Avec la première édition de son étude Living Luxury in Emerging Markets, l’Ifop se penche sur la sociologie de consommation des acheteurs de luxe dans les pays émergents.

Comprendre les populations acheteuses de luxe dans les pays émergents pour permettre aux entreprises d'adapter leurs stratégies d'implantation, leur offre et leur communication, c'est l'objet de l'étude Living Luxury in Emerging Market menée par l'Ifop entre février et avril 2011. Cette étude consacrée aux marchés du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine, du Mexique et de l'Argentine croise des données quantitatives avec des recherches prospectives et fournit à la fois des données de consommation et sur les marques en présence et leurs retours d'expérience.

 

Premier constat: après la crise de 2008, le secteur du luxe affiche une excellente reprise en 2010 notamment dans ces pays émergents avec le boom de la classe moyenne et le développement des classes de très riches. Sur le territoire de la Grande Chine (Chine continentale, Hong-Kong, Macao et Taiwan), le secteur du luxe a ainsi connu une croissance de près de 30% en 2010 (source: Bain & Cie), à comparer au Japon qui ne progresse que de 2%, l'Amérique et l'Europe de 7 à 8%.

 

L'étude révèle que les acheteurs du luxe du Bric sont particulièrement confiants dans la croissance de leur pays: c'est le cas de 77% d'entre eux en Inde, 66% au Brésil et 62% en Chine; le Mexique et l'Argentine sont plus en retrait (32% et 33% de très confiants). Concernant leur pouvoir d'achat, ils sont unanimes sur le fait que celui-ci va s'améliorer au cours des douze prochains mois.

 

Pour cette clientèle, «si la qualité reste la valeur maîtresse du luxe, explique Stéphane Truchi, président du directoire de l'Ifop, les motivations sont différentes suivant les cultures.» Et de préciser qu'en Chine, le luxe répond à la fois à un besoin d'exprimer un style de vie «trendy», une personnalité unique et la volonté de montrer sa distinction sociale, ceci comme dans tous les pays émergents. En Inde, au-delà de la quête d'expression statutaire, c'est avant tout un moyen d'exprimer sa personnalité. En Russie, le plaisir et la quête de distinction sociale sont les premières motivations, alors qu'au Brésil, l'achat de luxe recouvre des notions plus individuelles, motivé par des désirs hédonistes comme le plaisir pour soi et le besoin de se récompenser.

 

«On relève un haut niveau d'attente de services en boutique, souligne par ailleurs Stéphane Truchi. Les attentes principales sont centrées sur des produits (notamment leur disponibilité et leur variété), mais aussi sur la qualité de l'attention portée aux clients par les vendeurs et leur immédiate disponibilité.»

 

La sécurité en boutique est également un critère important au Brésil et en Russie. Pour l'Ifop il y a là un terrain à conquérir car l'expérience proposée par les boutiques de luxe dans les pays matures reste supérieure à celle proposée dans les pays émergents.

 

Quelles sont les principales sources d'influence dans la décision d'achat? «Les points de contact sont avant tout liés à la marque: boutiques, site officiel, catalogues, répond Stéphane Truchi, mais aussi au consommateur (bouche-à-oreille, blogs et forums) avec l'influence croissante du Web social, comme Facebook, premier site social auprès des Top 10 en Amérique latine et en Inde, ou Renren en Chine et VKontakte en Russie.» C'est en Inde (65%) et au Mexique (62%) que la proportion de «fans» de marques de luxe sur un réseau social est la plus importante.

 

Pour développer le marché du luxe dans ces pays, «les marques ont un devoir d'initiation aux codes du luxe tout en s'adaptant aux cultures», rappelle le président de l'Ifop. En Russie, il faut renvoyer des signes de plaisir et de sensualité propres à l'âme russe et intégrer des signes locaux dans la communication des marques internationales, pour créer l'adhésion d'un consommateur animé par des valeurs patriotiques, indique l'étude.

 

En Chine, il s'agit pour les marques de revendiquer leur savoir-faire spécifique, l'authenticité de leur mode de fabrication, mais aussi transmettre un rituel de consommation sachant que même si les jeunes manifestent un regain d'intérêt pour les rites et traditions, la revendication de l'origine étrangère est un élément contribuant au succès du Luxe.

 

Au Brésil, «"l'expérientiel" - voire l'émotionnel - est l'une des clés du succès», estime l'Ifop. Les Brésiliens aiment établir une relation instinctive et affective avec ce qui les entoure, y compris avec les marques de luxe. Ils se caractérisent par un «cool spirit»: ils sont très proches de la nature et sont en attente de marques qui s'en inspirent. Contrairement à l'Europe marquée par la défiance à l'égard des marques, ils sont dans une relation d'empathie et de confiance à l'égard de celles-ci. Ils sont enfin à la convergence de trois cultures: des racines européennes, un style de vie marqué par l'American Dream, et des valeurs culturelles locales amplifiées par un regain de patriotisme.

 

L'Inde, marqué par de nombreux rites, traditions et par ses castes, est un pays complexe où la fierté indienne est une composante à prendre en compte par les marques occidentales qui veulent s'y implanter. Elles doivent «indianiser» leur offre d'autant que la culture de marques y est faible et le luxe y est plus traditionnel. Les plus aisés ont l'habitude des services sur mesure. Les jeunes y sont les plus optimistes au monde, et affichent clairement leur désir de réussite. Une cible parfaite pour les grandes maisons!

 

Encadré

Le point de vue d'un annonceur

«Les quatre marchés dits Bric ont redéfini l'image du luxe dans le monde, mais n'ont plus grand-chose en commun avec des différences très fortes de maturité d'un pays à l'autre. En Chine, qui est en passe de devenir le premier marché du luxe au monde, mais pourrait encore se classer dans l'eldorado, les marques n'ont plus besoin de travailler leur notoriété mais leur visibilité. En Russie, on est sur des sables mouvants: les progressions sont phénoménales, mais signe d'une maturité plus faible avec des perspectives donc plus incertaines. L'Inde reste le marché le plus complexe à aborder, en particulier avec la limitation des infrastructures existantes, même si le niveau de connaissance des marques se développe de manière forte. Enfin, au Brésil, l'appétence à l'égard de la consommation et du luxe en particulier laisse présager une forte croissance dans les prochaines années, même si c'est l'un des pays les moins développés parmi le Bric.»

Xavier Guéroux, directeur du groupe Richemont Marketing Services

 

Encadré

Trois zones de potentiel

En prenant comme indicateurs, le nombre de millionnaires (en dollars) et le nombre d'individus appartenant aux 10% de la population aux plus hauts revenus (Top 10), l'Ifop a défini trois zones de potentiel. Le plus fort potentiel se trouve en Chine: 670 000 millionnaires, 135 millions de Top 10  (25 000 dollars et plus) et en Inde: 140 000 millionnaires, 120 millions de Top 10 (35 000 dollars et plus). Suivent le Brésil: 150 000 millionnaires, 20 millions de Top 10  (35 000 dollars et plus) et la Russie: 120 000 millionnaires, 14 millions de Top 10 (25 000 dollars et plus) et enfin le Mexique: 70 000 millionnaires, 11 millions de Top 10 (60 000 dollars et plus).

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