communication interne
Pour reconquérir des salariés devenus méfiants, voire hostiles, les entreprises importent les codes de la communication externe.

Restructurations, gels des salaires, réorganisations à marche forcée, diktat de la productivité, culture du «deux poids, deux mesures»: jamais le fossé n'aura été aussi profond entre salariés et employeurs. Fini l'entreprise star des années 1980! Il faut dire qu'elle l'a bien cherché. Tellement bien qu'aujourd'hui, les dirigeants n'ont pas d'autre choix que de se racheter une vertu auprès de leurs troupes. Si les entreprises n'ont sans doute jamais été acculées à une telle nécessité de communiquer en interne, jamais non plus elles n'ont été confrontées à une pareille difficulté de l'exercice.

Il faut d'abord apprendre à poser le discours, à engager la parole, en tablant sur le temps, la preuve et l'empreinte. Pour Bruno Scaramuzzino, patron de l'agence Meanings, l'heure est propice à un retour en force du papier: «La mobilité permanente renforce le besoin d'ancrages. La notion de trace redevient importante. Le print reprend ici tout son sens».

Selon une étude Publicorp-Opinion Way menée en 2010, 59% des salariés ne recommanderaient pas leur entreprise à des proches. «L'un des objectifs majeurs de la communication interne porte sur la reconquête des jeunes – cette fameuse génération Y – mais aussi la nouvelle génération C, qui arrive avec des codes inédits: hyperconnexion, aucune censure, rejet total de la langue de bois, etc.», explique Éric Tazartez, patron de Publicorp.

Les entreprises sont plus que jamais en quête de stratégies et de dispositifs internes. «Nous n'avons jamais été autant sollicités pour de la communication interne, confirme Hélène Sagné, dirigeante de Bug Agency. Plusieurs des plus gros clients de l'agence, comme Total, Alcatel-Lucent ou Carrefour, ont déménagé durant ces derniers mois. Des chantiers énormes, pour lesquels la communication interne prend les manettes.»

Décongestionner le système

Pour l'heure, la communication externe reste encore la référence: teasing, sites communautaires, codes créatifs… «Même l'approche "business" fait son apparition dans les briefs, remarque Hélène Sagné. Des entreprises comme Abott ou Crédit agricole leasing et factoring nous ont récemment fait travailler en communication interne sur le design de plans stratégiques.»

Mais, selon Édouard Rencker, président de Makheia Group et de l'agence Sequoia, la communication interne actionne des ressorts trop spécifiques et complexes pour être solubles dans une culture de communication externe. «L'interne constitue un laboratoire pour la communication éditoriale. En adoptant de nouveaux outils, elle va révéler de nouvelles pratiques de nouvelles règles et de nouvelles jurisprudences», estime-t-il.

Avant de déployer de nouveaux outils, encore faut-il faire le ménage dans les anciens. Premier terrain à déblayer: la jungle des intranets. Certains groupes ont fini par en agréger des centaines, qui ne servent à rien sinon à congestionner les circuits d'information et à plomber les lignes budgétaires. Audit, diagnostic, évaluation de l'existant: les entreprises et leurs agences ont du pain sur la planche.

L'activité d'analyse de contenus récemment mise en place chez Ligaris a sans nul doute pesé dans le choix de la SNCF, qui a confié à l'agence la mise en place d'une plate-forme de gestion des contenus et des supports pour l'ensemble de ses publications internes (aujourd'hui quelque 300 magazines).

«Notre travail s'apparente de plus en plus à du conseil en organisation. Les entreprises se retrouvent avec des outils nombreux, redondants, inefficaces sinon contre-productifs», confirme Olivier Sere, associé chez Euro RSCG C&O, dont le pôle éditorial et contenus réalise 50% de son activité avec la communication interne pour des clients comme Groupama, Monoprix, France Télécom Orange…

Il s'agit donc de mettre de l'ordre en amont, mais aussi en aval, en empêchant le désordre de se réinstaller. Pour des clients comme EDF ou le GAN, l'agence Because a concentré ses prestations exclusivement sur l'analyse et le conseil. En matière d'optimisation des dispositifs internes, les entreprises peuvent agir sur différents tableaux. Les plates-formes de production et de gestion éditoriale font aujourd'hui partie des meubles, du moins pour les grandes entreprises contraintes de mettre en place des systèmes susceptibles de garantir volume et couverture de diffusion.

D'un point de vue fonctionnel, ces outils ont fait leurs preuves. La difficulté majeure est de trouver, sélectionner et hiérarchiser l'information. L'animation des dispositifs, c'est justement le nouveau credo d'Editoria, qui a mis en œuvre chez ERDF une «plate-forme d'animation éditoriale».

Huiler la mécanique communautaire

Outre un comité éditorial plurimédia qui réunit chaque semaine l'ensemble des communicants du groupe, le dispositif repose sur une conférence de rédaction mensuelle regroupant les représentants des neufs directions du groupe ERDF. Aucun communicant autour de la table. «Toute l'idée est de faire remonter l'information par ceux qui la détiennent», explique Éric Bentot, président de l'agence.

Remonter la bonne information au bon moment et l'acheminer vers les bonnes cibles. La tâche est moins aisée qu'il n'y paraît pour des directions longtemps arc-boutées sur un discours hiérarchiquement descendant. Aujourd'hui, les entreprises doivent intégrer la dimension communautaire et ses codes. Certaines d'entre elles commencent à le comprendre. Valeo, PSA, Bouygues Telecom ont mis en œuvre de puissants réseaux sociaux internes.

«À qui donner la parole, à quel moment, pour dire quoi… L'animation des réseaux sociaux est en soi une expertise éditoriale», soutient Aurélie Boué, présidente de Tagaro DDB. L'édition 2010 de l'Observatoire de l'intranet constate que seuls 16% des utilisateurs déclarent se servir régulièrement des outils collaboratifs. D'où la nécessité d'investir des thématiques légitimes et fédératrices, comme l'intégration ou l'environnement. Lorsque le groupe EDF lance ses Trophées du développement durable, il actionne une mécanique communautaire bien huilée, progressive, en prenant bien soin d'aller du bas vers le haut.

«Nous avons travaillé de manière pragmatique, en combinant les outils en et hors ligne et en jouant sur la montée en puissance: d'abord le niveau local, puis le national et enfin l'international», explique Fabienne Cammas, directrice générale du groupe Plan créatif. In fine, EDF a recueilli 538 projets, pour un investissement de 250 000 euros.

Dans ses stratégies de reconquête des publics, la communication interne ne doit surtout pas oublier ses cadres et managers. «Le rôle des managers dans la communication devient de plus en plus central. Les entreprises ont besoin de support mais aussi d'accompagnement», affirme Laurence Houdeville, PDG de Ligaris L'Agence dont la maison mère a développé en 2010 un pôle RH communication managériale, aujourd'hui complété d'un laboratoire de veille en communication managériale.

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