Art
Alors que s'ouvre le 44e festival de la bande dessinée à Angoulême, la BD retrouve une nouvelle jeunesse en communication avec les réseaux sociaux et les nouveaux usages en termes de consommation de contenus.

«Il y a six ans, j’ai orchestré une publicité pour McDo qui mettait en scène Astérix et Obelix. Elle avait été distinguée par Ipsos comme la campagne préférée des Français. Et Uderzo l’avait beaucoup appréciée», se rappelle Stéphane Xiberras, président et directeur de la création de BETC Paris. L’irréductible Gaulois faisant la publicité d’un fast-food américain, il fallait oser! Tout comme le recours au Capitaine Haddock recrachant bruyamment son eau gazeuse avec un gigantesque «Pouah», pour manifester sa désapprobation de ne pas boire du whisky, mais du Perrier (agence Ogilvy).

«Par sa forme claire immédiatement compréhensible, la BD fonctionne bien en publicité. Elle permet aux marques d’engager la conversation facilement avec leur cible, analyse de son côté Michel Perret, directeur général chargé des stratégies chez Leo Burnett France. Dans une logique de notoriété, le recours à un héros de BD connu fonctionne comme une égérie, sauf qu’il est souvent moins cher! La marque s’associe à un imaginaire existant. Cela facilite l’attachement car on reconnaît des personnages qu’on apprécie déjà.»

Impertinence

Les exemples ne manquent pas: Blake et Mortimer pour le whisky Jameson, Boule et Bill pour Kodak, Les Schtroumpfs pour Benco. Quant à Tintin, cela fait bien longtemps qu'il prête ses traits aux marques, de la margarine Fruit d’Or à la Citroën LN en passant par la Croix-Rouge ou la moutarde Amora… Si depuis quelques années, les marques ont moins tendance à mettre en scène des personnages de licence, l’influence de la bande dessinée ne plane pas moins sur le secteur. En témoigne une récente publicité largement primée, dans laquelle un Mini Babybel masqué et vêtu d’une cape s’exclame «Je suis super cheese!». «Nous voulions signifier que ce petit personnage est beaucoup plus que ce dont il a l’air, et nous sommes inspirés de la BD américaine Calvin & Hobbes, mais surtout du personnage de Superman», expliquent Franck Saelens et Éric Lavenac, respectivement directeur des stratégies et concepteur-rédacteur au sein de Young & Rubicam. Clark a en effet l’air tout sage avec ses petites lunettes et son costume, mais il a des pouvoirs gigantesques. «L’avantage du recours à un personnage universel, c’est qu’il fonctionne partout. Cette campagne a été déployée dans plus de six pays en Europe», ajoutent-ils.

On pourrait penser que les marques de luxe rechignent à «flirter» avec le 9ème art, dont l’aspect «populaire» n’est pas en phase avec leur image, et pourtant... Dior a opté pour deux personnages très «mâles» pour incarner Eau Sauvage: Corto Maltese et Largo Winch. Alain Lachartre estime que cette association d’image permet aux marques de luxe d’afficher une plus grande décontraction. Dessinateur, il a fondé son agence avant de se consacrer à l’écriture de livres. «Veuve Cliquot, Crillon, Chanel… elles veulent s’offrir un petit frisson et un aspect plus impertinent. Il y a quelques années, le directeur artistique de Chanel souhaitait faire une plaquette pour les journalistes. Il était sous le charme quand je lui ai proposé de faire intervenir Jacques Tardi», précise-t-il.

Porteur

De fait, les marques ont recours à la BD pas seulement pour leurs campagnes de publicité, mais pour leur communication au sens large. Les laboratoires Roche viennent ainsi de publier Les mots qui blessent. Quelles sont les expressions à éviter? Comment trouver les mots appropriés? Conçu avec des personnes ayant l'expérience de la maladie, ce livret s’adresse aux proches des patients. Pour que les messages passent mieux, il est illustré de façon ludique par Philippe Tastet. «C’est un format idéal pour faire passer des messages complexes ou délicats», confirme Julien Lefèvre, directeur général de The Story Lab (Groupe Dentsu Aegis Network). Pour la Sécurité routière, il a ainsi choisi de mettre en scène des personnages emblématiques de l’univers de la BD, notamment Captain America, lequel dirige une mission qui permet à des jeunes de rentrer chez eux en toute sécurité. «Il est impératif de concevoir des contenus qui captent l’attention du grand public avec des codes immédiatement identifiables. La BD est tendance car, dans une logique d’accélération du temps et de surabondance des contenus, il faut intéresser le public tous les jours», explique-t-il.

Un format bien adapté aux réseaux sociaux 

Pour s’adresser aux internautes, invités à voter pour un projet dans le cadre d’une campagne EDF Pulse, Manuel Bousquet, concepteur-rédacteur web chez Havas Paris, a choisi la BD. «Six start up étaient en compétition. Pour expliquer leur activité, nous avons opté pour des mini-BD sur les thèmes de la santé, de la ville de demain…», explique-t-il. Son objectif: rendre le propos moins corporate et plus attractif. «Internet favorise l’appropriation, de par son aspect partageable. D’ailleurs, les dessinateurs actuels se sont pour la plupart fait connaître dans la sphère digitale, notamment grâce à des blogs», analyse-t-il. Selon lui, ce qui a changé ces dernières années, c’est que la BD n’a plus tant vocation à vendre un produit qu’à développer l’imaginaire autour de la marque. Et pour arriver à cette fin, de Pénélope Bagieu à Killoffer en passant par Boulet et bien d’autres, ce ne sont pas les talents qui manquent!      

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.