Sur le site Internet du fabricant de capsules à vis Guala Closures, une vidéo montre le sosie de Mr Bean, Arnaldo Mangini, s'acharnant sur une bouteille dont il n'arrive pas à enlever le bouchon. Sa fiancée entre, pose sur la table avec un grand sourire la bouteille qu'elle vient d'apporter et, d'un simple geste, en dévisse la capsule sous le regard niais de son compagnon…
Depuis que le monde entier sait faire de bons vins, négociants et vignerons se creusent la tête pour maintenir leurs ventes. Place donc à la facilité d'usage. Le salon Vinisud (salon international des vins et spiritueux méditerranéens), qui aura lieu du 22 au 24 février à Montpellier, sera la scène de nouvelles expériences et innovations en la matière.
La capsule à vis, désormais exigée sur certains marchés comme la Scandinavie, grignote des parts de marché aux traditionnels bouchons en liège ou synthétiques: sur les 17 milliards de bouteilles commercialisées dans le monde, presque 3 milliards étaient fermées par une capsule en 2009, contre 300 millions il y a six ans.
Mais c'est surtout le Bag-in-box (appelé aussi «fontaine à vin» ou «BIB») et son cousin le Bag-in-tube qui font un tabac. Même en France, pays le plus résistant aux nouveautés en la matière, le Bag-in-box a fini par s'installer dans les rayons des grandes surfaces. Il représente même deux tiers des ventes de vins de pays dans la grande distribution! Pour le groupe Skalli, pas question de sortir son tout nouveau languedoc rosé Couleurs du Sud sans le proposer dans ce contenant : sur le salon, le groupe présentera la classique bouteille en verre de 75 cl, le Bag-in-box de 3 litres et celui de 5 litres. Pour Aurélien Jousse, directeur marketing, c'est un choix stratégique: «La croissance est telle que la figure est désormais imposée.»
Objets d'art
Longtemps remisé au fond des rayons et des magasins (chez le caviste Nicolas, il était calé sous la caisse), le Bag-in-box a su se faire une place en poussant dehors le bon vieux Cubitainer en plastique et le litron de rouge dans les rayons des grandes surfaces. Car le BIB a de nombreux atouts. Le vin, logé dans une poche en EVOH (polymère protecteur) elle-même encastrée dans un carton, y est protégé de la lumière et de l'oxydation. En 3 ou 5 litres, il est facile à transporter, et se case dans la porte du réfrigérateur. Et il est moins cher: le buveur régulier s'offre l'équivalent de quatre bouteilles de 75 cl pour le prix de trois. Il peut se servir un verre de temps en temps, en manœuvrant le robinet, sans avoir à déboucher une bouteille qu'il n'est pas sûr de finir. Pratique aussi pour les restaurateurs qui proposent le vin au verre, il leur permet de faire encore plus de marge qu'avec une bouteille classique.
Côté marketing, avec une bien plus grande surface d'expression écrite et visuelle, ce packaging décuple les possibilités d'innovation. Le château Puech-Haut, dans le Languedoc, a même eu l'idée de reproduire en miniature sa collection de fûts recyclés par des artistes célèbres pour en faire des Bag-in-box. Les BIB Art sont en tôle peinte, estampillés et numérotés comme les barriques originales, et contiennent des poches de vin blanc et rosé de 2 ou 5 litres. Chez les Vignerons ardéchois, ce contenant représente aujourd'hui 57% des produits conditionnés, contre 43% de bouteilles! Vinisud sera l'occasion pour la coopérative de mettre en avant ses BIB revisités par le peintre Robert Sgarra, choisi pour sa vision des «villages de caractère». Idem chez les Vignerons catalans, dans le Roussillon: le Bag-in-box progresse de 33% quand la 75 cl stagne et la 25 cl vivote. «Même les marques développent leurs vins dans ce conditionnement. Leur croissance passe par là, estime Christophe Palmowski, directeur de Wine Consulting & Prospective. S'il n'y avait pas eu cette invention, l'évolution du marché aurait été différente.»
Si la fontaine à vin ne sauvera pas la France viticole du marasme (entre 2007 et 2008, la consommation a encore diminué de 4 litres par habitant), elle ralentit la chute et recrute même, selon les acheteurs en grande distribution, de nouveaux adeptes, permettant de regagner une partie des consommateurs perdus, de séduire les jeunes et les célibataires ou les familles monoparentales. À l'export, elle est quasi incontournable, surtout dans le nord de l'Europe.
Dans la poche !
Mais il y a encore mieux. Le Pouch-up fabriqué par Smurfit-Kappa, baptisé Wine Pouch par le groupe Jeanjean qui, grâce à cette invention, a remporté l'Oscar de l'emballage 2009 dans la catégorie boissons. Cette fois, la poche est nue, sans carton. «Un contenant plus innovant, plus pratique, moins lourd [35 g vide], explique Christophe Heymann, directeur division BIB et innovation chez Jeanjean. L'idée est venue quand j'ai été engagé avec pour mission de développer le Bag-in-box il y a quatre ans. Avec le BIB, les cartonniers sont contents. Mais quand on enquête auprès des consommateurs, ils expliquent qu'ils ne savent que faire de 3 litres de vin. Ils ignorent qu'une fois ouvert, le vin reste frais pendant plusieurs semaines. Quand on le leur dit, ils tombent des nues. Ce n'est donc pas le carton qui est important, mais bien la poche!»
Munie de trous en guise de poignée, elle a été dotée d'une base pour tenir debout. Idéal pour les pique-niques et les bivouacs. «La poche communique d'elle-même et va aider à la compréhension du système. Mais, en termes de design et de praticité, le Bag-in-box a encore sa légitimité. On ne fera jamais de Wine Pouch de 5 litres», poursuit Christophe Heymann, qui est convaincu que le Wine Pouch n'empiétera pas sur les ventes de son grand frère et l'aidera, au contraire, à s'épanouir.
Autre innovation attendue depuis longtemps : la bouteille PET de 18,7 cl dans les sandwicheries, légère et commode. Skalli a lancé un chardonnay et un côtes-du-rhône-villages rouge en partenariat avec les boulangeries Paul (57 restaurants et 330 boutiques). Et Jeanjean peaufine un nouveau concept à base de PET qui sera prêt pour les foires aux vins de printemps. Suspense…
La bouteille de verre sommée de se mettre au régime
Haro sur les bouteilles lourdes! «Le vin est de loin le secteur qui consomme le plus d'emballage en termes de poids, devant le secteur alimentaire et les boissons en général», s'alarme Nicola Jenkin, responsable au sein du Waste & Ressource Action Programme, organisme britannique qui invite les particuliers et les entreprises à réduire et recycler les emballages ménagers. Il est donc grand temps de passer à l'allégé. Les Vignerons catalans le font avec la bouteille Temps de vivre, qui détaille sur une collerette son caractère écoresponsable: bouteille légère Ecova créée par Saint-Gobain, bouchon liège de chez Amorim certifié par le Forest Stewardship Council et étiquette Imprim Vert. Bref, la panoplie complète du bon élève environnemental.
