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Sur fond de baisse de leur diffusion, les quotidiens du monde entier multiplient les initiatives sur Internet pour renouer avec la croissance. Une stratégie qui commence à porter ses fruits.

Comment inverser la tendance baissière qui touche la presse depuis plusieurs années? Entre 2009 et 2010, la diffusion quotidienne des journaux imprimés dans le monde a perdu 1,7%, à 519 millions d'exemplaires. «Les journaux perdent non pas des lecteurs mais bien du lectorat, les personnes qui lisent des quotidiens étant moins fidèles qu'avant», estime Christoph Riess, directeur exécutif de l'association Wan-Ifra, qui organisait à Vienne du 12 au 15 octobre dernier le 63e Congrès mondial des journaux.

Côté recettes, les éditeurs de quotidiens ont vu celles-ci chuter de 30% entre 2005 et 2011, à 67 millions d'euros cette année. Et si le papier continue de générer la majorité des revenus, l'augmentation des rentrées liées au digital, qu'elles soient publicitaires ou tirées de la vente de contenus, redonne un peu d'optimisme aux éditeurs. Espaces payants sur Internet, applications pour tablettes, réseaux sociaux: ces derniers mois, les journaux ont multiplié les initiatives pour tenter de renouer avec la croissance, avec des résultats encourageants. Revue de détail.

 

Les paywalls

 

L'année 2011 restera celle des «paywalls» (murs payants), ce système qui permet aux éditeurs de presse de réserver une partie de leurs contenus sur Internet aux internautes qui ouvrent leur porte-monnaie. Quelque cent vingt-cinq titres américains ont déjà mis en place des zones payantes au sein de leur site et les initiatives se multiplient en Europe.

Contrairement aux craintes des éditeurs, l'audience de leurs déclinaisons numériques n'a pas baissé pour autant. Selon une étude Comscore réalisée pour l'Association américaine des journaux, le nombre de visites enregistrées en septembre par les sites de quotidiens américains a même progressé de 20% en un an. «Beaucoup de personnes sont prêtes à payer pour de la qualité. C'est comme tout dans la vie: quand vous avez besoin de quelque chose, vous payez pour l'avoir», juge Jim Roberts, directeur adjoint de la rédaction du New York Times, qui a mis en place un mur semi-payant en mars.

Depuis, 281 000 internautes se sont abonnés au Nytimes.com, moyennant 15 à 35 dollars par mois, dont 57 000 sur smartphone ou tablette. À cela s'ajoutent les 756 000 abonnés du journal papier qui ont activé leur abonnement numérique. Pour ceux qui ne souhaitent pas payer, la consultation du site est gratuite jusqu'à vingt articles par mois. Également en accès libre, les contenus promus sur Facebook et Twitter ainsi que les articles qui ressortent dans les recherches Google.

«Il faut offrir du contenu gratuit pour donner aux utilisateurs une raison de payer. Les murs payants ne doivent pas être comme le mur de Berlin», estime Dirk Nolde, gérant du Berliner Morgenpost Online. Mis en place fin 2009, l'espace payant du quotidien allemand compte aujourd'hui 11 000 abonnés digitaux, auxquels s'ajoutent les 80 000 abonnés du journal papier.

En Slovaquie, neuf sites d'information ont préféré faire front commun. Moyennant un abonnement mensuel de 2,90 euros, les utilisateurs ont accès à l'ensemble des contenus payants, comme les articles politiques et opinions du quotidien SME. Un système qui rapporte près de 30 000 euros par mois, répartis entre les éditeurs en fonction de l'audience de leur site. «Ça peut seulement être fait dans un petit pays comme le nôtre, avec une langue peu courante», relativise Matus Kostolny, rédacteur en chef de SME.

 

Les tablettes

 

Un an et demi après la sortie de l'Ipad, l'offre des éditeurs sur tablettes mûrit. Selon l'institut Gartner, 300 millions d'appareils devraient être vendus d'ici à 2015, quatre fois plus qu'aujourd'hui. «La publicité s'utilise différemment sur tablette. Il faut s'adresser aux yeux des utilisateurs mais également à leurs doigts», analyse le designer de presse Mario Garcia.
Parmi les initiatives de ces derniers mois, The Daily, premier quotidien lancé exclusivement sur la tablette d'Apple par Rupert Murdoch.

Huit mois après la sortie de son premier numéro, le titre revendique 120 000 lecteurs quotidiens, dont 65% par abonnement. «Les tablettes ont été l'occasion de lancer une nouvelle expérience de marque», se félicite aujourd'hui Rebecca Grossman-Cohen, directrice du marketing. Un résultat qui reste loin des 500 000 lecteurs que le journal s'était donné pour objectif.

Du côté des quotidiens traditionnels, à chacun sa stratégie sur smartphone et tablette. En juin, le Financial Times faisait office de précurseur en lançant une webapp en HTML 5, un format qui ne nécessite pas de passer par Apple. Le quotidien allemand Die Zeit a lui fait le choix de ne pas proposer d'application gratuite ni sur Ipad ni sur Iphone. Les lecteurs nomades doivent se contenter du site Web du journal optimisé à la taille de leur écran pour avoir accès aux dernières informations gratuitement.

Avantage pour l'éditeur, un coût de développement moins élevé, une totale indépendance vis-à-vis d'Apple et une plus grande flexibilité dans l'évolution du site. «Avec un site optimisé pour les mobiles, nous touchons plus de personnes qu'avec une application, même gratuite», estime Wolfgang Blau, rédacteur en chef de Zeit Online.

 

Les réseaux sociaux

 

Pour les éditeurs de presse également, les réseaux sociaux sont devenus incontournables. «Facebook et Twitter génèrent de l'audience, pas des revenus», souligne le patron de Wan-Ifra, Christoph Riess. Par exemple, lors des révolutions arabes, les éditeurs ont constaté que la promotion du direct d'Al Jazeera sur les réseaux sociaux, notamment par des liens sponsorisés, a permis à la chaîne d'augmenter la fréquentation de son site de 2 500%.

«Les journaux disposent aussi de relais sur les réseaux sociaux grâce à leurs journalistes, dont certains ont construit une communauté importante autour de leur nom», explique Nic Newman, consultant pour l'agence Innovation. Parmi les journalistes cités en exemple, Nicholas Kristof, du New York Times, avec 1,1 million de «followers» sur Twitter et 230 000 fans sur Facebook.

 

Encadré

 

Et le papier?

 

Face à la crise, les éditeurs n'y vont pas par quatre chemins: «Il faut changer l'offre éditoriale, arrêter les activités non clés et réduire le nombre d'employés», estime José Luis Sanz Diaz, PDG d'El País. Restructuration? «Les perdants seront ceux qui dépenseront trop d'argent pour le faire», estime Gregor Waller, ancien dirigeant du groupe Welt. Selon lui, les journaux ne devraient pas avoir d'autre choix que d'augmenter leur prix de vente, au-delà de 2 euros par numéro, afin de pallier la baisse de la diffusion. Rolv Erik Ryssdal, PDG du norvégien Schibsted, appelle quant à lui à plus de «journalisme planifié». Au quotidien suédois Svenska Dagbladet, 40% des articles d'actualité sont voués à être bouclés au moins un jour à l'avance, quitte à remplacer les pages déjà faites en cas de très grosse actualité, ce qui arrive en moyenne tous les trois jours, estime le PDG. Mais personne n'a encore trouvé le Graal. Expérimentation est plus que jamais le maître mot du secteur.

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