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Si elles sont aussi drôles que les hommes, les youtubeuses «humoristes» accusent encore du retard en termes de visibilité. Plus nombreuses, elles s'organisent pour jouer d'égal à égal.

Quand on parle de youtubeuses, on pense souvent à la vlogeuse beauté qui passe en revue sa dernière visite chez Sephora. Le cliché est tenace… Mais le talent de la femme digitale ne se limite pas aux rouges à lèvres. Il monte aussi jusqu’aux zygomatiques. Les Youtubeuses humoristes se font de plus en plus entendre. Avec encore du retard sur les hommes, en terme de notoriété. Dans le classement «humour» des chaînes You Tube, la première femme, Natoo, n’apparaît qu’à la neuvième place. En revanche, demandez de citer des youtubeurs humoristes, on vous en énumèrera au moins trois, voire bien plus! Pour les femmes, seul le silence se fait entendre. «Norman et Cyprien totalisent à eux deux plus de deux milliards de vues quand Natoo et Andy (Andy raconte) ne regroupent que 500 millions de vues, observe Guillaume Mallet, consultant social media chez We Are Social. On pense beaucoup plus facilement à des noms masculins que féminins quand on parle d’humour sur internet. Le secteur est largement préempté par des garçons et ça se voit au sein des collectifs d’humour comme Golden Moustache, Studio Bagel ou Why Tea Fam.» Alors même que les moyens de mesure et de rémunération sont totalement équitables entre hommes et femmes sur la plateforme vidéo.

Pourquoi un tel décalage? «Cela ne fait que traduire une difficulté de notre société, concède Antoine de Tavernost, directeur de développement chez Live by GL Events et coproducteur du premier salon français consacré aux youtubeurs, Video City. C’est beaucoup plus risqué pour une femme de faire rire sur internet. On connaît tous la violence des internautes», déplore-t-il. Sur la toile, les réflexions sexistes sont bien souvent la norme. «Les femmes sont bien plus exposées aux insultes lorsqu’elles prennent la parole», continue-t-il. Faire rire, c’est aussi souvent se mettre des gens à dos, même si leur public reste très divers et surtout très mixte. «Globalement, leurs vidéos sont regardées aussi bien par les hommes que par les femmes», affirme Stanislas Couston, directeur du social media chez Starcom Mediavest.

Sans filtre

Qu’à cela ne tienne, la parole se libère ! Et si elles ont mis plus de temps à sortir du bois, les humoristes femmes émergent, s’organisent et montent en puissance. Après tout, le rire est le propre de… tout le monde. En octobre 2015, la plateforme Madmoizelle.com lançait un «incubateur» pour aider les demoiselles à oser plus. «Si la consommation de vidéos sur le web a connu une véritable explosion avec You Tube, créant avec elle des superstars “youtubeurs”, il faut constater qu’il y a –comme d’hab– peu de superstars youtubeuses», déplorait Fab, une des rédactrices de la communauté Madmoizelle. Le site a mis en place un réseau d’entraide entre filles, sur des forums, pour les accompagner dans leur travail sur l'écriture, la réalisation, le montage. Et la tendance prend. «L’humour des filles sur la toile, c’est une vraie tendance émergente, admet Stanislas Couston. «Les marques s’y intéressent de plus en plus. Elles ont une vraie recherche de personnalité et sont souvent plus directes dans leurs sketchs que certains youtubeurs», ajoute Julien Lefèvre, directeur général de The Story Lab. L’humour potache n’est –heureusement– pas réservé à la gent masculine! Au contraire. «Ce qui plaît sur You Tube, c’est justement l’aspect “no filter”, sans retouche. Les youtubeuses prônent le fait de s’assumer et d’être à l’aise dans ses baskets», analyse Guillaume Mallet. La youtubeuse est libérée. Du simple naturel, on passe au franc-parler, qui mène inévitablement vers l’humour.

Parmi les youtubeuses «drôles», on distingue trois catégories. Les «stars», évidemment, qui même si elles sont moins connues que les hommes, évoluent dans leur cour, comme Andy Raconte ou Natoo, qui affichent plus de 2,5 millions d’abonnés et travaillent déjà avec des marques (Garnier, Microsoft…). Puis viennent  «d’anciennes youtubeuses mode ou beauté qui ont eu besoin de se renouveler auprès de leur communauté. Elles sont allées sur le lifestyle et maintenant, elles intègrent l’humour. Elles ne sont pas estampillées humoristes, mais sont généralement plus charismatiques que leurs consœurs. Ce sont des Mademoiselle Gloria, Horia ou Emma Cakecup», pointe Guillaume Mallet. Ces youtubeuses «classiques» qui sont venues à l’humour suscitent des vocations auprès des plus jeunes, comme «Adele ta chérie d’amour» (244 000 abonnés) ou «Adeline vidéos» (366 000). Âgées d’une quinzaine d’années, cette nouvelle génération de youtubeuses parodient et se moquent de ce que font les filles de leur âge. Des sujets qui parlent aux ados, mais avec déjà une écriture et une trame narrative travaillée. De quoi s'attacher l'attention de nouvelle communauté de jeunes et être repérée par les marques, toujours à l'affût. 

Les trois catégories de vlogeuses blagueuses

Les «stars». Issues de collectifs.

Les «classiques». Venant de la sphère mode-beauté, elles se sont mis à l’humour pour se renouveler.

Les «jeunes pousses». Âgées de 15 ans, elles représentent la deuxième génération de youtubeurs.

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