Rêve, plaisir, reconnaissance: les «digital natives» du monde entier aiment le luxe. Beaucoup, passionnément… et davantage que leurs aînés.

Les jeunes de 15 à 35 ans, dits de la génération Y ayant grandi avec l'ordinateur et Internet, raffolent du luxe. Et ce un peu partout dans le monde. C'est le double constat d'une grande étude réalisée par Ipsos, sur la base des données 2009 et 2010 de son Observatoire international des clientèles du luxe, lancé en 2007 et reconduit depuis chaque année (lire l'encadré).

 

Non seulement les jeunes aiment le luxe, mais ils l'aiment plus que leurs aînés, même si l'écart est plus réduit en France et au Japon. «Dans ces deux pays existe une culture du luxe plus prégnante qu'ailleurs, ce qui explique sans doute un rapport plus distant, plus raisonné, plus expert aux marques, même chez les jeunes», argumente Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances et Prospective au sein d'Ipsos Public Affairs.

 

Le luxe fait rêver la génération Y. C'est particulièrement vrai en Grande-Bretagne (80% de jeunes, vs 72% pour l'ensemble de la population), en Chine (75%, vs 74%), aux États-Unis (71%, vs 67%) et en Allemagne (69%, vs 59%). Nettement moins au Brésil et en Espagne (54%).

 

Besoin de valorisation

Comment expliquer ce penchant affiché de la génération Y des 15-35 ans pour des marques et des produits que l'on aurait pu croire plus appréciés de leurs aînés? «Les réponses sont multiples, souligne Rémy Oudghiri. Mais elles traduisent pour beaucoup une recherche identitaire et une démarche de construction personnelle.»

 

Le luxe, vecteur de rêve, certes, mais pas seulement. Pour 71% des jeunes des marchés développés, pour 77% des Chinois et 60% des Brésiliens, le luxe est également envisagé comme «un pur plaisir, un moment d'émotion». Pour la génération Y, il s'agit aussi d'un passeport pour la mode, d'un point d'ancrage dans l'époque. Le luxe est même perçu comme «ce qu'il y a de plus pointu en matière d'innovation» (pour 79% des Chinois et 53% des jeunes des marchés développés).

 

Un peu partout, à l'exception du Japon et de l'Allemagne, la génération Y est ainsi massivement en quête d'inédit: entre 78 et 85% des personnes interrogées réclament des boutiques qu'elles leur fassent découvrir de nouveaux produits. D'où, sans doute, une association recherchée entre luxe et événementiel. Notamment chez les Chinois et les Brésiliens, qui attendent à 72% et 71% des marques de luxe qu'elles animent leurs points de vente.

 

À cette vertu novatrice s'ajoute une fonction sociale du luxe, souvent évoquée comme un «signe de réussite», «une façon de se distinguer» ou encore de «se sentir plus sûr de soi». Sur tous ces déterminants sociaux, on observe néanmoins de fortes disparités d'un pays à l'autre. Si 80% des jeunes Français associent le luxe à un levier de différenciation, ils ne sont que 49% des Japonais à les rejoindre sur ce terrain. Le gain de confiance, avancé par 88% des Chinois, n'est cité que par 39% des Français.

 

Plus unanime en revanche est le besoin de valorisation: attente d'un «service exceptionnel» de la part des marques, aspiration à se voir «traités comme des gens importants» et grand souci de l'apparence. «Pour me sentir bien, j'ai besoin d'être bien habillé» affirment entre 57% (États-Unis) et 68% (Grande-Bretagne) des jeunes.

 

Périmètre élargi

S'il représente le rêve, le plaisir, la reconnaissance, la séduction, le luxe exprime également pour la génération Y une histoire d'amour contrariée. Dans les marchés développés, il s'apparente pour 63% des jeunes à un monde inaccessible, 23% déclarant même «ne pas pouvoir s'offrir des produits de luxe». En Chine et au Brésil, on met en avant le caractère très occasionnel du rapport au luxe.

 

«Pour résoudre cette histoire d'amour contrariée avec les grandes marques du luxe, la génération Y utilise toutes les ressources d'Internet», explique Rémy Oudghiri. De loin, ce sont les Chinois qui ont le plus massivement intégré cette articulation luxe-Web: pour visiter les sites, comparer les prix, échanger avec les consommateurs, acheter (y compris sur des sites de revente d'occasions), voire louer des produits.

 

Quelles sont les marques phares? Dans les marchés développés, un trio de tête se forme autour de Chanel, Ferrari et Louis Vuitton. Et ce sont des griffes du monde de la mode, comme Gucci, Prada, Dolce & Gabbana et Versace qui distinguent la génération Y de ses aînés.

 

Dans l'échelle de préférence des jeunes Chinois, Louis Vuitton creuse l'écart, devant Chanel et Rolex. À noter: la percée en Chine d'Hermès, marque absente des références des jeunes Européens, y compris les Français. Plus férus de mécanique automobile, les jeunes Brésiliens citent en premier lieu Ferrari, Mercedes avant Chanel.

 

L'étude d'Ipsos montre également à quel point, aux yeux de la génération Y, le périmètre du luxe s'est élargi, allant jusqu'à englober des marques (essentiellement des griffes textiles) auxquelles leurs aînés ne donneraient sans doute pas un tel crédit: Calvin Klein, Hugo Boss, Lacoste, Ralph Lauren sont en effet citées comme les marques les plus portées par la génération Y, en Europe comme en Chine ou en Amérique.

 

«S'ils sont plus amoureux du luxe que leurs aînés, les jeunes sont aussi moins "experts", moins exclusifs dans la qualification des marques», commente Rémy Oudghiri.

 

Cette plus grande tolérance explique sans doute l'accueil très favorable qu'ils réservent aux initiatives lancées par les marques de luxe pour se rendre plus accessibles. Dans les marchés émergents, les baisses de prix recueillent ainsi 80% d'avis positifs; les magasins d'usine, 74%; le lancement de secondes lignes de produits, 71%. À noter: les plus ardents défenseurs de ces approches sont les Italiens (90%) et les Français (89%).

 

Encadré

 

Méthodologie

 

L'étude d'Ipsos porte sur des échantillons de 800 à 2 000 personnes âgées de 15 à 35 ans dans 13 pays. Entre les marchés développés (Allemagne, Corée du Sud, Espagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Hong-Kong, Italie, Japon) et les marchés émergents (Brésil, Chine, Inde, Russie), voire d'un pays à l'autre au sein de chacun de ces marchés, l'accès au luxe est déterminé par des situations socio-économiques très différentes. Pour constituer une base homogène d'enquête, Ipsos a donc travaillé dans chaque pays sur un échantillon représentatif d'un pourcentage de la population défini par le revenu annuel du ménage. Ainsi, dans les marchés comme la France, la Grande-Bretagne ou le Japon, c'est la moitié la plus aisée des foyers fiscaux qui a servi de base à l'échantillonnage. En Russie ou au Brésil, Ipsos a ciblé le top 10% des foyers. En Chine, c'est le top 5%. Et en Inde, le top 2%.

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