Réellement nés avec la décentralisation, les services de communication des collectivités territoriales doivent relever un nouveau défi: construire l'image de leur territoire pour y attirer entreprises et population active.

C'est avec le chef Alain Ducasse pour parrain que les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées ont annoncé le 14 février leur union autour de la nouvelle marque «Sud-Ouest France», destinée à promouvoir en France et à l'international les produits alimentaires des deux collectivités, du cannelé au gâteau basque en passant par les tripous de Rouergue. A terme, cette nouvelle bannière conçue par l'agence toulousaine Voix publique est appelée à être déclinée dans le secteur du tourisme.

Une initiative que les auteurs de la décentralisation, voilà plus de trente ans, n'avaient sans doute pas imaginé. Il est vrai que depuis la loi du 28 mars 2003 aboutissant à l'autonomie financière des communes, départements et régions, les services de communication se sont multipliés et professionnalisés. «Au départ, nous étions chargés de gérer des outils, d'abord le journal municipal, puis le Minitel supplanté par Internet, raconte Vincent Nuyts, directeur de la communication de la communauté urbaine de Brest. Aujourd'hui, nous sommes chargés de la mise en scène de l'image de marque de l'institution et du territoire.»

«Vaste programme!», dirait Charles de Gaulle. Si vaste, même, qu'il est encore difficile d'imaginer le début de son achèvement. Corinne Descours l'a constaté. Après neuf ans à la direction de la communication des ressources humaines d'Areva, elle a pris en main la communication externe de la région Aquitaine en avril 2011. De sa longue phase d'audit, elle a surtout retenu une réaction trop fréquente à son goût: «Combien de fois ai-je entendu lorsque j'évoquais les actions du conseil régional: "Ah oui, la Gironde!"»

 

Créer une cité numérique

Conséquence logique du long processus de décentralisation ou mauvaise communication? «Les attributions de la région restent très éloignées du quotidien, résume Corinne Descours. A part la gestion des lycées, le conseil régional ne touche guère la vie ordinaire du citoyen.»

Un constat qui signe, là comme ailleurs, sinon la fin du moins la mise en sourdine des grandes campagnes institutionnelles détaillant les champs de compétences des collectivités. Nombre d'entre elles lancent maintenant des systèmes de communication dont le versant numérique devient la colonne vertébrale.

«La loi Voynet [du 25 juin 1999] a institué des instances de concertation qui ont fait sortir la communication des collectivités locales de l'autoroute de la propagande, estime Marc Thébault, directeur de la communication de la communauté d'agglomération Caen-la-Mer. La concertation devient le cœur du dispositif. Désormais, le récepteur peut réagir et nous agissons dans une boucle de réactions.»

Couplée à la diffusion toujours plus massive des nouveaux modes d'échange issus d'Internet, cette évolution contribue à une numérisation croissante des campagnes de communication. Rennes Métropole avait lancé le mouvement, début 2011, en mettant pour la première fois à la disposition des internautes ses données. But de l'opération: permettre aux créateurs d'applications d'exprimer leur créativité avec un concours doté d'un premier prix d'une valeur de 50 000 euros.

«Nous avons misé sur la capacité créative des citoyens pour créer une cité numérique», explique Xavier Crouan, alors responsable de la communication de cette collectivité locale et aujourd'hui à la tête de celle de la région Île-de-France, où il poursuit cette même dynamique. Pour les Etats généraux de la conversion écologique et sociale, qui doivent s'achever fin 2012, il a engagé un community manager. Sa mission: «Générer des interactions entre les groupes d'experts et le public, et faire connaître cette manifestation sur les réseaux sociaux.»

 

De l'intérêt du marketing territorial

En Aquitaine, pour informer les jeunes sur les aides que le conseil régional peut leur accorder, Corinne Descours a utilisé l'affichage, le cinéma et le Web... mais pas la presse locale. Elle défend une approche proche de celle de l'entreprise privée: «Les collectivités locales doivent maintenant entrer dans l'ère du marketing ciblé et du lancement de produit.»

Soucieuse d'établir un lien différent avec les citoyens, les collectivités locales ont aussi chargé leurs services de communication de contribuer à leur développement. Comment? En créant une image capable de leur attirer les faveurs des entreprises et des actifs qualifiés. «Les territoires ont abandonné les projets de technopôles aux débouchés incertains, constate Marc Thébault. Ils cherchent maintenant à accompagner les entreprises mais aussi à en attirer d'autres. Depuis 2003, les collectivités ont créé des postes spécifiquement chargés du marketing territorial.»

Après Lyon, qui avait lancé Only Lyon en 2006, la Bretagne a fait une entrée remarquée sur ce nouveau théâtre d'opérations avec sa marque de territoire éponyme (Cf. Stratégies n°1655 du 17 novembre 2011). A la tête de la communauté urbaine de Brest depuis avril, Vincent Nuyts s'est lancé dans ce processus complexe et long. Pour établir un premier diagnostic, son équipe a mené une étude documentaire et une centaine d'entretiens avec des cadres de la collectivité locale mais aussi des chefs d'entreprises, des universitaires, des chercheurs... et des citoyens ordinaires.

De quoi faire émerger des traits saillants: «Aucune collectivité n'a les mêmes atouts, mais certaines bénéficient de phénomènes nationaux, estime Vincent Nuyts. En France, il existe une poussée des populations vers l'Ouest et le Sud. Toute la difficulté consiste à communiquer le bon atout au bon public. Vis-à-vis d'étudiants potentiels, Brest peut faire valoir la facilité à se loger, bien plus grande qu'à Paris, par exemple.» Mais faute de repères dans un paysage encore très mouvant, arrêter une stratégie et structurer des partenariats demande du temps, rappelle Corinne Descours. 

 

 

Sous-papier

 

 

En 2012, des budgets serrés... comme d'habitude!

 

 

Egalement contraintes de réduire la voilure budgétaire pour ne pas alourdir les déficits publics, les collectivités locales n'épargnent pas leur service de communication... sans pour autant les sacrifier. Le budget de communication institutionnelle de la région Île-de-France sera ainsi en baisse de 5% en 2012. Rien de nouveau sous le soleil pour autant selon Xavier Crouan, le directeur de la communication du conseil régional francilien: «Nous n'étions pas dans une situation de surconsommation budgétaire, puisque nous nous situons en-dessous des moyennes constatées, avec un ratio de 1,15 euro par habitant et par an. En fait, nous nous inscrivons moins dans une démarche de recherche d'économies que d'optimisation.»

Même son de cloche du côté de Vincent Nuyts, directeur de la communication de la communauté urbaine de Brest: «Les budgets n'ont connu une forte croissance que durant la première phase de la décentralisation. A partir de 2000, ils se sont stabilisés et, depuis, il y a une recherche constante de productivité qui a débouché sur une informatisation croissante mais aussi des choix stratégiques plus clairs. La contrainte budgétaire a le mérite de pousser à évaluer l'impact de la communication. Si c'est possible et cohérent, j'indique sur les fiches quel indicateur sera le plus pertinent pour pister le suivi de nos actions.»

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