appui. Certains commencent dès l’organigramme, avec un patron ou un directeur général issu du sérail créatif et qui donne le ton : Frédéric Bault pour Havas Event,   les co-fondateurs de Shortcut Christophe Pinguet et Lionel Laval ou Jérôme Pasteur, co-fondateur de l’agence With Up.com pour ne citer qu’eux. «C’est un signe fort pour un client, un vrai parti-pris d’agence publicitaire et la preuve que nous allons mettre de la création partout. » commente ce dernier.  Certaines structures misent également sur des profils en rupture, comme par exemple Olivier Harnichard, ancien de Fred et Farid qui infuse aujourd’hui sa culture publicitaire chez Live ! by GL events, ou encore Richard Arnaud, venu du marketing relationnel et de l’éditorial, choisi chez Publicis Events pour sa grande ouverture d’esprit.

Finalement, la création se joue  à domicile, les grandes structures pratiquant de moins en moins l’externalisation. « Je ne confie pas mon destin à un free-lance » tranche un grand patron d’agence qui considère que l’externe peut diluer l’ADN identitaire.  «  Je veux de la matière créative en nombre pour savoir traiter tous les sujets et ne connaître aucun essoufflement », poursuit Christophe Pinguet, cofondateur de Shortcut. Avec un tiers des effectifs dédié à la création, cette agence détient le record en termes d’effectifs, suivi de près par Auditoire, Publicis Events et Havas Event. «Nous avons construit un noyau dur qui se connait, doté d’une grande réactivité. C’est essentiel dans des périodes ou le temps n’existe plus» ajoute Franck Louvrier. L’écosystème des ressources externes, toujours très apprécié, sert aujourd’hui des expertises culturelles spécifiques que l’agence ne possède pas ou un manque de ressources internes temporaire. Les plus réticents ne dépassent pas les 20% de sous-traitance.

Dernier fait marquant, les agences pensent leur offre créative au-delà du contrat de base planning stratégique/création/réalisation des images. Elles misent de nouvelles expertises et de nouveaux talents au service de l’idée : Infamous côté vidéo pour Magic Garden, départements brand content, motion design et social media multilingues pour Auditoire ; équipe spécialisée en castings artistiques et bureau de data-design pour Havas Event…

Entouré par tous ces savoir-faire émergents, le directeur de création et ses équipes restent toutefois au centre, jusqu’à l’être parfois physiquement dans les locaux. Car contrairement aux pratiques des autres métiers du secteur, ici on n’invente jamais seul, mais de concert avec les directions de projet et de production. C’est unanime, la créativité et affaire de tous, particulièrement d’une nouvelle génération de directeurs de production qui doivent sortir de la contrainte pour servir l’idée.

Cette manière très spécifique de travailler génère par voie de conséquence une multitude de formats créatifs différents. « Notre création vient de tout et peut être concept ou scénographie, mais aussi format, logistique réinventée, campagne digitale, lieu incroyable, intervenant… Et dans notre nouvel écosystème, il ne faut pas avoir peur de lâcher pour sortir du physique. » s’enthousiasme Anne Cléret, directrice de la création chez Lever de Rideau et qui est récemment allé chercher le danseur Benjamin Millepied pour scénographier l’inauguration du nouveau Forum des Halles.

La création événementielle ne s’est donc jamais portée aussi bien.  En libérant le potentiel créatif des dispositifs par des outils moins coûteux, de nouveaux codes plus agiles, et de nouveaux relais d’audience inespérés, la digitalisation y est probablement pour beaucoup. Pour certains, l’histoire ne ferait que commencer, et c’est probablement dans l’innovation que le métier événementiel devra aller chercher une grande partie de sa création future. Hopscotch, Auditoire et Live !, en embauchant des profils de creative technologistes, l’ont bien  compris. Les autres suivront-ils ?

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